Peines alternatives: de nouveaux enjeux pour la justice marocaine

Peines alternatives: de nouveaux enjeux pour la justice marocaine

Le projet de loi permettra de réduire sensiblement la population carcérale et les coûts.

Il devrait assurer une meilleure réinsertion des condamnés à travers leur formation.

 

Par C. Jaidani

V ivement sollicité, le projet de loi sur les peines alternatives est dans la dernière ligne droite. En attendant son entrée en vigueur, le texte a été approuvé en Conseil de gouvernement. Pour Mustapha Baitas, ministre délégué chargé des Relations avec le Parlement, porte-parole du gouvernement, «le projet de loi n°43-22 relatif aux peines alternatives est révolutionnaire. Il permettra aux personnes ayant commis des délits dans certaines conditions de purger leur peine tout en s’intégrant à la société».

Pour sa part, Hicham Mellati, directeur des affaires pénales et de la grâce au ministère de la Justice, affirme que «c’est un évènement marquant pour la justice marocaine. Le texte de loi a pris le temps qu’il faut pour être élaboré à travers une série de discussions, d’échanges et d’études impliquant de nombreux experts et intervenants, sans oublier les visites de terrain dans de nombreux pays pour s’inspirer des expériences réussies. Cette période a permis de choisir minutieusement les peines alternatives qu’il faut appliquer d’une façon efficace et qui sont en adéquation avec l’environnement socioéconomique national. Il a été question de prendre en considération le coût budgétaire de ces peines pour qu’il soit compétitif».

Mais la question que posent les juristes, les défenseurs des droits de l’homme, les professionnels du secteur de la Justice et aussi l’opinion publique a trait notamment au mode d’exécution des peines alternatives. Une mauvaise application ou interprétation de la loi risque de remettre en cause tout le système. «La loi a fixé des modalités précises pour ce qui est de l’exécution des jugements. Une fois le verdit prononcé, le dossier est transféré par le parquet à un juge qui supervise toute l’opération, en partenariat avec l’administration carcérale. Celle-ci prend toutes les dispositions nécessaires pour que les peines soient exécutées dans les meilleures conditions possibles», explique Mellati.

Il faut noter que parmi les facteurs qui ont incité à opter pour les peines alternatives, figure notamment la progression continue de la population carcérale qui a frôlé en 2022 les 100.000 détenus, soit une hausse de 10% comparativement à 2021, enregistrant au passage un nouveau record. De nombreuses associations des droits de l’Homme ont tiré la sonnette d’alarme, estimant que 60% de cette population englobent des personnes en détention préventive pour de petites peines. Le surnombre des détenus se répercute sur la qualité de vie dans l’univers carcéral et ne donne pas les effets escomptés en matière de lutte contre la récidive.

«Les peines alternatives présentent de nombreux atouts, dont notamment la réduction de la population carcérale et des charges, et permettent la réhabilitation des détenus. Les orientations pénales modernes militent pour ce genre de choix. Elles sont préconisées pour la petite délinquance. Par exemple, une personne condamnée à deux ou trois mois de prison ne peut pas bénéficier de session de formation professionnelle. Dès lors, les peines alternatives sont un moyen adéquat pour faciliter la réinsertion des détenus ou pour suivre un traitement contre la toxicomanie», explique Mellati.

Actuellement, sur les 98.000 détenus dans les 70 pénitenciers du Royaume, 50% sont condamnés à de petites peines. Par ailleurs, il est utile de souligner que les peines alternatives sont strictement encadrées par la loi. Certains crimes sont exclus comme le terrorisme, le trafic international de drogues et de substances psychotropes, la sécurité de l’État, la corruption, le détournement de fonds publics et le blanchiment d’argent. La liste comprend également les personnes impliquées dans la traite d’êtres humains, le viol ou l’exploitation sexuelle des mineurs ou des personnes en situation de handicap. Mais il y a toujours le pouvoir discrétionnaire du juge qui, comme l’explique Mellati, «obéit à certains critères très précis». 

 

 

 

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