Zlecaf: une aubaine pour l’Afrique

Zlecaf: une aubaine pour l’Afrique

La Zlecaf représente une opportunité historique pour l'Afrique, à condition que les parties prenantes s'engagent pleinement dans sa mise en œuvre progressive. En tant que leader économique sur le continent et acteur précurseur dans de nombreux domaines industriels, le Maroc est appelé à jouer un rôle central dans la concrétisation de cette vision commune.

 

Par D. M.

La zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf), constituée de 54 pays pour un total de 1,3 milliard de consommateurs, représente une opportunité sans précédent pour stimuler les échanges commerciaux intra-africains, accélérer la croissance économique et promouvoir le développement durable à travers le continent. «L’Afrique est réellement un marché d’avenir, avec une population jeune et une consommation qui croît d’année en année; et pour nous c’est stratégique d’avoir un marché où les produits marocains peuvent être écoulés. Pour ce faire, il faut que les barrières douanières se réduisent ou n’existent plus. De la même manière que le commerce intra-européen, les produits marocains devraient être vendus librement sans un handicap de coûts supplémentaires dans les pays africains et réciproquement», affirme Rais Adil, co-président du Conseil économique Maroc-Espagne.

Le rapport présenté lors de la neuvième édition de la conférence «CFC Insights» portant sur le thème «Zlecaf : exploiter le potentiel du commerce intra-africain», vient mettre en lumière les multiples opportunités engendrées par la Zlecaf. Elaboré par Casablanca Finance City Authority (CFCA) et la filiale BMI de Fitch Solutions, Il souligne le rôle crucial que le Maroc, en tant que hub industriel et leader des investissements en Afrique, est appelé à jouer dans la concrétisation de ce projet ambitieux.

«Nous pensons que le Maroc est particulièrement bien placé pour exploiter le potentiel du marché intra-africain. En tant qu’une des économies les plus avancées du continent, le Maroc abrite des entreprises dans les secteurs de l’automobile, des engrais, des services financiers, des biens de consommation et des transports qui seront en mesure de trouver de nouveaux marchés à travers le continent», a déclaré John Ashbourne, économiste chez BMI Research dans son allocution lors de l’événement.

Des secteurs prisés grâce à la Zlecaf

Dans le secteur automobile, déjà très développé au Maroc, la Zlecaf ouvrira de nouvelles perspectives en facilitant l'accès aux marchés, tout en élargissant les débouchés pour les exportations marocaines. En effet, la Zlecaf offre deux opportunités clés au secteur automobile marocain. D’abord, en tant que source d’intrants à faible coût, et ensuite en tant que destination des exportations de produits finis. Par conséquent, en intégrant le secteur automobile du Maroc aux économies voisines, les producteurs marocains peuvent bénéficier de coûts de main-d’œuvre et de matériaux inférieurs en Afrique. Par exemple, le tarif actuel du Nigeria sur les voitures non assemblées est de 5%, mais devrait passer à 0% d’ici 2030. Cela créerait des emplois dans les deux pays, offrant ainsi une opportunité pour le Maroc d’exporter ses véhicules non assemblés vers le Nigeria pour y être transformés, indique le rapport.

Dans le domaine des énergies renouvelables, la Zlecaf offre également des opportunités prometteuses. Avec une importation annuelle de panneaux solaires atteignant 2,2 milliards de dollars, l'Afrique pourrait bénéficier de la production locale, notamment grâce au savoir-faire du Maroc et de l'Égypte. La création de chaînes de valeur transfrontalières jouerait un rôle clé dans la réduction des coûts de production et la réponse à la demande croissante en énergie propre sur le continent. S’agissant du secteur agroalimentaire, la Zlecaf engendrera de la croissance sur l’ensemble du continent. Par la création des chaînes de valeur transfrontalières, les économies africaines bénéficieront des succès de leurs voisins. Par exemple, l’abaissement des droits de douane sur les produits agricoles en Afrique de l’Ouest stimulera les exportations ivoiriennes et fera baisser les prix pour les consommateurs nigérians. Mais elle créera également de nouveaux marchés pour les fabricants de tracteurs sud-africains et les exportateurs d’engrais marocains.

Des défis à relever

Malgré ces perspectives encourageantes, des défis significatifs persistent dans la mise en œuvre de la Zlecaf.  Selon le rapport du CFCA, l’état des lieux de l’intégration économique en Afrique est encore faible. En 2022, à peine 15% des exportations africaines ont été envoyées vers d’autres économies africaines. Cette insuffisance du commerce interafricain résulte de certains facteurs liés au manque d’infrastructures adéquates, permettant une circulation fluide des marchandises entre les pays; à la disparité des niveaux de droits de douane et à bien d’autres facteurs. Les intervenants à la conférence «Africa Insights» ont souligné la complexité du paysage institutionnel africain, avec la coexistence de nombreux accords commerciaux régionaux déjà en place. Des questions réglementaires telles que les règles d'origine et les barrières non tarifaires nécessitent une attention particulière, de même que les défis logistiques. Cependant, le Maroc s’attèle à relever les défis en apportant sa pierre à l’édifice, contribuant à une réelle intégration économique en Afrique. «Nous avons une vision pour le continent, notamment pour le Sahel et l’Atlantique. Cette vision est simple : pour s’intégrer, il faut plus que la libéralisation tarifaire. Il faut une connectivité, une intégration et une création de valeurs communes. Et le Maroc s’y attelle», a indiqué Ryad Mezzour, ministre de l’Industrie et du Commerce, pendant ladite conférence.

Le gouvernement marocain multiplie les initiatives pour renforcer les liens avec les autres pays du continent. Parmi elles, figurent le démantèlement tarifaire qui est entré en vigueur en janvier dernier; le grand projet de  gazoduc Nigeria-Maroc lancé en 2016; les investissements massifs dans des secteurs stratégiques comme l’énergie  et l’agroalimentaire; la  coopération industrielle gagnant-gagnant et le développement des infrastructures (ports, routes...). De plus, l’initiative lancée par le Roi Mohammed VI, de relier les pays du Sahel à l’Océan atlantique, a été évoquée dans le rapport du CFCA comme modèle de solution pour pallier le déficit d’infrastructure et faciliter le commerce.

Casablanca Finance City se dit engagée

Pour Lamia Merzouki, DGA de Casablanca Finance City (CFC), la Zlecaf est une initiative majeure pour le Maroc, mais aussi pour CFC, parce que c’est ce qui va permettre de renforcer son rôle de hub économique et financier vers le continent. «L’une de nos vocations à CFC, c’est de faire de Casablanca la capitale africaine des affaires. C’est de faire émerger la première communauté africaine des affaires sur le continent créée par les Africains pour les Africains. Et c’est également d’attirer les investisseurs internationaux et de les flécher vers l’Afrique. Si les échanges sont fluidifiés, forcément nous allons pouvoir jouer notre rôle en tant que place financière de manière pleine et entière», affirme-t-elle. En dépit des multiples étapes à parcourir, tous s'accordent à reconnaître que la Zlecaf représente une opportunité historique pour l'Afrique, à condition que les parties prenantes s'engagent pleinement dans sa mise en œuvre progressive. Beaucoup d’études le démontrent, la Zlecaf «c’est le sens de l’histoire», déclare Lamia Merzouki. «C’est ce qui va permettre de libérer le potentiel de l’Afrique, de doubler le PIB africain d’ici 2050 et pourra même sortir plus de 100 millions d’Africains de la pauvreté», a-t-elle conclu.

 

 

 

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