En 2022, le Maroc a importé 52 millions de quintaux de blé.
80% des unités industrielles sont parfaitement intégrées en amont et en aval.
Entretien avec Moulay Abdelkader Alaoui, président de la Fédération nationale de la minoterie.
Propos recueillis par C. Jaidani
Finances News Hebdo : Comment se présente le marché du blé. Y a-t-il a un retour à la normale ?
Moulay Abdelkader Alaoui : Le marché international de blé est dans une tendance baissière. Le programme des importations est toujours activé jusqu’à fin avril 2023. Les stocks sont suffisants pour couvrir les besoins. Nous espérons une bonne année agricole pour avoir plus de visibilité. Les opérateurs du secteur et le gouvernement ont pris toutes les dispositions nécessaires pour approvisionner le marché local dans de bonnes conditions.
F.N.H. : Les mesures de soutien dédiées au secteur ont-elles donné les effets escomptés ?
M. A. A. : Nous sommes un secteur qui opère dans un marché libre. Il n’y a pas de restrictions, sauf celles imposées lors de la collecte nationale de blé, et qui est tout à fait légitime pour protéger la production nationale et donner la visibilité aux opérateurs de la filière. La subvention allouée à la filière est destinée à protéger le consommateur et pas le producteur. Elle est octroyée pour fixer le prix de la farine nationale destinée aux couches démunies pour un volume de 6,5 millions de quintaux. Ce produit est distribué notamment dans les régions enclavées. Tandis que la restitution a été instaurée suite à la flambée des prix du blé au niveau mondial. Elle représente le gap entre le coût de revient de l’importation et le prix de cession au consommateur. Il faut rappeler que le pain est un produit très sensible. Pour avoir la paix sociale, il est primordial de stabiliser son prix.
F.N.H. : Faut-il maintenir la compensation pour le blé et la farine ?
M. A. A. : En 2022, le Maroc a importé 52 millions de quintaux de blé. Un volume important sur lequel l’Etat a payé une restitution d’une valeur faramineuse de 10 milliards de DH. Une enveloppe qui aurait pu servir à des investissements dans d’autres secteurs. Mais vu l’urgence de la situation, le gouvernement a décidé de lutter contre la flambée des prix. Une fois que le registre social unifié (RSU) sera totalement opérationnel, il est possible dans ce cas d’arrêter la compensation dédiée au blé. Dans cette situation, la population démunie aura une allocation mensuelle qui lui permettra de faire face aux renchérissements du coût de la vie. On passe d’une formule de soutien indirect qui est coûteuse, à une autre directe qui est plus ciblée et plus efficace.
F.N.H. : Comment se présente la mise à niveau du secteur ?
M. A. A. : La mise à niveau de notre filière est déjà opérationnelle. Nous avons lancé une étude pour la mise en place d’un plan comptable sectoriel afin d’assurer une transparence totale, que ce soit au niveau de l’importation ou de la distribution des produits. Il est question d’avoir une idée sur les coûts de revient, la marge et être en règle avec les impôts et les autres administrations. L’objectif est de lever tous les amalgames ou les confusions qui peuvent exister. La mise à niveau revêt différents aspects. Elle est visible sur le volet industriel qui devient modernisé et n’a rien à envier aux pays développés en matière de qualité, de l’outil de production et aussi de la qualification des ressources humaines. L’Ecole spécialisée dans les métiers de la minoterie forme tous les profils dont la filière a besoin. De nombreux lauréats de cette institution dirigent actuellement des minoteries à l’étranger, notamment en Afrique ou au Moyen-Orient. Dans les autres activités liées à notre secteur, nous avons également des écoles spécialisées dans la pâtisserie et la chocolaterie. Nous travaillons pour que notre intégration à l’aval soit adéquate. Notre secteur est très concurrentiel, ce n’est pas comme en Egypte, Tunisie ou Algérie. Pour être compétitif, il faut avoir une certaine taille et une assise industrielle et financière importante, d’autant plus que la plupart des opérateurs investissent toute la chaîne de valeur. 80% de nos unités industrielles sont parfaitement intégrées en amont et en aval. Elles font partie des groupes qui disposent de leurs sociétés d’importation et de commercialisation. Ces groupes englobent également des entreprises de production de pâtes, de couscous, de biscuits et autres produits.