Santé / Variole du singe : poussée mondiale du Mpox, le Maroc est-il prêt ?

Santé / Variole du singe : poussée mondiale du Mpox, le Maroc est-il prêt ?

Les épidémies de mpox «peuvent être maîtrisées et stoppées», selon l'OMS, qui estime toutefois qu'un financement d'environ 121 millions d'euros sera nécessaire pour soutenir la riposte internationale au cours des six prochains mois. Mais quelle est la situation au Maroc, et comment le Royaume se protège-t-il contre ce virus ? Tour d’horizon du protocole de suivi et de prévention mis en place par le Maroc pour prévenir la propagation du virus mpox avec Dr Tayeb Hamdi, médecin et chercheur en politiques et systèmes de santé.

 

Propos recueillis par A. Hlimi

Finances News Hebdo : Comment évaluez-vous le niveau de risque que représente Mpox pour la population marocaine ?

Dr Tayeb Hamdi : Le risque que représente Mpox pour la population marocaine peut être évalué à travers quatre niveaux principaux :

1. Le risque d'importation : Il s'agit de déterminer la probabilité que des cas de Mpox soient importés au Maroc. Comme d'autres pays, le Maroc n'est pas à l'abri de l'importation de ce virus. Avec la nouvelle souche GLAD1B, plus transmissible que la précédente (2022), le risque d'importation existe, notamment à cause de la proximité géographique et des relations culturelles avec certains pays africains. Bien que les efforts de l'OMS et des différents pays visent à contenir le virus, des cas importés au Maroc sont inévitables.

2. Le risque de propagation locale (cas secondaires) : Une fois des cas importés détectés, il y a un risque de propagation locale, créant ainsi des cas secondaires. Toutefois, grâce à l'expérience et aux dispositifs de veille du système de santé marocain, il est probable que la transmission locale soit limitée. Les symptômes visibles du Mpox facilitent la détection et la mise en place de mesures de contrôle.

3. Le risque pour la santé de la population : Ce virus affecte principalement les personnes vulnérables, telles que celles ayant des problèmes d'immunité, les femmes enceintes, et les enfants souffrant de dénutrition. Dans le contexte marocain, avec l'état actuel des connaissances, il est peu probable que Mpox provoque des complications majeures pour la majorité de la population.

4. Le risque pour la vie sociale et économique : Le Mpox, bien qu'il soit surveillé de près, ne devrait pas perturber significativement la vie sociale, l'économie, le tourisme ou la scolarité au Maroc. C'est un virus connu depuis des décennies, et il est peu probable qu'il cause des perturbations majeures à ces niveaux.

 

F.N.H. : Quelles sont les mesures spécifiques que le Maroc a mises en place pour prévenir la propagation du virus Mpox, notamment en ce qui concerne la surveillance épidémiologique ?

Dr T. H. : En 2022, l'OMS avait déclaré une urgence sanitaire mondiale en réponse à l'émergence du Mpox. En conséquence, le Maroc a mis en place des protocoles pour détecter et contrôler le virus. Pendant la période d'alerte, le pays a détecté cinq cas, démontrant l'efficacité de son système de surveillance, même après la levée de l'état d'urgence en mai 2023. Le virus, initialement associé à des relations sexuelles entre hommes, se transmet désormais plus facilement à travers d'autres formes de contact intime, ce qui augmente le risque de propagation au sein de la population générale. En réponse, le ministère de la Santé a actualisé ses protocoles pour détecter précocement les cas importés et limiter la propagation locale. Ces protocoles incluent la sensibilisation des voyageurs, la détection précoce des symptômes, et la prise en charge efficace des patients.

 

F.N.H. : Quels sont les protocoles de dépistage et d'isolement actuellement en vigueur pour les patients suspectés ou confirmés de Mpox au Maroc ?

Dr T. H. : Le ministère de la Santé a mis à jour les protocoles de dépistage et d'isolement pour lutter contre le Mpox. Ces protocoles définissent les critères pour identifier un cas probable, basés sur des signes cliniques spécifiques et l'historique de voyage ou de contact avec des personnes infectées. Les prélèvements nécessaires pour confirmer un cas sont également précisés, de même que les laboratoires autorisés à effectuer les tests. En termes d'isolement, les cas sans gravité particulière peuvent être isolés à domicile pendant trois semaines. En revanche, les cas graves, notamment chez les personnes immunodéprimées, nécessitent des mesures d'isolement plus strictes. Bien que Mpox présente une certaine gravité chez les groupes à risque, la population générale reste relativement à l'abri de complications graves.

 

F.N.H. : Faut-il mettre en place une stratégie nationale de vaccination contre Mpox au Maroc, et si oui, quelles seraient les populations prioritaires ?

Dr T. H. : À l'heure actuelle, une stratégie nationale de vaccination contre Mpox au Maroc n'est pas envisagée. Les experts s'accordent à dire que si les pays riches soutiennent les pays africains touchés par le virus, la propagation mondiale peut être évitée. Cependant, même dans les pays affectés, une vaccination de masse n'est pas recommandée. Seules certaines populations à risque, comme les professionnels de santé ou les régions particulièrement touchées, devraient être vaccinées. Le Maroc est encore loin d'une campagne de vaccination généralisée. Il existe des vaccins autorisés en Europe et aux États-Unis, mais leur production reste limitée. L'OMS travaille à augmenter la capacité de production, mais pour l'instant, une large campagne de vaccination n'est ni médicalement justifiée ni logistiquement faisable.

 

F.N.H. : Le Maroc a-t-il renforcé les contrôles aux frontières et les protocoles de quarantaine pour empêcher l'importation de nouvelles souches de Mpox ?

Dr T. H. : Les protocoles sanitaires aux frontières ont été renforcés, mais il est important de comprendre que ces mesures ne peuvent pas empêcher complètement l'entrée du virus. L'objectif principal des contrôles aux frontières est de détecter les cas de Mpox le plus tôt possible et de sensibiliser les voyageurs à l'importance de signaler tout symptôme suspect. Ces mesures de santé publique – détection précoce, dépistage, isolement des cas positifs, prise en charge des contacts – sont essentielles pour contrôler l'épidémie. Elles permettent souvent de contenir une épidémie sans avoir recours à une vaccination de masse, qui n'est pas toujours nécessaire.

 

F.N.H. : En cas d'augmentation des cas, le système de santé marocain est-il suffisamment préparé en termes de ressources, d'équipements, et de personnel pour faire face à une possible recrudescence de l'épidémie ?

Dr T. H. : Le système de santé marocain a acquis une solide expertise dans la gestion des crises sanitaires, y compris les épidémies comme celle du Covid-19. Le pays dispose de ressources humaines, logistiques et matérielles suffisantes pour faire face à une éventuelle recrudescence des cas de Mpox. En cas de besoin, le secteur public, privé, et militaire de la santé coopèrent étroitement, soutenus par les autorités territoriales qui mettent à disposition leurs capacités logistiques. Le Maroc a également l'expérience de campagnes de vaccination réussies, ce qui peut être mobilisé en cas d'urgence. Le Mpox n'est pas un virus nouveau, et contrairement au Covid-19, il ne nécessite pas de ressources aussi intensives comme l'oxygène ou des lits de réanimation. Le Maroc est donc bien préparé à gérer une augmentation des cas sans grande difficulté. La question de la vaccination reste ouverte, dépendant de l'évolution de l'épidémie et de la disponibilité des doses, mais pour le moment, la prise en charge des patients est bien assurée.

 

 

 

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