◆ Certains rites ou pratiques sont menacés de disparation en l’absence de mesures rigoureuses de sauvegarde.
◆ Leur protection devient un enjeu d’ordre national et peut toucher la souveraineté du pays.
Par C. Jaidani
De nombreuses particularités nationales et régionales se définissent à travers des facteurs culturels immatériels ayant trait notamment à la culture orale, les langues, les arts du spectacle et les événements festifs, les rites et les pratiques sociales, la cosmologie et les systèmes de connaissance, la croyance et les pratiques relatives à la nature.
La diversité culturelle, ethnique, naturelle et géographique du Maroc a généré une richesse de son patrimoine immatériel culturel qui s’est développé au fil des ans. Certaines pratiques, représentations, expressions, savoir-faire, espaces publics sont inscrits au registre du patrimoine culturel mondial de l’Unesco.
Ce patrimoine transmis de génération en génération est recréé en permanence par les communautés et groupes en fonction de leur milieu de leur interaction avec la nature et l’histoire. Mais le risque de sa disparition ou de sa détérioration devient omniprésent, au point de porter atteinte à la souveraineté nationale.
La rivalité politique entre le Maroc et l’Algérie a pris de nouvelles dimensions portant sur l’origine du couscous, du caftan, du raï ou de la fantasia. Dès lors, la nécessité de la préservation du patrimoine immatériel marocain devient un enjeu national de premier plan.
«Il ne faut pas uniquement recenser le patrimoine culturel immatériel, mais le protéger et le soutenir. Il est en quelque sorte le cachet et l’identité nationale. Par exemple, la halka, ce spectacle de plein air, commence à perdre du terrain au Maroc. Excepté quelques villes ancestrales comme Marrakech ou Meknès et des patelins dans le milieu rural, ce genre de théâtre traditionnel est condamné à disparaître en l’absence de mesures de soutien de l’Etat ou d’autres acteurs», souligne Hassan Mejjati, sociologue.
Lorsqu'on parle de halka, on pense à la place Jamaâ El Fna de Marrakech où se perpétue cette tradition depuis des siècles, et qui est l’un des principaux attraits pour les touristes nationaux et étrangers. Le spectateur a le choix entre les conteurs en tout genre, les charmeurs de serpents, en passant par les jeux d'acrobatie ou les devins qui ont gardé toute leur authenticité. Nombre de ces manifestations du patrimoine culturel immatériel sont menacées de disparition sous l’effet de différents facteurs économiques, politiques ou sociaux comme la marginalisation, l’existence de nouvelles formes de spectacles ou l’intolérance des autorités.
Par exemple, la halka a disparu totalement de Casablanca. Jadis, elle meublait le quotidien de certains quartiers populaires comme Derb Soltane, ancienne Médina ou Derb Ghallef. Quelques ‘artistes’ tentent tant bien que mal de la préserver dans les souks hebdomadaires de la périphérie de la ville, notamment à Had Soualem ou Tit Mellil.
«La halka est l’exemple typique des menaces qui pèsent sur le patrimoine immatériel culturel. C’est un travail de longue haleine qu’il faut mener non seulement par l’Etat, mais aussi par la société civile. Il s’agit aussi d’associer toutes les parties concernées, notamment au niveau de la population locale ou praticiens culturels», explique Mejjati.
Et de souligner que certains pays ont conçu toute une panoplie d’instruments législatifs, techniques et institutionnels pour sauvegarder leur patrimoine. Par exemple, les traditions liées à la saison de l’alpage sont soigneusement préservées par les Suisses.
Les autorités cantonales ou fédérales ne lésinent pas sur les moyens pour soutenir ces activités. Des formations et un accompagnement sont déclinés pour apprendre ce savoirfaire aux générations montantes. L’occidentalisation croissante du Japon n’a pas empêché le pays d’instaurer une législation très stricte pour protéger son patrimoine, avec une forte sensibilisation de la population.