Plateformes numériques: le Maroc veut encadrer sans freiner

Plateformes numériques: le Maroc veut encadrer sans freiner

La conférence internationale organisée ce mercredi à Marrakech par le Conseil de la concurrence a placé le débat sur les plateformes numériques au cœur de la réflexion économique nationale. Objectif : concilier innovation, équité concurrentielle et protection sociale dans une économie de plus en plus digitalisée.

En ouvrant les travaux, Ahmed Rahhou, président du Conseil de la concurrence, a rappelé que les plateformes numériques constituent à la fois un levier de développement et une source de déséquilibres.  Elles génèrent de l’emploi, notamment dans le transport et la livraison, et offrent aux économies émergentes la possibilité de créer des “champions” nationaux. Mais elles peuvent aussi devenir concurrentes de leurs propres prestataires, en captant une part importante de la valeur ajoutée.

Selon Rahhou, les autorités de régulation se trouvent souvent mal outillées face à ces modèles économiques, fondés sur la gratuité apparente et la collecte massive de données. Il a plaidé pour une régulation progressive et anticipative, évitant à la fois la surenchère réglementaire et l’inaction : «L’enjeu est d’intervenir suffisamment tôt pour prévenir les situations irréversibles, sans bloquer l’initiative».

Un Code du travail révisé pour intégrer l’économie des plateformes

Le ministre de l’Inclusion économique, Younes Sekkouri, a pour sa part souligné que la réforme du Code du travail en cours a intégré les spécificités de l’économie des plateformes.
Trois chantiers ont été identifiés : la reconnaissance du travail à temps partiel, afin de permettre la poly-activité et la flexibilité des emplois, notamment féminins ; le travail à distance, qui nécessite un cadre fiscal et social clair ; et enfin, l’économie des plateformes, pour corriger les “biais” et asymétries liés à ces nouveaux modèles de production.

Selon le ministre, cette refonte vise à adapter la législation aux réalités du numérique, tout en maintenant un équilibre entre compétitivité, sécurité sociale et stabilité du marché du travail.

Dans une intervention vidéo, Ryad Mezzour, ministre de l’Industrie et du Commerce, a insisté sur la régulation comme “levier pour garantir des marchés justes, transparents et inclusifs”.
Il a identifié, lui aussi, trois priorités :redéfinir les relations entre plateformes et acteurs locaux ; assurer la transparence des algorithmes et des politiques de prix ;
et élargir la notion de protection du consommateur et des données.

Le ministre a annoncé la préparation d’un projet de loi spécifique au commerce électronique, ainsi que le lancement d’une étude nationale sur le e-commerce pour redéfinir la politique publique dans ce domaine. Il a également évoqué le développement de deux plateformes nationales : “TijarIA”, dédiée à la donnée commerciale, et “MRTB – Moroccan Retail Tech Builder”, destinée à soutenir les startups locales de l’e-commerce.

Une coopération internationale indispensable

Représentant la CNUCED, Luz Maria de la Mora a salué les efforts du Maroc pour adapter sa législation à l’ère numérique, rappelant la révision de la loi sur la concurrence en 2020.
Elle a insisté sur la nécessité d’une coopération régionale en Afrique pour réguler des acteurs opérant au-delà des frontières nationales. «Les plateformes numériques sont transnationales par nature. Une action isolée des pays en développement reste insuffisante», a-t-elle souligné.

De son côté, le président de la CGEM, Chakib Alj, a appelé à aborder les plateformes avant tout comme une opportunité de compétitivité. Il a encouragé les entreprises à investir dans la valorisation de la donnée client, la diversification des canaux de distribution et le développement de marques fortes.
Le patronat estime que la croissance du e-commerce au Maroc,  environ 30 % par an, avec une hausse de 20 % des transactions en ligne, illustre le potentiel du secteur, à condition d’assurer une concurrence saine et équitable.

Au terme des échanges, les participants ont convergé vers une même conclusion : le numérique impose un nouvel équilibre entre ouverture, régulation et souveraineté. Le Conseil de la concurrence entend poursuivre le travail engagé en coordination avec les autorités publiques, les régulateurs sectoriels et les partenaires internationaux, pour construire un cadre cohérent de gouvernance économique et concurrentielle adapté à l’ère des plateformes.

 

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