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Agroalimentaire: les opérateurs face à la poussée inflationniste

Agroalimentaire: les opérateurs face à la poussée inflationniste

- Les pénuries, les difficultés d'approvisionnement et la hausse des prix de l’énergie commencent à peser sur les marges des agro-industriels.

- Si la hausse des coûts de production perdure, une répercussion complète du surcoût sur les prix de vente sera inévitable.

Y. Seddik
 


Conséquence directe de la remise en route de l’économie mondiale (avec une reprise plus rapide que ce qui était attendu), les coûts de production des industriels virent à la hausse. Les causes sont multiples et s’additionnent : augmentation des prix de l’énergie, des métaux, du transport maritime et d'autres composants, comme le plastique et le bois qui se font rares aujourd’hui.

Le Maroc n’échappe pas à la tendance. Les dernières statistiques du HCP montrent une augmentation de 2% de l’indice des prix à la production au mois de septembre. L'agroalimentaire est l'un des secteurs qui en pâtit le plus. Il se trouve confronté, depuis quelques mois, à une double problématique : une chaîne d'approvisionnement perturbée et des prix orientés sensiblement à la hausse.

«La tendance ascendante des coûts de production à fin septembre chez les agro industriels, l’industrie chimique et la métal lurgie, respectivement de +3,3%, +6,4% et +1,6% indique de possibles tensions sur les prix de vente dans les mois à venir», a relevé BMCE Capital Research dans sa Strategy du mois d’octobre.

Du côté de la recherche de CFG Bank, l'on signale une contreperformance attendue du secteur agroalimentaire qui devrait freiner la dynamique positive et le rythme de croissance de la masse bénéficiaire en 2021. En effet, «le secteur agroali mentaire devrait, selon nous, pâtir de plusieurs facteurs, notamment un effet de base défavorable en lien avec le phéno mène de stockage observé suite à l’an nonce du confinement en mars dernier et une flambée des cours des matières premières en 2021 suite à la reprise de la demande». D’ailleurs, sur les neuf secteurs analysés par CFG Bank, l’agroalimentaire est le seul dont la marge bénéficiaire est attendue en baisse (-316 MDH).

Le secteur se trouve ainsi entre le marteau et l’enclume, subissant une nette hausse de ses coûts en amont sans pouvoir la répercuter en aval.

Alerte sur les marges

Pour l'instant, au Maroc, on ne voit que peu les conséquences des difficultés d'approvisionnement et des pénuries dans l'indice des prix à la consommation. La demande étant actuellement soutenue, les entreprises ont tendance à retarder la hausse des prix de vente, du moins pour le moment. En revanche, une pression sur les marges se fait déjà sentir chez beaucoup d'industriels. Lesieur Cristal, par exemple, a vu ses marges se comprimer depuis le début d’année, avec des efforts consentis sur les prix de vente «afin de ne pas répercuter auprès des ménages la forte hausse des matières premières». 

Mutandis, de son côté, s’attend à ce que ses marges soient «significativement inférieures à la normale»  au deuxième semestre. Pour cause, indique l’opérateur, «les matières premières et les coûts logistiques poursuivent leur hausse et atteignent des niveaux rarement vus».

À ce jour, les entreprises ne répercutent pas complètement les hausses de prix des matières premières sur le prix de vente. Elles pourraient toutefois finir par y céder si les coûts de production poursuivent leur hausse. Dans sa communication financière au titre du troisième trimestre, Mutandis annonce que «la hausse entamée des prix de vente des gammes de Mutandis ne peut être que graduelle et progressive, avec l’objectif de retour à des marges normatives dans la seconde moitié de l’année 2022».

Certaines filières tirent déjà la sonnette d'alarme. C'est le cas de l'industrie de la conserve de poissons qui sollicite carrément un plan de sauvegarde. Dans une récente sortie médiatique, les professionnels du secteur expliquent qu'«entre la flambée des coûts des intrants et les problèmes d’approvisionnement, les prix de revient explosent depuis plusieurs mois. Ainsi, les unités de la filière ont été dans l’obligation d’accepter des augmentations majeures affectant négativement leurs marges et leurs coûts de revient».

Qui plus est, la moitié des entreprises agroalimentaires sondées dans la dernière enquête de Bank Al-Maghrib déclare ne pas avoir de visibilité quant à l’évolution future de la production et des ventes pour les trois prochains mois.

Ceux qui en profitent

Dans cette configuration de flambée des prix mondiaux, des industriels comme Snep et Sonasid sont bien lotis. Pour les analystes de Attijari Global Research, Snep profite des niveaux historiques des prix du PVC à l’international et d’un positionnement unique au sein de son secteur, qui lui permettraient de franchir la barre des 100 MDH de bénéfices dès 2021.

Il faut dire que durant les trois derniers trimestres, le prix de ce produit se maintient audessus des 1.700 dollars/T contre moins de 1.000 dollars/T historiquement. Une situation qui devrait perdurer, selon les professionnels du secteur, et ce au moins sur les deux années à venir. À l’origine de cette conviction, poursuit AGR, l’impact considérable des plans de relance économique qui limitent la disponibilité du PVC sur le marché international.

Pour Sonasid, la recherche de CFG Bank prévoit un nouveau chapitre de croissance. Les arguments  avancés sont : «l’impressionnante hausse des cours de l’acier à l’international, une nouvelle configuration du marché à l’international, l’annonce des nouveaux projets du groupe et la reprise vigoureuse du secteur du BTP au Maroc».

En effet, durant les prochaines années, Sonasid devrait profiter d’un environnement prix plus favorable que durant ces dernières années dans le but d’atteindre un nouveau palier en termes de revenus et de marges opérationnels.

Les prix des produits alimentaires au plus haut depuis 2011

L'indice mondial des prix des produits alimentaires s'est établi à 133,3 points en moyenne en octobre dernier, en hausse de 3% (+3,9 points) par rapport à septembre 2021, soit son plus haut niveau depuis juillet 2011, indique l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO). Cette augmentation est due à la solidité constante des prix mondiaux des huiles végétales et des céréales, explique la FAO, précisant que l'indice des prix des huiles végétales a progressé, en glissement mensuel, de 9,6% à 184,8 points en octobre, soit un plus haut jamais enregistré, en raison de l'affermissement des prix des huiles de palme, de soja, de tournesol et de colza.

De son côté, l'indice des prix des céréales s'est établi à 137,1 points en moyenne, en évolution de 3,2% par rapport à septembre dernier et de 22,4% en glissement annuel, tiré particulièrement par l'augmentation des cours internationaux de toutes les principales céréales (blé, orge, maïs et riz), sous l'impulsion d'un certain nombre de facteurs, dont la diminution des disponibilités mondiales de blé, la forte demande d'orge et l'impact des coûts énergétiques sur le prix du maïs.

Pour faire face à cette hausse des prix, le gouvernement a consacré dans le PLF 2022 un crédit global de près de 16,02 milliards de DH destiné à subventionner les prix du gaz butane et des produits alimentaires (sucre et farine de blé tendre). Une enveloppe en augmentation de 28% par rapport au budget précédent.

 

 

 

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