Nouveau modèle de développement : le Maroc à la croisée des chemins

Nouveau modèle de développement : le Maroc doit se décider

 

Le Maroc se situe à la croisée des chemins : «la voie du progrès» ou le statu quo et ses conséquences potentiellement fâcheuses.

Pour réussir son pari de l’émergence et bâtir un nouveau modèle de développement inclusif, plusieurs prérequis indispensables devront être remplis. 

 

Par A.E

Nouveau modèle de développement : le Maroc est entre deux chemins

Nous y voilà ! Près de 2 ans après le discours du Roi Mohammed VI devant les parlementaires (13 octobre 2017), appelant les forces vives de la nation à réfléchir à l’édification d’un nouveau modèle de développement au Maroc, et après plusieurs mois durant lesquels les contributions et les recommandations des think tank, partis politiques, associations etc. se sont succédé, place aux choses concrètes.

Dans son dernier discours à la nation, le Souverain a en effet annoncé la mise en place d’une Commission spéciale qui sera chargée d’élaborer ce nouveau modèle de développement «authentiquement marocain», selon une démarche participative et inclusive. Son installation est prévue dans les toutes prochaines semaines.

Si la composition de cette commission n’est pas encore connue, bien que des noms commencent à circuler dans la presse (voir encadré), le Roi en a parfaitement défini les missions : «Notre souhait est que cette commission remplisse une triple mission de réajustement, d’anticipation, de prospective pour permettre à notre pays d’aborder l’avenir avec sérénité et assurance».

Il va sans dire que les recommandations qui seront issues des travaux de cette commission revêtent un caractère déterminant pour l’avenir du Maroc, tant il est vrai que le pays se trouve à la croisée des chemins : «la voie du progrès» ou le statu quo. La deuxième option est unanimement considérée comme intenable, voire désastreuse.

Les prochains mois seront donc décisifs, et l’erreur n’est plus permise.

 

Nouveau modèle de développement au Maroc : Le Roi a balisé le terrain

Pour mener à bien sa mission, la Commission spéciale ne partira pas d’une page blanche. Elle s’appuiera sur les nombreux acquis engrangés par notre économie depuis 20 ans. Comme l’a indiqué le Souverain, la Commission devra «prendre en considération les grandes orientations des réformes engagées ou en passe de l’être, dans des secteurs comme l’enseignement, la santé, l’agriculture, l’investissement, le système fiscal. Ses propositions devront viser leur perfectionnement et l’accroissement de leur efficacité».

Nouveau modèle de développement au Maroc lancé par la Roi Mohamed 6

Le Roi a également mis en exergue les actions prioritaires à mener. Il s’agit en premier lieu de la mise à niveau du monde rural, car c'est dans ces zones là que la précarité, l'accès aux soins de base, la scolarisation et les conditions de vie sont les plus déficients, et où sont concentrés les segments de population les plus en difficulté.

L’insertion des jeunes est également d’une centralité majeure. La formation professionnelle, considérée comme un levier d’employabilité par excellence, constitue, de ce point de vue, un axe stratégique pour le futur modèle de développement au Maroc. Encore faut-il battre en brèche les «nombreux préjugés inhérents à la voie de la formation professionnelle, qui peuvent lourdement impacter notre stratégie», comme l’a bien relevé le ministre de l'Éducation nationale, de la Formation professionnelle, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, Saïd Amzazi, au lendemain du discours royal.

L’objectif, in fine, est de parvenir à élargir le socle de la classe moyenne, et de faire fonctionner, enfin, l’ascenseur social.


LIRE AUSSI - Nouveau modèle de développement : Comment porter la croissance à 6% 

Entretien avec Tarik El Malki, économiste, enseignant-chercheur au Groupe ISCAE, membre du Centre marocain de conjoncture (CMC).


Nouveau modèle de développement au Maroc : Créer plus de richesses

Pour pouvoir mettre en œuvre cette feuille de route, il faut impérativement que notre économie puisse créer suffisamment de richesses, et ensuite de les répartir équitablement. Cela suppose de sortir par le haut de la «trappe» de croissance modérée (autour de 3% en moyenne) dans laquelle le Maroc est enfermé depuis plusieurs années maintenant, et de parvenir à des seuils de croissance régulièrement supérieurs à 6%.

«Nous devons augmenter de manière significative le rythme de croissance à des niveaux dépassant le seuil des 6% d’ici 2025 afin de permettre à notre économie de créer véritablement les conditions du décollage tant attendu. Le second objectif est de booster la compétitivité des PME, et surtout des TPE, d’augmenter le volume des exportations, et de créer suffisamment d’emplois», soulignait récemment l’économiste Tarik El Malki dans nos colonnes.

Nul doute que la Commission ne manquera pas d’émettre les recommandations nécessaires pour libérer le potentiel de création de richesses de l’économie marocaine. Mais il faudra bien plus que des injonctions pour relancer un investissement privé à des niveaux historiquement faibles. De nombreux obstacles doivent être levés et pour cela, le Roi en est parfaitement conscient: «Il importe de surmonter les obstacles à la réalisation d’une croissance économique élevée et durable, et partant, génératrice de prospérité sociale».

