Made In Morocco: «Encourager l’innovation et la R&D est essentiel pour améliorer la compétitivité»

Made In Morocco: «Encourager l’innovation et la R&D est essentiel pour améliorer la compétitivité»

Le Made in Morocco occupe une place de choix dans le programme de l’exécutif en matière de Nation Branding. Selon une récente étude de la Fédération nationale des associations du consommateur, les Marocains sont disposés à consommer des produits locaux et à réduire la part des produits importés dans leur panier d’achats. Entretien avec Adil Lamnini, président de l’Association professionnelle des marques marocaines.

Finances News Hebdo : Le Made in Morocco est plus que jamais d’actualité, surtout après la pandémie où l’importance de la promotion du produit local s’est posée avec acuité. Quel bilan en faites-vous ?

Adil Lamnini : La crise du Covid-19 a mis en évidence l’importance de l’autosuffisance et de la souveraineté, non seulement sur le plan politique, mais aussi sur le plan économique. Certes, notre niveau de compétitivité industrielle n’est pas encore comparable à celui des pays du G20, mais nous disposons d’un énorme potentiel qui doit être soutenu par une législation plus moderne. Cela implique d’imposer des taux d’intégration locale plus élevés dans nos accords de libre-échange et de renforcer nos industries de valorisation dans des secteurs tels que la pêche, l’agriculture et l’artisanat. Nous devons également assurer notre souveraineté en matière de gouvernance des instances de contrôle sanitaire et promouvoir la culture de la qualité aux normes internationales, ainsi que la créativité et l’histoire de nos produits et services Made in Morocco. Au sein de l’Association professionnelle des marques marocaines (APMM), nous lançons un appel à toutes les parties prenantes pour que notre Marque pays réponde à deux impératifs dans le monde post-Covid : • «Rassurez-moi !» : Cela nécessite une meilleure connaissance de nos marchés cibles, la maîtrise des risques potentiels, la recherche d’alternatives, une adaptation à notre environnement, une anticipation améliorée ainsi qu’une offre et une stratégie cohérentes. • «Séduisez-moi !» : Il est crucial de démontrer concrètement le potentiel de notre Made in Morocco, de mettre en évidence les opportunités de travailler avec le Maroc, de trouver des leviers pour en profiter dans un cadre gagnantgagnant, de construire une offre et une communication cohérentes, et de faire preuve d’amour et de patriotisme envers notre pays. Pour être cohérents, nous rappelons que notre association, tout comme de nombreuses autres, se veut le porte-parole des TPE et PME qui constituent plus de 95% de notre tissu économique. Nos recommandations s’articulent autour des axes suivants : • Définir l’image que nous voulons transmettre au monde pour les 10 prochaines années : un pays, une vision, une identité ! • Recenser par région les secteurs porteurs pour le développement de produits ou services Made in Morocco exportables : la cartographie du Made in Morocco. • Mettre en place l’Agence nationale du Made in Morocco pour l’information, la formation et la gestion dématérialisée des dossiers : un interlocuteur unique. • Encourager et promouvoir la consommation locale en améliorant la compétitivité et la qualité des services et des produits destinés au marché local : le client local est une valeur sûre. • Consolider et appliquer la préférence nationale dans les appels d’offres publics et conditionner les aides accordées par l’État aux entreprises marocaines ou étrangères à un engagement envers la préférence nationale. Les TPE, les PME et les artisans sont notre avenir.

F. N. H. : Une banque de projets visant plusieurs secteurs a été mise en place par le ministère de l’Industrie et du Commerce. Quel regard portezvous sur les démarches entreprises ? Existe-t-il d’autres mesures à entreprendre pour porter le Made in Maroc ?

