La période du 15 novembre au 15 décembre est cruciale.
Plusieurs produits comme le lait et la viande connaissent une certaine indisponibilité.
Par C. Jaidani
Le spectre de la sécheresse pèse lourdement sur la campagne agricole 2022/2023. Le démarrage de la saison est très timide, le manque de pluies se faisant grandement sentir. Le moral des agriculteurs est en berne. Car, outre la baisse considérable des apports en eau, la population rurale est fortement impactée par la hausse du coût de la vie et des intrants. Une nouvelle année de sécheresse serait synonyme de catastrophe. L’effet sera ressenti à plusieurs niveaux, notamment les hypothèses retenues dans le projet de Loi de Finances 2023. La croissance devrait être revue à la baisse, les déficits public et commercial corrigés à la hausse.
Même si les agriculteurs marocains ont toujours fait preuve d’optimisme, l’environnement climatique enregistré cette saison est très défavorable. En effet, les réserves en eau des barrages, qui ont pour rôle d’atténuer les chocs climatiques, sont à leur plus bas niveau historique. Au 7 novembre 2022, ils affichent un stock de 3,97 milliards de m3 , soit un taux de remplissage de 24,6%. Les experts du secteur ne cachent pas leur inquiétude, tout en gardant un certain espoir. «La météorologie nationale n’annonce pas d’intempéries dans les jours à venir. Il y a de quoi s’inquiéter, car plus cette période de sécheresse s’étalera et plus la situation deviendra compliquée. Le Maroc accuse en ce moment un déficit pluviométrique de près de 30%. La période du 15 novembre au 15 décembre est cruciale. Si la pluie est au rendez-vous, la situation pourra être redressée. Dans le cas contraire, elle sera compromise. Il ne faudra compter que sur les céréales semi-tardives et tardives et les cultures printanières pour limiter les pertes», souligne Abderrahim Mouhajir, ingénieur agronome. Et de poursuivre que «les effets de la sécheresse commencent déjà à se faire ressentir sur plusieurs filières, notamment l’élevage et l’arboriculture».
Dans sa dernière sortie médiatique, Aziz Akhannouch, chef du gouvernement, a reconnu qu’il existe une insuffisance de l’offre pour le lait et la viande. Il a affirmé que «le Maroc pourrait commencer à importer certaines viandes pour compenser la baisse de la production locale. Quant au lait, il est prévu d’aider les producteurs pour augmenter le rendement, malgré le stress hydrique et la situation chronique des barrages». Du côté des éleveurs, un climat de doute commence à s’installer. Des témoignages édifiants ont été recueillis auprès de plusieurs exploitants. «Nous traversons une période très difficile. Nos recettes ne peuvent plus faire face aux charges.
Avec la pénurie de la production de lait, les prix ont augmenté, passant d’une fourchette de 2 à 3 DH/litre selon la qualité du produit à 3,50/ 4,50 DH/litre. Mais la marge bénéficiaire n’a cessé de se resserrer. Face à ces difficultés, comment peut-on continuer à exercer l’élevage», s’interroge Redouane Haddaj, exploitant dans la région de Benslimane. Ce quadragénaire, également chauffeur de taxi, alterne entre les deux activités pour joindre les deux bouts. «De nombreux éleveurs opérant dans les zones bour ont arrêté leur activité, ou du moins ont réduit leur bétail. Tous les prix des produits entrant dans l’alimentation de bétail ont connu une flambée d’au moins 50%. L’orge est à 4 DH/kg, le maïs à 5 DH/kg, le soja entre 4,50 et 6 DH/kg, le son à 5,50 DH/kg et la botte de paille passe à 30 DH», ajoute-t-il.