Nouveau modèle de développement: 14 ans pour relever les challenges

Nouveau modèle de développement: 14 ans pour relever les challenges

Après plusieurs mois de travaux, la Commission spéciale sur le modèle de développement livre son rapport final.

Les réformes et projets proposés nécessiteraient un financement public additionnel de l’ordre de 10% du PIB à l’horizon 2030.

 

Par Y. Seddik

 

180 séances organisées, 1.200 personnes rencontrées, 35 séances d’écoute citoyenne et 6.200 contributions récoltées  : tel est le bilan des travaux de la Commission spéciale sur le modèle de développement (CSMD) qui a abouti à la réalisation d’un rapport général, présenté, mardi 25 mai, au Roi Mohammed VI. Près d’un an et demi après sa création, et malgré les nombreuses perturbations induites par la crise sanitaire, la commission a livré sa copie.

«Un rapport qui s’appuie sur l'identité et l'histoire millénaire du Maroc et offre une vision du Maroc de demain», comme l’a affirmé, mercredi à Rabat, le président de la CSMD, Chakib Benmoussa, dans une déclaration en marge d'une conférence de presse consacrée à la présentation du rapport sur le nouveau modèle de développement (NMD).

En substance, le rapport élaboré fixe les étapes d'une nouvelle marche vers les objectifs escomptés et définit les choix stratégiques, comme il évoque les mécanismes de suivi et de mobilisation de tous les acteurs concernés et de l'ensemble des citoyens. Chakib Benmoussa a indiqué que le nouveau modèle de développement propose comme ambition de propulser le Royaume, dans beaucoup de domaines, dans le tiers supérieur des différents classements mondiaux des Nations d’ici 2035, et qui lui permettraient de consacrer davantage sa vocation de modèle dans sa région et bien au-delà.

Des ambitions grandioses

Concrètement, les 35 membres de la Commission ont traduit cette ambition par des objectifs de développement ciblés. Parmi eux, le doublement du PIB par habitant à horizon 2035 de 7.800 dollars (PPA) actuellement à 16.000 en 2035. Ceci permettrait de situer le Maroc à la moyenne mondiale et au niveau des pays à revenu intermédiaire supérieur. Cette ambition est compatible avec un rythme de croissance accéléré (6% en moyenne annuellement contre 3% actuellement).

La maîtrise des apprentissages de base à la fin du cycle primaire par plus de 90% des élèves, l’augmentation du nombre de médecins par habitant pour atteindre les normes de l’OMS, la réduction à 20% de la part de l’emploi informel, l’élargissement du taux de participation des femmes à 45% contre 22% en 2019, un taux de satisfaction des citoyens envers l’administration et les services publics de plus de 80%, sont également ciblés. D’autres objectifs économiques plus spécifiques ont été fixés par les membres de la commission.

On cite l’augmentation de la valeur ajoutée industrielle de moyenne et haute technologie de 28% actuellement à 50% en 2035, l’abaissement des coûts d’énergie ou même l’augmentation du nombre de sociétés cotées de 76 actuellement à 300 à l’horizon 2035, l’accroissement du nombre de jeunes entreprises à croissance rapide de 1.000 environ actuellement à 3.000 en 2035. Il s’agit aussi de libérer l'énergie entrepreneuriale et favoriser l'investissement privé pour aboutir à 65% d'investissement privé dans le total, ce qui permettrait d'atteindre des niveaux comparables à ceux des pays développés (80%).

Toutes ces ambitions «requièrent la mobilisation pleine et entière de compétences nationales et locales, qui doivent être mieux préparées et outillées pour relever les défis du développement, dans un contexte devenu de plus en plus complexe et imprévisible», fait valoir la Commission. Pour accélérer le changement, la Commission préconise ainsi de renouveler l’appareil administratif dans ses compétences et ses méthodes et d’utiliser au maximum le levier du numérique, au vu de son potentiel transformationnel rapide. Mais il est également question de disposer de moyens (financiers) à la hauteur des ambitions affichées.

 

Quelles pistes pour le financement ?

La crise de la Covid-19 a eu des répercussions sur les ressources de l’État et sur la nature des dépenses budgétaires urgentes. Elle montre à quel point la réussite du NMD requiert comme préalable une stratégie adéquate de financement.

«Aujourd’hui, notre financement est principalement assuré par le secteur bancaire. Nous savons qu’il y a d’autres mécanismes de financement plus innovants qui peuvent créer des conditions meilleures pour le financement de l’économie. Encourageonsles», a précisé Benmoussa.

L'endettement, à travers notamment le marché des capitaux, sera un passage obligé pour financer ce projet ambitieux. La commission n'hésite pas à suggérer  un recours accru à l’endettement à court terme, ce qui interroge sur la soutenabilité des taux bas. Mais, d'un autre côté, le rapport général de la Commission  fait la part belle aux autres sources de financement (Fonds Mohammed VI, marché boursier, dividendes des EEP et autres PPP...), ce qui peut rassurer les investisseurs, car ce sont autant d'éléments qui vont soulager le recours à la dette. En face, la commission fait l'hypothèse d'une croissance de 6% en moyenne à partir de 2025 et de 7% à partir de 2030. De quoi soutenir n'importe quelle politique budgétaire.

«Il faut développer l’émulation entre les acteurs pour ne plus avoir des situations de protection qui, parfois, peuvent créer de la rente où l’innovation est moins présente», a souligné le président de la CSMD. Selon les évaluations préliminaires, il est estimé que les réformes et projets proposés dans le NMD nécessitent des financements publics additionnels de l’ordre de 4% du PIB annuellement en phase d’amorçage (2022- 2025), et de l’ordre de 10% du PIB en rythme de croisière à l’horizon 2030.

Pour attirer les investisseurs, la Commission considère que les réformes transformationnelles proposées vont générer de la croissance et un retour sur investissement conséquent, et permettront d’assurer à terme la soutenabilité financière du modèle, en particulier si elles sont dûment séquencées. 

Ainsi, les chantiers principaux du NMD, du fait de leur portée transformationnelle, favoriseraient la transition vers un nouveau palier de croissance annuelle du PIB pouvant s’établir à 6% en moyenne à partir de 2025 et à 7% à partir de 2030. La dynamique économique positive qui serait obtenue par un séquencement adéquat des réformes et projets, commençant par les plus structurants et ceux à plus fort impact économique, permettra un redressement des recettes fiscales, qui contribuerait à alléger à terme les besoins de financement de l’État et à restaurer, in fine, la soutenabilité des finances publiques.

Le rendement attendu du NMD justifie dès lors une stratégie de financement volontariste, qui aborde ces dépenses additionnelles comme des investissements dans l’avenir,  avec une perspective de moyen long terme, qui tient compte de l’effet dynamique potentiellement généré par le NMD vers un cercle vertueux de croissance, et qui assure l’allocation de ressources  nécessaires  pour l’amorçage des chantiers structurants du nouveau modèle  et pour l’ouverture d’une nouvelle phase d’essor. 

 

 

 

 

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