A. L. : Il convient de rappeler que le ministère a lancé cette banque de projets industriels dans le cadre de son plan de relance industrielle (2021-2023), en pleine période de pandémie de la Covid-19. Cette stratégie vise à réduire les importations, encourager la participation des entreprises marocaines dans l’industrie et réduire les émissions de gaz à effet de serre afin de soutenir les exportations. Le ministre Ryad Mezzour avait déclaré que l’objectif de son ministère est de faire du Made in Morocco un Best Cost et un symbole de qualité, de compétitivité et de durabilité, afin de répondre aux besoins des consommateurs et de gagner leur confiance. Le ministre a également annoncé la mise en place d’un dispositif de promotion de la fabrication locale à travers la banque de projets, qui a déjà identifié 1.542 projets d’investissement pour une substitution aux importations d’une valeur de 75,9 milliards de dirhams (MMDH). Au-delà de l’importance du travail d’identification réalisé, nous aurions souhaité entendre le ministère sur le projet de révision des nombreux accords de libre-échange, qui sont en réalité la véritable cause des déséquilibres économiques auxquels nous faisons face. Les exemples du textile turc et des cahiers scolaires tunisiens ne sont que la partie visible de l’iceberg ! Nous aurions également aimé entendre le ministère sur l’accélération des procédures de protection de notre production nationale par le biais de l’application des normes marocaines (NM). Le travail en profondeur entrepris par l’Imanor doit être une priorité absolue. Nous tenons également à rappeler que notre économie marocaine ne se limite pas aux élites de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM), mais repose essentiellement sur les TPE et les PME, qui représentent plus de 95% du tissu entrepreneurial. Les barrières à l’entrée dans les secteurs prioritaires, ainsi que les seuils d’investissement liés aux projets de cette banque de projets, ne correspondent pas à la réalité de notre tissu entrepreneurial. Nous proposons que cette banque de projets soit intégrée aux plans de développement régionaux (PDR) afin de mieux répondre aux besoins régionaux, avec les Centres régionaux d’investissement (CRI) comme relais. Cela permettra de mieux répartir les investissements en fonction du potentiel et des besoins de chaque région, s’inscrivant ainsi dans la vision royale de décentralisation et de renforcement de la régionalisation.

 

F. N. H. : Le Nation Branding reste une priorité gouvernementale. Quel rang le Made in Morocco prend-il dans le programme de l’exécutif et que faut-il améliorer selon vous ?

A. L. : Le cabinet de conseil espagnol Bloom Consulting, spécialisé en Nation Branding, a publié son rapport «Country Brand Ranking Trade - Edition 2022- 2023». Dans ce classement, le Maroc figure à la quatrième place en Afrique et au 50ème rang mondial des pays les plus attractifs pour le commerce. Le Made in Morocco occupe une place de choix dans le programme de l’exécutif en matière de Nation Branding. Le gouvernement reconnaît son importance pour renforcer la réputation du pays, stimuler l’économie nationale, attirer les investissements étrangers et promouvoir le savoir-faire marocain à l’échelle internationale. Cependant, il reste des domaines à améliorer pour consolider davantage le positionnement du Made in Morocco. Voici quelques suggestions : • Renforcement de la qualité : il est primordial de maintenir et d’améliorer constamment la qualité des produits et des services Made in Morocco. Cela nécessite des investissements dans la formation, l’innovation, les normes de qualité et les certifications pour garantir des produits compétitifs sur le marché mondial. • Accompagnement des entreprises : les entreprises marocaines ont besoin d’un soutien accru dans les domaines du branding, du marketing, de l’exportation et de l’accès aux marchés internationaux. L’exécutif devrait mettre en place des programmes d’accompagnement spécifiques, offrir des formations et faciliter l’accès aux ressources nécessaires pour aider les entreprises à se développer et à se positionner efficacement sur la scène mondiale. • Promotion de l’innovation : encourager l’innovation et la recherche et développement est essentiel pour améliorer la compétitivité du Made in Morocco. Le gouvernement devrait mettre en place des incitations et des programmes d’innovation, favoriser la collaboration entre les entreprises et les institutions de recherche, et soutenir le développement de produits et de technologies innovants. • Ouverture de nouveaux marchés : bien que des progrès aient été réalisés dans l’exportation des produits marocains, il est important de continuer à diversifier les marchés d’exportation. Le gouvernement devrait faciliter l’accès aux marchés émergents à forte valeur ajoutée, renforcer les partenariats commerciaux avec d’autres pays et soutenir les entreprises dans leur expansion internationale. • Communication et branding : une communication efficace et une stratégie de branding solide sont essentielles pour promouvoir le Made in Morocco à l’échelle mondiale. Le gouvernement devrait intensifier les efforts de communication, en mettant en valeur les avantages concurrentiels du Maroc, en créant une identité forte et en développant des campagnes de promotion ciblées.

 

F. N. H. : D’après une récente étude de la Fédération nationale des associations du consommateur, seuls 25% des Marocains font confiance au Made in Morocco. Comment expliquez-vous ce constat ? Que faut-il faire pour rendre nos produits plus attractifs ?

