Santé - Social - Economie : Le triptyque qui déstabilise le gouvernement

Santé - Social - Economie : Le triptyque qui déstabilise le gouvernement

L’Etat doit garantir la sécurité sanitaire des citoyens et préserver la cohésion et la paix sociale, tout en faisant redémarrer l’économie.

 

Par D. William

 

Le Maroc serait-il sous le spectre d’une crise sociale aiguë ? On peut le craindre, car la situation épidémiologique actuelle le laisse penser. Ou, plutôt, la stratégie de gestion de la crise initiée par les autorités. Rappelons-le, au début de la pandémie de la Covid-19, le gouvernement marocain a privilégié la santé des citoyens, au détriment de l’économie. Il n’était pas le seul d’ailleurs, comme en témoignait le confinement drastique des populations un peu partout à travers le monde.

Si, actuellement, il n’est plus question de confinement généralisé (qui coûte 1 Md de DH par jour au Maroc), mais plutôt localisé, il n’en demeure pas moins vrai que les autorités marocaines restent sur la même ligne de conduite : protéger les citoyens d’abord, gérer l’économie par la suite. C’est en tout cas le sentiment qui anime beaucoup de Marocains en ce moment, surtout les opérateurs économiques, au regard notamment de la multiplicité des mesures restrictives prises dans plusieurs quartiers, préfectures et provinces du Royaume ces dernières semaines afin de limiter la propagation de la covid-19. Cela montre, tant s’en faut, une forme d’impuissance du gouvernement qui ne semble avoir pour seule réponse valable que d’asphyxier davantage une économie déjà claudicante pour protéger la population.

Coût social

Peut-être est-il temps que le gouvernement change de fusil d’épaule en optant pour une politique de santé publique qui ne contraigne pas à «sacrifier» l’économie nationale. Car le coût social et économique de cette stratégie reste trop élevé, surtout que ce virus est encore bien incrusté, décidé à faire partie de notre quotidien encore pour longtemps.

Cette stratégie est d’abord destructrice d’emplois. Entre une économie en souffrance, des patrons qui n’ont aucune visibilité et qui ont gelé les embauches, la multiplication des secteurs en difficulté et les faillites d’entreprises faute d’activité, le taux de chômage risque d’exploser. Avec la situation épidémiologique actuelle et une reprise économique hypothétique, qui relève davantage d’une vue de l’esprit, c’est peu dire que les prévisions du haut-commissariat au Plan (HCP) risquent d’être fortement compromises.

Dans son budget économique exploratoire 2021, le HCP tablait en effet sur un taux de chômage au niveau national à près de 14,8%, soit une hausse de 5,6 points par rapport au niveau enregistré en 2019. Tout plaide pour une aggravation d’un chômage déjà structurel, qui pourrait davantage impacter les jeunes. Déjà, au premier trimestre, alors que la crise sanitaire n’était qu’à ses débuts, le taux de chômage national était relativement élevé parmi les jeunes âgés de 15 à 24 ans (26,8%), les femmes (14,3%) et les diplômés (17,8%). Ensuite, cette stratégie n’est pas soutenable à long terme et contraint l’Etat à tordre davantage les équilibres macroéconomiques.

Du moment que sa politique de gestion sanitaire conduit au ralentissement de l’activité économique, il a en effet la responsabilité de soutenir les entreprises en difficulté. D’où la décision récente de poursuivre le versement d’indemnités, au moins jusqu’à fin décembre 2020, au profit de certains employeurs adhérents à la Caisse nationale de la sécurité sociale (CNSS) et de leurs employés déclarés assurés auprès de ladite caisse, touchés par les conséquences de la pandémie de la Covid-19. Enfin, dans un pays où l’économie informelle pèse plus de 20% du PIB, hors secteur primaire, et génère 2,4 millions d’emplois, cette stratégie participe à instaurer un climat social délétère, tout en risquant de précipiter une bonne frange de la population dans la précarité, voire la pauvreté.

D’ailleurs, en mars dernier, un rapport du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), de la Commission économique pour l'Afrique des Nations unies (UNECA) et de la Banque mondiale laissait entendre qu’«en raison de la crise économique, près de 10 millions de Marocains risquent de tomber dans la pauvreté». Le gouvernement est donc aujourd’hui devant un grand dilemme : faire redémarrer l’économie, tout en assurant la sécurité sanitaire des citoyens et en préservant la cohésion et la paix sociale. La difficulté est justement de trouver cet équilibre

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