- La baisse du taux de ces taxes reste une option difficile pour le gouvernement vu les recettes qu’elles assurent.
- La classe moyenne est la plus impactée par la pression fiscale sur les produits de large consommation.
La campagne de boycott qui sévit depuis 3 semaines contre trois marques commercialisées au Maroc, a suscité un grand débat sur les réseaux sociaux, chez la classe politique et la société civile. Le renchérissement du coût de la vie apparaît comme l’une des principales causes de ce mouvement.
Plusieurs voix se sont élevées pour dénoncer ouvertement la pression fiscale devenue insupportable. A ce sujet, la commission parlementaire d’enquête sur les hydrocarbures a conclu que les taxes, notamment la TIC et la TVA, représentent en moyenne entre 34% et 43% du prix du litre du gasoil ou de l’essence.
Pour sa part, le Groupe Holmarcom qui commercialise la marque Sidi Ali, a lui aussi révélé - chiffres à l’appui - que ses marges sont très correctes. Il a par ailleurs manifesté sa disposition à réduire le prix de l’eau minérale qu’il commercialise, contesté par les consommateurs, à condition que l’Etat révise à la baisse la TVA de 20% à 7% sur ce produit.
Face à une grogne sociale d’une telle ampleur, le gouvernement est appelé à trouver une issue favorable pour apaiser les esprits des citoyens impactés et rassurer la pérennité des projets des investisseurs et des entreprises. Le volet fiscal serait-il appelé à la rescousse pour donner un coup de pouce au pouvoir d’achat des Marocains ? Le gouvernement dispose-t-il de marges de manoeuvre ? Rien n’est moins sûr.
«C’est une question très délicate qu’il faut traiter avec beaucoup de prudence. Historiquement, les gouvernements ne renoncent pas à des ressources fiscales stables et importantes que sous la pression, mais encore faut-il qu’ils dénichent de nouvelles ressources pour combler le manque à gagner et éviter le déséquilibre budgétaire. Réduire les taxes sur les carburants, c’est comme procéder à un retour à la compensation. Un scénario peu probable vu les dernières orientations de l’Etat qui cherche à optimiser ses ressources et réduire ses dépenses fiscales conformément aux recommandations des institutions financières internationales», souligne Youssef Oubouali, professeur de droit fiscal.
En effet, le Maroc a entamé depuis un certain temps plusieurs réformes de sa fiscalité marquées par la baisse des taux au niveau des impôts directs, mais en prenant le soin de maintenir la pression sur les autres impôts et taxes indirects.
«L’imposition indirecte est l’option préférée des gouvernements en voie de développement qui recherchent des solutions faciles au lieu d’élaborer des réformes en profondeur. Le pouvoir d’achat ne peut que baisser et être impacté. Plusieurs produits de large consommation sont imposés au taux TVA de 20%, qui assure à l’Etat 80% des recettes de cet impôt», précise le fiscaliste.
La TVA rapporte à l’Etat pas moins de 36% de ses recettes fiscales. Un réaménagement des taux vers le bas, notamment le passage de 20% à 10%, est, de ce point de vue, un pas difficile à franchir.
D’autant que comme le souligne notre interlocuteur, «30% des recettes de la TVA vont aux collectivités locales. Chaque baisse des ressources devrait affecter leur fonctionnement et leurs budgets déjà fragiles».
Le renchérissement des prix des produits les plus consommés au Maroc est dû en grande partie à la hausse des prix des produits pétroliers qui pénalisent les coûts du transport et autres charges.
Le gouvernement est appelé à investir de nouvelles pistes pour augmenter le pouvoir d’achat des Marocains. «La classe moyenne est la plus affectée par la hausse du coût de la vie. Il est recommandé de lui proposer de nouvelles alternatives susceptibles d’alléger ses dépenses, comme la déductibilité de certaines charges (frais de scolarité des enfants) ou appliquer l’exonération des plus-values réalisées lors de la cession de certaines immobilisations», affirme Oubouali.
Au delà des aspects fiscaux, le modèle de croissance marocain est basé sur la demande intérieure composée essentiellement des dépenses de consommation. Ce modèle a montré ses limites, comme il a été relevé par le Roi Mohammed VI dans son discours devant le parlement. Il serait temps de changer de logiciel. ■
Investir de nouvelles pistes fiscales
L’essor qu’a connu l’économie marocaine depuis le début des années 2000 n’a pas profité équitablement à tous les citoyens. Les inégalités sociales se sont accentuées. La classe moyenne est le principal contributeur et le principal moteur de l’économie nationale, sans toutefois être «récompensée» sur le plan fiscal.
«Pour alléger le fardeau supporté par la classe moyenne, il faut investir de nouvelles pistes fiscales comme instaurer l’impôt sur la fortune. C’est un volet très important pour lutter contre les inégalités et aussi pour soutenir l’investissement. C’est d’ailleurs une revendication de la société civile. On peut penser aussi à un impôt (droit d’enregistrement) sur les successions qui dépassent un certain seuil», préconise Oubouali.
C. Jaidani