Il y a une tendance lourde qui ne fait que se confirmer : le système de retraite marocain, confronté à un double défi démographique et économique, vacille sous le poids de ses déséquilibres. Dans le contexte socioéconomique actuel, la réforme systémique s'impose non seulement comme une priorité, mais aussi une urgence. Une urgence que vient de rappeler le Comité de coordination et de surveillance des risques systémiques (CCSRS), qui a tenu, le mardi 2 juillet, sa dix-neuvième séance au siège de Bank Al-Maghrib, à Rabat.
Le CCSRS estime en effet que les principaux régimes du secteur continuent de traverser une période financière précaire. Les récentes mesures salariales adoptées lors du dialogue social du 29 avril 2024 pourraient repousser quelque peu le moment où les réserves des régimes CMR-RPC et RCAR s'épuiseront. Cependant, ces mesures ne suffisent pas à assurer la pérennité de ces régimes. Ainsi, concernant le régime général de la CNSS, la réduction du nombre minimal de jours de cotisation nécessaires pour prétendre à une pension, de 3.240 à 1.320 jours, avancera de quelques années l'apparition du déficit global du régime et l'épuisement de ses réserves.
Par conséquent, souligne le CCSRS, il devient impératif de mettre en œuvre une réforme systémique du secteur. Cette réforme envisage la création d’un système dual, composé d’un pôle public et d’un pôle privé, dont les grandes lignes stratégiques ont également été définies par l'accord issu du dialogue social précité. Elle devrait permettre l'introduction d'une tarification adaptée à ces régimes, capable d'absorber une large part de leurs engagements passés non couverts.
Longtemps réclamée, cette réforme, inscrite comme priorité dans l’agenda gouvernemental, tarde cependant à être concrétisée. Parce qu’elle est délicate et très impopulaire. Et si dans les différents rounds du dialogue social le compromis semble avoir prévalu jusqu’à maintenant, la réforme des retraites s'annonce comme le véritable stress test pour mesurer la solidité de ce consensus entre gouvernement et partenaires sociaux. Ce sujet, hautement sensible, touche à l'équilibre précaire entre les attentes des travailleurs et les réalités économiques d'un Maroc confronté à des défis multiples.
C’est pourquoi l’Exécutif, conscient des enjeux, avance avec beaucoup de prudence. En face, les syndicats notamment, souvent vindicatifs et gardiens des intérêts des travailleurs, sont sur le qui-vive, prêts à défendre bec et ongles les acquis sociaux. Convenons-en, cette réforme ne sera pas une mince affaire. Elle ne se résume pas seulement à une question de chiffres et de projections économiques : c'est une question de confiance, de justice sociale et de vision à long terme. Trois ingrédients qui doivent être les fondements même de ce système de solidarité intergénérationnelle.
Par F.Z Ouriaghli