The Frontline Unit accélère sa croissance en exploitant pleinement le potentiel de la data et de l’IA. Grâce à des projets concrets à fort impact, elle transforme la technologie en outils de décision et bâtit un modèle africain d’innovation souveraine. Entretien avec son CEO, Zouhir Jamal Bennis.
Propos recueillis par Ibtissam Z.
Finances News Hebdo : The Frontline Unit entre dans une nouvelle phase de développement autour de la donnée et de l’intelligence artificielle. Quelle est la vision stratégique qui guide cette évolution ?
Zouhir Jamal Bennis : Depuis plus de quinze ans, notre groupe accompagne la digitalisation des grands acteurs de la finance, des télécoms, du retail et du secteur public. Aujourd’hui, ces mêmes organisations ont atteint un niveau de maturité qui leur permet de passer d’une logique de transformation digitale à une véritable valorisation de la donnée. C’est dans cette continuité qu’est née The Frontline Unit, l’entité Data+ IA du groupe Arrabet, conçue pour accélérer cette nouvelle étape de performance. Notre vision est de faire de la donnée le moteur d’un modèle durable de performance et d’autonomie pour le continent. Nous aidons les organisations à structurer et activer leurs données, en transformant la complexité technologique en leviers concrets de décision, de productivité et de croissance. Cette approche s’appuie sur un triptyque solide : gouvernance maîtrisée, industrialisation rigoureuse et cas d’usage à impact immédiat. Concrètement, nous avons accompagné plusieurs institutions marocaines dans la mise en place de plateformes souveraines et de modèles Data + IA, leur permettant de réduire jusqu’à 30% leurs temps de reporting et d’améliorer sensiblement la qualité décisionnelle. Et grâce à AIscapade, notre lab d’expérimentation en intelligence artificielle, nous poursuivons cette dynamique d’innovation continue pour anticiper les évolutions technologiques et garantir à nos clients une autonomie durable, souveraine et créatrice de valeur.
F.N.H. : L’approche «Data + IA» de The Frontline Unit se distingue par sa recherche d’impact. Comment parvenez-vous à identifier les bons cas d’usage et à en faire de vrais leviers de performance ?
Z. J. B. : Nous commençons toujours par une question simple : quel problème métier cherchonsnous à résoudre ? À partir de cette réflexion, nous déployons notre Data to Impact Framework, une méthodologie conçue pour transformer la stratégie data en résultats concrets. Elle s’appuie sur un diagnostic de maturité, l’alignement des parties prenantes et la priorisation des cas d’usage selon leur retour sur investissement réel. Cette approche s’illustre parfaitement à travers notre partenariat avec Hydriia autour de la solution NRW (Non Revenue Water), dédiée à la gestion intelligente et prédictive de la ressource en eau. Grâce à la combinaison de capteurs IoT, de modélisation IA et d’analyses hydrologiques avancées, cette solution permet d’anticiper les besoins, d’optimiser les consommations et de réduire significativement les pertes liées au réseau. Ce type de dispositif reflète notre conviction. Du coup, l’innovation data n’a de sens que lorsqu’elle répond à des enjeux concrets et à fort impact sociétal.
F.N.H. : Vous insistez sur une logique d’impact mesurable et durable. Comment garantissez-vous que vos projets génèrent une valeur tangible pour vos clients ?
Z. J. B. : Chaque projet est conçu dans une logique de «Value by Design». Nous ne lançons rien sans indicateurs fiables de performance et de création de valeur. Dès la phase de cadrage, nous co-définissons avec nos clients des KPI précis, qu’ils soient financiers, opérationnels ou humains, et nous en assurons le suivi via des cockpits de pilotage intégrés. Mais au-delà de la mesure, notre priorité reste la transmission, à savoir former et structurer la gouvernance pour rendre chaque dispositif réellement autonome. C’est cette approche que nous appliquons aujourd’hui auprès d’un client en France, où nous déployons une IA conversationnelle contextualisée visant 50% de requêtes automatisées et +30% de satisfaction client. Elle illustre parfaitement notre philosophie : l’impact durable se mesure autant dans les résultats que dans l’appropriation par les équipes.
F.N.H. : Comment The Frontline Unit aide-t-elle les entreprises à structurer, valoriser et monétiser leurs actifs data ?