Ces obstacles sont bien connus: distorsion de la concurrence, situation de rentes, etc. «Libérer le potentiel de croissance passe par une amélioration et un assainissement de l’environnement des affaires, la mise en place d’instances de régulation publiques afin de fixer les règles du jeu devant régir le fonctionnement de l’économie de marché pour éviter tous types d’abus, etc.», préconise dans ce sens El Malki.

En d’autres termes, il faut des lois claires, des institutions et une justice intraitable, et une administration exemplaire. Cela implique inévitablement des hommes et des femmes neufs, avec une mentalité nouvelle. Le Roi l’a clairement indiqué lors du discours du Trône du 30 juillet dernier.

 

Développement économique ou Jihad économique

Sortir de la croissance mollassonne qui caractérise notre économie, donner un véritable coup de fouet à la croissance de manière durable, suppose aussi que l’investissement privé, c’est-à-dire celui des entreprises, redécolle. Problème, «culturellement, les entrepreneurs marocains et les chefs d’entreprises manquent souvent d’ambition et ne sont pas conquérants», expliquait Hamid Bouchikhi, professeur à l’Essec Business School de Paris (www.fnh.ma). «Si l’élite économique ne prend pas ses responsabilités, qui va le faire ?», s’interrogeait-il, prônant ainsi une forme de patriotisme économique, un «jihadisme économique», pour amorcer un véritable décollage du pays. Une formule qui fait mouche, et qui fait écho à celle utilisée par le Souverain dans son dernier discours, lorsqu’il évoque «le grand jihad, ce combat majeur dans lequel nous sommes engagés pour assurer au citoyen marocain progrès et prospérité».

 

Nouveau modèle de développement au Maroc : Faire adhérer les citoyens

Enfin, (surtout ?), la condition sine qua non pour la réussite du nouveau modèle de développement réside dans son appropriation par l’ensemble des citoyens. Sans l'adhésion des citoyens, sans leur implication dans les débats et les décisions qui seront prises, tout changement sera vain. Il serait illusoire de soutenir le contraire.

Or, un grand nombre de nos concitoyens s’est détourné, (peut-on leur en vouloir ?), de la chose publique et des questions d’intérêts générales. L’abstention toujours plus grande lors des élections en est la parfaite illustration. Un désenchantement qui s’est nourri de plusieurs décennies de promesses non tenues, de creusement des inégalités, et d'injustices. 

C'est là, à nos yeux, le plus grand défi qui attend le Maroc les prochaines années : ramener le citoyen au centre de tout et lui donner des motifs sérieux de croire en des lendemains meilleurs.

C'est ainsi qu'il faut, pense-t-on, comprendre le sens de la formule aux accents «Rousseauistes» utilisée par le Souverain lorsque il parle de «contrat social». Il s’agit d’avoir un projet commun, une ambition partagée, vers lesquels tendent tous les Marocains. C'est ainsi que les peuples à travers l'histoire ont réussi de grandes choses. Rien ne se fait sans lui.

Le Roi a tracé le chemin et montré la voie. A nous, tous, de jouer. En toute «responsabilité», pour l'«essor» de notre pays. ◆

 


Quels profils pour la Commission ?

Comme dans une annonce de recrutement, le Roi a clairement défini dans son discours les qualités et compétences requises pour les futurs membres qui composeront la commission.

Outre de l’expérience et une exigence d’impartialité, les profils composant la commission spéciale chargée du modèle de développement doivent être «suffisamment outillés pour comprendre les dynamiques à l’œuvre au sein de la société et aller au-devant de ses attentes, sans jamais perdre de vue l’intérêt supérieur de la Nation», dixit le Souverain.

La commission, qui «ne tiendra lieu ni de second gouvernement, ni d’institution officielle parallèle», jouera le rôle d’organe consultatif investi d’une mission limitée dans le temps, a insisté le Roi.

Elle doit remplir son mandat avec «impartialité et objectivité» en portant à «Notre connaissance un constat exact de l’état des lieux, aussi douloureux et pénible puisse-t-il être», d’après le discours.

Le Roi a mis l’accent sur la nécessité de faire preuve «d’audace, d’esprit d’initiative et d’un sens élevé des responsabilités», lors de la mise en œuvre des conclusions judicieuses et des recommandations pertinentes qui seront adoptées, «seraient-elles difficiles ou coûteuses».

De ce point de vue, au cours des dernières années, parmi toutes les personnalités de la sphère économico-politique, le wali de Bank Al-Maghrib et le président de la Cour des comptes semblent remplir toutes les cases. Les noms de Abdellatif Jouahri et Driss Jettou reviennent d’ailleurs avec insistance dans la presse quotidienne arabophone pour présider ladite commission.

 

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