Viandes rouges : des réserves sur l’autorisation des importations

Viandes rouges : des réserves sur l’autorisation des importations

Impactées par la baisse du pouvoir d’achat, certaines activités du secteur risquent d’être davantage malmenées. La distribution des produits surgelés ou réfrigérés ne sera possible que dans les points dotés de chaînes de froid adéquates.

 

Par C. Jaidani

Face à une offre de viandes rouges insuffisante ayant engendré une flambée record des prix, le gouvernement a pris une série de mesures pour apaiser la situation. Il a ainsi décidé l’autorisation de l’importation de viandes surgelées et réfrigérées. L’opération est supervisée par l’Office national de la sécurité sanitaire des produits alimentaires (ONSSA). La mesure fixe les pays à partir desquels il est possible d’importer, dont particulièrement des pays européens.

Il est stipulé que «toutes les viandes importées doivent être accompagnées d’un certificat sanitaire délivré par les autorités compétentes du pays d’origine, ainsi que d’un certificat d’abattage halal délivré par l’organisme islamique habilité dudit pays. Les produits seront contrôlés aux postes d’inspection frontaliers conformément à la réglementation en vigueur». Cette décision a été vivement saluée par les associations de protection des consommateurs, car, soulignent-elles, elle devrait vraisemblablement tirer les prix vers le bas. Toutefois, elles restent réticentes par rapport à certains aspects.

«L’importation des viandes rouges est inévitable, autrement les prix auraient connu de nouvelles hausses. Outre le côté prix, ces produits présentent un niveau de salubrité élevé. Les pays à partir desquels il est possible d’importer les viandes rouges observent des normes très strictes en matière d’élevage, d’abattage et de conditionnement. Par contre, chez nous, on relève des lacunes et dysfonctionnements à plusieurs niveaux. Dans de nombreux sites, notamment dans le monde rural et les petites villes, les abattoirs ne sont pas suffisamment équipés. Nombreux sont ceux qui ne disposent pas de chaîne de froid. Et les chevillards travaillent au jour le jour sans pouvoir constituer de stock», affirme Bouazza Kherrati, président de la Fédération des associations de protection des consommateurs.

Concernant le choix d’importer de la viande surgelée et réfrigérée au lieu d’importer du bétail et assurer l’abattage localement, une source du ministère de l’Agriculture a expliqué que «le deuxième choix est plus pratique et plus facile à gérer. Il ne nécessite pas de moyens logistiques importants. Alors que pour le cheptel importé, il faut rajouter les frais de l’aliment de bétail qui est déjà à des tarifs très élevés. Au final, le prix à la consommation aurait pu être plus élevé».

Des professionnels du secteur n’ont pas manqué de pointer du doigt l’absence de concertation de la part des autorités. Ils estiment que ce genre de décisions peut donner des effets controversés. «Cette décision a été prise sans prendre en considération l’avis des professionnels du secteur, notamment les chevillards et les vendeurs de détail des viandes rouges. On n’a pas privilégié l’approche participative pour aboutir à un schéma qui privilégie l’intérêt de tout le monde. Le pouvoir d’achat des citoyens s’est manifestement dégradé ces dernières années. Il a eu un impact défavorable sur toute la chaîne de valeur, depuis les éleveurs, en passant par les chevillards jusqu’aux vendeurs de détail. Nous accusons un manque à gagner important et notre chiffre d’affaires a lui aussi drastiquement baissé. Avec les importations, il y a un risque de voir la situation se dégrader davantage, car l’importation et la distribution de viandes surgelées ou réfrigérées ne peuvent se faire qu’à travers les grandes surfaces», affirme Youssef Loualja, secrétaire général de l’Association des vendeurs de détail des viandes rouges dans la région de Casablanca-Settat.

Et de poursuivre : «nous ne sommes pas contre les importations de ces produits, mais à condition qu’elles tirent les prix vers le bas. Par le passé, certaines opérations n’ont pas produit les effets escomptés, à l’image des importations du bœuf brésilien ou des ovins espagnols et roumains. Il faut noter également que la viande importée peut perturber le secteur de l’élevage. Si les prix baissent trop, les exploitants ne pourront pas vendre à perte car le coût de production est déjà élevé. Ils risquent de délaisser leur activité». 

 

 

 

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