Z. J. B. : Nous considérons la donnée comme un capital dormant qu’il faut révéler et activer. À travers notre offre «Data valorisation & monétisation», nous accompagnons les organisations dans la cartographie de leurs actifs, la définition de modèles économiques adaptés et la mise en place de cadres éthiques et juridiques solides. L’objectif est clair : transformer la donnée en un levier concret de performance, d’innovation et de souveraineté. Nous travaillons actuellement avec un acteur télécoms sur la valorisation de ses données de réseau (densité, mobilité, couverture) croisées avec des sources publiques et territoriales comme les données du HCP, les référentiels immobiliers, cadastraux ou commerciaux. Ces croisements permettent d’identifier les zones à fort potentiel de développement, d’optimiser l’implantation d’agences, d’automates ou de points de service, et d’alimenter la décision stratégique dans des secteurs tels que la finance, la distribution ou l’immobilier. C’est un exemple concret de donnée transformée en actif économique, générant à la fois revenus, intelligence territoriale et impact durable. Dans cette continuité, notre lab AIscapade explore de nouveaux modèles de valorisation fondés sur l’IA générative et prédictive, capables de convertir ces données en actifs décisionnels au service du développement local et des politiques d’aménagement durables.
F.N.H. : The Frontline Unit déploie aujourd’hui des solutions sectorielles et industrialisées. Quelles sont vos priorités à court et moyen terme ?
Z. J. B. : Effectivement, nous entrons dans une nouvelle phase, celle de l’industrialisation sélective, où nos frameworks éprouvés se transforment en AI factories verticalisées. Chaque factory, industrie, télécoms, retail ou smart city s’appuie sur une base technologique commune, un portefeuille de cas d’usage réplicables et des indicateurs d’impact prédéfinis pour garantir la mesure de la valeur créée. Notre AI factory for smart city illustre parfaitement cette dynamique. Nous y exploitons avec un de nos partenaires internationaux les images collectées par les flottes de véhicules urbains, analysées grâce à des modèles de vision par ordinateur et d’IA générative, afin de détecter automatiquement les anomalies sur l’espace public, suivre l’évolution de l’environnement urbain et produire des indicateurs exploitables par les collectivités. Ces données issues du terrain deviennent ainsi un levier d’intelligence urbaine, de performance opérationnelle et d’amélioration continue des services publics. À moyen terme, la force de notre modèle repose sur la synergie entre The Frontline Unit, Arrabet Academy et AIscapad. La première industrialise, la seconde forme, le troisième anticipe. Cette chaîne complète, allant de la stratégie à la formation et de la conception à la transmission, nous permet de livrer des transformations mesurables et souveraines, au service d’un progrès technologique maîtrisé.
F.N.H. : Vous multipliez les présences sur les scènes internationales. Quelle place occupe aujourd’hui The Frontline Unit dans les écosystèmes IA régionaux et mondiaux ?
Z. J. B. : Notre ouverture à l’international n’est pas une démarche d’image, mais une stratégie d’expansion structurée. Nous sommes aujourd’hui engagés avec plusieurs acteurs internationaux dans le lancement d’initiatives conjointes visant à faire rayonner le savoir-faire marocain et à adresser les marchés régionaux avec nos capacités technologiques et nos expertises sectorielles. Ces partenariats nous permettent d’exporter notre modèle intégré, associant data, IA et transformation digitale, tout en consolidant notre ancrage africain. L’objectif est d’accélérer la trajectoire de croissance du groupe Arrabet et atteindre notre ambition de 50% de chiffre d’affaires à l’international d’ici 2030. C’est une étape clé de notre vision : bâtir une présence durable sur plusieurs continents, positionner The Frontline Unit comme un hub africain de référence en Data + IA, et démontrer que le leadership technologique africain peut aussi être exportateur de valeur, de solutions et de talents.
F.N.H. : Vous parlez souvent de «souveraineté utile». Concrètement, comment cette philosophie se traduitelle dans votre manière d’innover et d’expérimenter ?
Z. J. B. : La souveraineté utile n’est pas pour nous un concept théorique, mais une façon d’innover. Elle consiste à concevoir des technologies performantes tout en garantissant éthique, conformité et maîtrise de la donnée à chaque étape du cycle de vie. Dans cet esprit, nous avons noué un partenariat stratégique avec Starkdata, avec qui nous partageons non seulement la même vision et les mêmes exigences, mais aussi la même expertise et les mêmes approches technologiques. Nous collaborons autant sur les cadres de gouvernance et de conformité que sur les fondements algorithmiques : conception de modèles de machine learning explicables, architectures de confiance, supervision continue et optimisation responsable des performances. Ce partenariat nous permet d’intégrer les standards européens les plus avancés en souveraineté numérique, tout en les adaptant aux réalités locales africaines. Grâce à AIscapade, nous testons et déployons ces modèles dans des contextes concrets, à savoir architectures hybrides, traitements locaux, IA auditable et responsable. Nous démontrons ainsi que souveraineté et technologie peuvent non seulement coexister, mais se renforcer mutuellement pour bâtir un progrès à la fois éthique et maîtrisé.