Des programmes de construction de capacités nouvelles pour la production d’électricité sont planifiés sur le court, moyen et long termes avec comme leitmotiv une diversification et une optimisation des sources.
Les incitations se font dans le cadre de conventions avec l’Etat dans le cas d’investissements supérieurs à 200 MDH.
Pour le Maroc, il est essentiel d’avoir un mix énergétique optimisé afin de limiter les impacts qui peuvent découler des fluctuations des prix, estime Fouad Douiri ministre de l’Energie, des Mines, de l’Eau et de l’Environnement.
• Finances News Hebdo : L’AIE prévoit que le gaz jouera un rôle central pour les 25 prochaines années. Au Maroc, cela donnera-t-il lieu à une substitution du charbon par le gaz ?
• Fouad Douiri : Il est vrai que le gaz va jouer un rôle important dans le futur. Ses réserves sont suffisamment importantes à travers le monde et son utilisation a un impact bien plus faible sur l’environnement que les autres combustibles fossiles. En particulier, le gaz non conventionnel, géographiquement plus dispersé que les ressources conventionnelles, représente aujourd’hui près de 15% de la production mondiale de gaz et plusieurs pays évaluent leur potentiel prometteur en ces ressources. L’AIE prévoit effectivement un doublement de la consommation en gaz d’ici 2030, dû notamment au développement de l’utilisation du gaz naturel dans le secteur électrique.
Mais ce qu’il faut aussi retenir pour ce combustible c’est sa flexibilité d’utilisation dans les centrales thermiques ; ces centrales peuvent démarrer et monter en puissance en des temps très courts. Cette caractéristique est extrêmement importante sur des réseaux qui vont contenir de l’électricité de source renouvelable intermittente telle que l’éolien. Aujourd’hui, au Maroc, nous avons des programmes de construction de capacités nouvelles pour la production d’électricité qui sont planifiés sur le court, moyen et long termes et cette programmation est basée sur une diversification et une optimisation des sources qui incluent le charbon et le gaz, que ce soit sur le plan technique, économique ou environnemental.
• F. N. H. : La question de la régulation est à l’ordre du jour, comment sera-t-elle conçue au Maroc ?
• F. D. : Comme vous le savez, environ 50% de l’électricité produit au Maroc viennent du privé. Par ailleurs la loi 13-09 sur les énergies renouvelables a partiellement ouvert le marché de l’électricité de source renouvelable aux gros consommateurs raccordés en HT et THT. Actuellement, une diversité d’acteurs à la fois publics et privés opèrent dans les différentes activités nécessaires pour satisfaire les besoins en électricité du pays. D’autres producteurs privés d’énergies renouvelables ont lancé la réalisation de projets de centrales à partir de ces ressources. La régulation du secteur de l’électricité devient une nécessité, aussi bien dans la production que dans le transport de l’électricité. Une étude a été lancée par le ministère pour la définition d’un schéma national de régulation du secteur électrique adaptable aux spécificités marocaines. Cette étude, qui est en cours de finalisation, a pour objet également d’identifier les besoins en compétences devant accompagner la mise en place de ce schéma. Cette étude devra être étendue au secteur du gaz dont le développement projeté sera favorisé par le recours à un processus de régulation adapté.
• F. N. H. : Voilà deux ans que la Société d’Investissements Energétiques a vu le jour. Prévoit-elle en plus des projets éoliens et solaires, de soutenir des projets gaziers ?
• F. D. : L’objet de la Société d’Investissements Energétiques (SIE) est principalement de participer à tout investissement destiné à permettre une augmentation de la capacité énergétique du pays. C’est le cas de l’éolien et du solaire. Par ailleurs, si demain la SIE est sollicitée pour intervenir dans les moyens de production d’énergie basée sur du gaz, rien ne l’en empêche, si toutefois ses capacités financières le lui permettent et si son intervention s’avère nécessaire.
• F. N. H. : En évoquant cette question des investissements, comment octroyer des incitations aux investisseurs tout en veillant au maintien d’un niveau de prix raisonnables pour les consommateurs ?
• F. D. : Les incitations se font dans le cadre de conventions avec l’Etat dans le cas d’investissements dont les montants sont supérieurs à 200 millions de Dirhams. Cela peut l’être par la mise à disposition d’infrastructures foncières ainsi que par l’octroi d’avantages de financement ou d’exonérations fiscales lesquelles doivent être prévues par une Loi de Finances. Par ailleurs, le ministère de l’Energie, des Mines, de l’Eau et de l’Environnement, en collaboration avec son homologue en charge de l’Industrie, a mis en place une «Offre Energie» qui permet aux investisseurs désirant produire localement des équipements destinés au secteur des Energies Renouvelables (EnR) de bénéficier d’un certain nombre d’incitatifs sous forme d’accompagnement dans la formation ou d’appui qui peut être apporté par le Fonds de Développement Energétique (FDE).
• F. N. H. : Le domaine de l’énergie est un cycle très long que ce soit en terme de stratégie d’investissement ou de régulation. Mais le marché de la matière, lui, fluctue rapidement. Comment le Maroc peut-il concilier ces deux cycles différents ?
• F. D. : Il est vrai que les deux cycles sont différents et il n’y a pas de recette miracle. Le marché énergétique mondial fait face depuis quelques années déjà à la volatilité des prix du pétrole et aux investissements à mobiliser pour continuer à assurer la sécurité d’approvisionnement, avec, en plus, le défi du changement climatique qui s’est imposé comme nouvelle donne façonnant l’ensemble de l’évolution du secteur de l’énergie.
Le Maroc, pays «non producteur d’énergie fossile» (nous produisons de faibles quantités de gaz naturel et de condensats), dépend de près de 95% des importations pour satisfaire ses besoins en énergie. Il fait face aux fluctuations des prix de l’énergie dont vous parlez et, d’un autre côté, il doit mobiliser les investissements nécessaires pour faire face à l’accroissement continu de la demande, tout en veillant à ce que le développement du secteur soit fait de manière durable. Il est donc nécessaire en premier lieu d’avoir un mix énergétique optimisé afin de limiter, autant que cela est possible, les impacts qui peuvent découler des fluctuations des prix.
Il est également important de rappeler ici le renforcement requis des efforts visant la mobilisation des ressources énergétiques locales dont dispose notre pays (l’éolien, le solaire ..) ainsi que la recherche pétrolière.
• F. N. H. : La grande façade atlantique du Maroc devrait abriter un terminal méthanier. Où en est ce projet et qu’en seraient les retombées ?
• F. D. : Le choix de l’emplacement destiné à recevoir un terminal gazier a été fait et ce sera dans la région de Jorf Lasfar. Les retombées socio-économiques sont multiples :
1) il permettra de développer davantage le recours au gaz naturel pour la production de l’électricité, optimisant ainsi l’équilibre avec le recours accru, déjà entamé, aux énergies renouvelables ;
2) il constituera une source d’énergie souple et compétitive pour les industries qui utilisent la chaleur ou des fours dans leur «process»;
3) il apportera des avantages écologiques indéniables par rapport au charbon et aux autres hydrocarbures.
Actuellement, le ministère est en train de finaliser le projet de texte de loi devant régir l’activité gazière au Maroc et donner la visibilité nécessaire aux investisseurs. C’est un projet de texte qui a été partagé avec les opérateurs et consommateurs potentiels.
Dossier répalisé par I. B. & S. E.