Maroc - CEDEAO : Un nouveau maillon fort pour l’intégration sud-sud

Maroc - CEDEAO : Un nouveau maillon fort pour l’intégration sud-sud

Mohammed VISur ce marché qui génère un PIB de 700 milliards de dollars, le Maroc veut être acteur à part entière des décisions stratégiques. C’est à la Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement qu’il revient d’acter ou non  la «candidature» du Royaume.

Le Maroc fait un nouveau pas important vers son «africanité» revendiquée, avec sa volonté d’adhérer à la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) en tant que membre à part entière. Ce souhait a été officiellement exprimé le 24 février dernier, quelques semaines seulement après la réintégration du Royaume au sein de l’Union africaine. Pour maints observateurs, cette demande d’adhésion apparaît comme une suite logique et une réalité économique naturelle qui découlent des relations fortes tissées entre le Royaume et les autres pays du continent au cours de ces dernières années, particulièrement ceux de l’Afrique subsaharienne. 

Comme le rappelle OCP Policy Center dans sa dernière étude, les échanges commerciaux entre le Maroc et l’Afrique subsaharienne connaissent, en effet, une tendance haussière depuis 2009, enregistrant une croissance annuelle de 12,8% entre 2000 et 2015. Les relations commerciales entre les deux parties restent cependant asymétriques, bénéficiant davantage au Maroc. «Ainsi, sa balance commerciale avec le continent est devenue excédentaire depuis 2008. Le solde a effectivement atteint 992,3 millions de dollars en 2015  (soit 1% du PIB), après avoir enregistré des montants de 1.091,5 et 981,5 millions de dollars en 2014 et 2013 respectivement», précise la même source.

Au-delà des échanges, ces relations ont franchi un palier qualitatif important, en ce sens que le Royaume est devenu un investisseur de premier plan en Afrique, occupant le rang de premier investisseur de la zone UEMOA (Union économique et monétaire ouest africaine) et deuxième investisseur de la CEDEAO). Ainsi, en 2015, 40% du total des IDE marocains à l’étranger sont destinés à l’Afrique subsaharienne, le positionnant ainsi comme l’un des pays investissant le plus dans le continent, derrière le Kenya, l’Afrique du Sud et le Nigeria, souligne l’étude. Cinq principaux pays bénéficiaires : l’Ile Maurice, la Côte d’Ivoire, le Nigeria, le Sénégal et la Mauritanie.

Incontestablement, l’adhésion du Maroc à la CEDEAO, qui compte 15 membres (Bénin, Burkina, Cap-Vert, Côte d'Ivoire, Gambie, Ghana, Guinée, Guinée-Bissau, Liberia, Mali, Niger, Nigeria, Sénégal, Sierra Leone et Togo), va donc renforcer les contours de ce partenariat déjà solide. Mais, au-delà d’intégrer cet espace communautaire de plus de 320 millions de consommateurs et qui génère un PIB de 700 milliards de dollars, il s’agit aujourd’hui, plus que jamais, de construire des ensembles forts, cohérents et susceptibles de soutenir le processus de développement du continent.

Cet ancrage définitif à la CEDEAO est sans aucun doute une étape «vers cette marche que veut représenter l’Union africaine en voulant aller vers une intégration de l’ensemble de ces régions qui, pour l’instant essaient, de s’approfondir par grands bouts», déclarait récemment à ce titre Brahim Benjelloun-Touimi, administrateur Directeur général exécutif du Groupe BMCE Bank, précisant que c’est «un signal très fort qui, de toute façon, va dans le sens de l’histoire». A l’évidence, cette intégration semble être la solution structurelle pour un développement pérenne du continent. D’ailleurs, à l’origine, l’idée de base qui a sous-tendu la création de la CEDEAO était de faire de l’espace économique de ce marché commun sous-régional un ensemble plus grand et plus attrayant à travers son élargissement.


Et après ? Rien n’est gagné d’avance. La requête du Maroc devra être examinée par les instances de la CEDEAO, en particulier par la Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement. C’est à elle que revient en effet la décision. Dans l’article 9 du Traité révisé de Cotonou de 1993, il est ainsi précisé que «sauf dispositions contraires du présent Traité ou d'un protocole,  les décisions de la Conférence sont prises selon les matières à l'unanimité, par consensus, à la majorité des deux tiers des Etats membres». Pour autant, l’adhésion du Maroc devra forcément passer par une phase transitoire, qui pourra être longue, d’autant que le Royaume veut s’arrimer sur un bloc qui, entre autres, est non seulement intégré sur le plan douanier, mais a également supprimé, entre les Etats membres, les obstacles liés à la libre circulation des personnes, des biens, des services et des capitaux, ainsi qu’aux droits de résidence et d’établissement. C’est dire qu’il y aura un travail de fourmi à faire afin d’apprécier correctement et avec beaucoup d’intelligence les implications concrètes de l’adhésion du Maroc. Il faudra donc patienter avant de voir le Royaume être un acteur impliqué dans les grandes décisions stratégiques et d’intégration de cette région.

Par D. William

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