A. L. : Les principales conclusions de cette étude doivent nous permettre de mieux appréhender les facteurs comportementaux influençant les choix des produits de consommation, de mieux comprendre le comportement des consommateurs face aux produits marocains, leur niveau d’information, et d’évaluer l’impact de la consommation de produits marocains sur la relance économique. En fin de compte, ces enseignements nous permettront de formuler des recommandations pragmatiques et applicables pour la promotion des produits Made in Morocco. Cette étude, réalisée auprès d’un échantillon de 3.000 personnes âgées de 18 à 65 ans (1.500 en ligne et 1.500 en faceà-face), met en évidence les éléments suivants : • Les Marocains sont disposés à consommer des produits locaux et à réduire la part des produits importés dans leur panier d’achats. Ainsi, ils contribueraient, dans un acte citoyen et patriotique, au développement des entreprises locales et à l’économie du pays, à condition que les produits offrent un bon rapport qualité-prix. • 62,6% des personnes interrogées se sont déclarées confiantes vis-à-vis des produits fabriqués au Maroc, dont 21% se sont dites très confiantes. • Quels que soient l’âge, le niveau d’instruction ou la classe sociale, 36,5% des sondés ont cité en premier lieu les produits alimentaires d’origine marocaine, reflétant ainsi une certaine fierté quant à la qualité des produits gastronomiques marocains et à leurs coûts plus abordables par rapport aux produits importés. • Le deuxième type de produits le plus cité est l’automobile, avec 29,3% des réponses. • Le textile se positionne en troisième place avec 26,2% des réponses. • En dernière position, l’électronique et l’électroménager ne recueillent que 9% en moyenne. L’étude révèle également que 36,7% des personnes interrogées ont mentionné le patriotisme économique et la contribution à l’économie marocaine comme raison principale de leur choix, suivi du prix avec 33,2% et de la qualité avec 30,1%. Par ailleurs, au sein de l’Association professionnelle des marques marocaines, nous avons accordé une grande attention à l’importance de la marque Made in Morocco dans le choix des produits, et nous avons été encouragés par l’évolution positive de cet indicateur. En effet, 35% des personnes interrogées estiment que le label Made in Morocco est utile pour les guider dans leurs choix. Cependant, nous considérons que notre travail de sensibilisation des consommateurs et d’accompagnement des TPE/PME doit être intensifié afin de convaincre les 24,1% des sondés qui estiment que le label Made in Morocco est inutile dans leur processus de décision d’achat.

 

F. N. H. : Le Maroc dispose d’une variété de produits du terroir. Quelles mesures peut-on engager pour exporter le Made in Morocco ?

A. L. : Au sein de l’association, nous sommes profondément convaincus de la remarquable qualité et du fort potentiel de nos produits et services Made in Morocco, tant sur le marché local que sur le marché international. Nous croyons fermement en la capacité de nos entreprises à réussir et à prospérer, mais nous reconnaissons également les défis auxquels elles sont confrontées dans un environnement compétitif. Pour aider nos entreprises à atteindre leur plein potentiel, nous sommes convaincus de la nécessité d’un accompagnement professionnel adapté. Le branding, le marketing, le packaging et la logistique jouent un rôle essentiel dans la construction et la promotion de nos marques. C’est pourquoi nous encourageons fortement nos membres à bénéficier de conseils et d’expertise dans ces domaines. De plus, nous sommes fermement convaincus que la protection de nos marques est d’une importance capitale. Nous encourageons donc vivement toutes les entreprises à enregistrer et à protéger leurs marques auprès de l’OMPIC, afin de préserver leur identité et leur propriété intellectuelle. Dans un monde de plus en plus numérique, nous sommes également conscients du rôle essentiel de la digitalisation pour accroître la visibilité et l’accessibilité de nos marques sur le marché. Cependant, pour tirer pleinement parti de ces opportunités, il est crucial que nos entreprises s’adaptent aux demandes et aux habitudes de consommation des différents segments de clientèle. Cela peut nécessiter des ajustements stratégiques, des investissements dans les technologies numériques et des partenariats avec des acteurs du secteur pour assurer une présence en ligne efficace. Par ailleurs, nous partageons l’avis des experts en commerce international selon lesquels la diversification de nos exportations constitue une voie prometteuse pour notre économie. Investir dans de nouveaux marchés, en particulier en Afrique, peut nous permettre de capitaliser sur des opportunités à forte valeur ajoutée. Cela nécessite une compréhension approfondie des marchés cibles, une adaptation des produits et des stratégies commerciales, ainsi qu’une coordination avec les autorités compétentes pour faciliter les échanges commerciaux. Enfin, nous croyons fermement que l’État doit jouer un rôle moteur en matière de promotion du Made in Morocco. La commande publique peut servir de levier puissant pour soutenir nos entreprises et renforcer la confiance des consommateurs locaux et internationaux. Lorsque cela est possible, l’État devrait privilégier l’achat de produits locaux à 100%, conformément aux procédures administratives et aux normes de qualité. Cela enverra un message clair de soutien à notre économie nationale et encouragera d’autres acteurs à suivre cette voie. En résumé, nous sommes pleinement convaincus que nos produits et services Made in Morocco ont le potentiel de rivaliser sur les marchés nationaux et internationaux. En soutenant nos entreprises avec un accompagnement professionnel, en favorisant la protection et la promotion de nos marques, en investissant dans la digitalisation et en explorant de nouveaux marchés, nous pourrons stimuler la croissance économique, créer des emplois et renforcer la réputation de notre pays en tant que fournisseur de qualité et innovant.

 

F. N. H. : L’APMM a pour finalité de promouvoir et développer le produit local et le label Made in Morocco. Quelles sont les actions que vous menez dans ce sens ?

A. L. : Nous avons voulu, avec un groupe d’amis entrepreneurs, créer une plateforme indépendante qui se positionnerait comme référence pour la promotion et l’accompagnement des marques nationales portées par des TPE/PME sur les marchés internationaux. Notre premier objectif est celui de promouvoir le label «Made in Morocco» à travers la valorisation des produits & services, mais aussi à travers l’adhésion de nos membres aux valeurs patriotes que nous portons, à savoir : • La compétitivité : Comme un état d’esprit et comme garant de la performance durable; • L’international : comme conviction commerciale et financière; • La flexibilité : comme gage de polyvalence et de remise en cause; • La bonne gouvernance : comme vecteur de la transparence, de la conformité et de la sécurisation du projet de l’association; et finalement; • Le terrain : comme base de veille, d’exploration et de déploiement.  Parmi les multiples missions assignées par et pour nos membres, il y a celle relative au conseil dans la réflexion et le déploiement des stratégies de développement à l’international, celle relative à la mise à disposition des informations nécessaires à l’accès aux marchés : typologie des accords commerciaux, réglementations douanières, climat des affaires, normes, ALE, risques pays, veille sectorielle; ou encore celle relative à l’encouragement à la formation de Groupements d’intérêt économique (GIE). Et ce, en faisant interagir les membres pour qu’ils mettent en commun et mutualisent leurs ressources et leurs compétences respectives. Nos TPE/PME marocaines n’ont pas forcément les moyens de leurs ambitions, et nous parlons bien de moyens financiers, mais aussi humains. C’est pour cela que nous accordons un intérêt particulier à les assister dans la mise au point de leurs politiques marketing et communication : branding, études de marché, prospection, organisation de missions commerciales, test produits, canaux de distribution, protection des marques (OMPIC), communication, e-commerce, foires...

Au sein de l’APMM, nous considérons également qu’il est essentiel de sensibiliser et de communiquer avec nos consommateurs locaux. Depuis plus de 9 ans, nous avons défendu les mesures suivantes : • Intégrer le Made in Morocco et/ou le patriotisme économique dans les programmes scolaires : nous pensons qu’il est important d’enseigner à nos enfants la valeur de notre pays et de ses produits. Ils sont à la fois les futurs producteurs et consommateurs, et il est de notre responsabilité de leur inculquer l’amour de notre nation et de ses offres. • Créer en urgence une cartographie complète du Made in Morocco pour les 12 régions de notre Royaume : cette initiative vise à mieux quantifier notre patrimoine matériel et immatériel. Elle fournira également des informations précieuses et des orientations à ceux qui souhaitent investir dans nos industries locales. • Établir des partenariats avec des annonceurs et des médias locaux et nationaux pour promouvoir les produits marocains et les labels, en suivant les meilleures pratiques mondiales en matière de promotion des marques. • Organiser des événements promotionnels et de sensibilisation, tels que le Salon du Made in Morocco, pour mettre en avant les produits locaux et le label marocain. • Offrir des programmes de formation et des séminaires aux producteurs locaux, afin de leur fournir les compétences et les connaissances nécessaires pour améliorer la qualité de leurs produits. • Mettre en place des systèmes de certification pour garantir que les produits locaux et les produits labellisés respectent des normes de qualité élevées. • Développer des processus de production et de distribution plus efficaces et durables, visant à éliminer les intermédiaires et les différentes formes de spéculation. • Encourager l’utilisation des produits locaux et du label marocain dans les restaurants, les hôtels et autres entités publiques. Bien que cette liste de mesures proposées ne soit pas exhaustive, elle souligne l’importance de la mise en place d’une agence indépendante chargée de coordonner les actions de toutes les parties prenantes dans l’initiative Made in Morocco. Cette agence faciliterait la coordination stratégique transversale et optimiserait les investissements importants qui sont actuellement principalement guidés par des agendas politiques.

 

 

 

 

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