Le dessein de diversifier et d’amplifier les relations économiques et commerciales entre le Maroc et la Côte d’Ivoire, principale locomotive de l’Afrique de l’Ouest, est clairement affiché au plus haut niveau. La récente mission de prospection, organisée à Abidjan par Maroc Export au profit de 22 entreprises marocaines évoluant dans l’industrie automobile et la branche du cuir, élargit incontestablement le champ de coopération économique entre les deux pays partenaires.
Après une période difficile marquée par des crises politique et sécuritaire, la Côte d’Ivoire, qui a toujours été le poumon économique de l’Afrique de l’Ouest, a pu promptement consolider son rang de locomotive de la sous-région. Les atouts et les opportunités qu’offre ce pays, qui a enregistré un taux de croissance de 9% en 2014, demeurent nombreux. La récente mission de prospection organisée par Maroc Export à Abidjan, en partenariat avec la Fédération marocaine des industries du cuir (Fedic) et l’Association marocaine pour l’industrie et le commerce de l’Automobile (Amica), témoigne de la volonté des opérateurs marocains évoluant dans les branches du cuir et de l’automobile de ne pas être en marge de ce foyer à forte croissance, qui abrite plus de 25 millions de consommateurs. A ce stade, il convient de noter que la cérémonie plénière organisée dans une salle archi comble en prélude aux rencontres BtoB et aux visites sur site, a été rehaussée par les présences de Mustapha Jebari, Ambassadeur du Maroc en Côte d’Ivoire, Zahra Maafiri, Directrice générale de Maroc Export, N'goan Aka Mathias, maire de la commune de Cocody (Abidjan) et Guillaume Gnamien, Directeur de Cabinet du ministère de l’Industrie et des Mines de la Côte d’Ivoire. «Cette initiative de Maroc Export, qui a pour objectif de consolider le pont des investissements entre la Côte d’Ivoire et le Maroc, démontre de la fluidité des relations de l’axe Rabat-Abidjan», martèle le Directeur de Cabinet du ministère de l’Industrie et des Mines de la Côte d’Ivoire, lors de son allocution. D’ailleurs, cette montée en puissance des relations économiques est confortée par le trend haussier des exportations du Maroc vers son partenaire. Celles-ci se chiffraient à 1,2 Md de DH à fin 2014. Ce qui représente une augmentation de 300% par rapport à l’année 2009. Toutefois, les importations du Maroc en provenance de la Côte d’Ivoire ont une grande marge de progression, puisqu’elles tournaient autour de 88,9 MDH à la même période. Par ailleurs, il est opportun de rappeler que cette mission de prospection, organisée au profit de 22 entreprises évoluant dans l’industrie du cuir et de l’automobile, devrait élargir le champ de coopération économique des deux pays partenaires. Notons que les entreprises marocaines sont particulièrement dynamiques dans des branches structurantes en Côte d’Ivoire (aérien, BTP, banque, NTIC, etc.). L’un des plus importants projets d’aménagement de la capitale ivoirienne (baie de Cocody) sera réalisé par des opérateurs marocains. Par ailleurs, l’autre avantage à mettre au crédit de la cérémonie plénière est qu’elle a permis aux opérateurs de part et d’autre d’être mieux informés des opportunités d’affaires de leur branche d’activité.
La marche vers l’émergence
«La Côte d’Ivoire continue sa marche irréversible vers l’émergence à l’horizon 2020», c’est en ces termes que le vice-président de la Chambre de commerce et d’industrie d’Abidjan a entamé son allocution. Il faut dire qu’à l’horizon 2020, près de 44 Mds d’euros devraient être investis pour accompagner le développement économique du pays. Cet effort d’investissement élargit incontestablement la fenêtre d’opportunités d’affaires pour les opérateurs marocains ambitionnant de tirer leur épingle du jeu sur ce marché, qui connaît l’élargissement de sa classe moyenne, de plus en plus disposée à se procurer des véhicules et des accessoires de mode (chaussures, sacs, vêtements en cuir, etc.). Pour sa part, Zahra Maafiri, Directrice générale de Maroc Export, a rappelé la forte volonté commune des deux pays partenaires de diversifier les échanges commerciaux. «Les secteurs du cuir et de l’automobile sont interpellés pour s’inscrire dans cette dynamique porteuse», clame-t-elle devant les opérateurs ivoiriens, fortement mobilisés pour cette mission de prospection inédite.
Deux secteurs aux reins solides
Concernant le secteur de l’automobile et la branche du cuir, le Royaume a respectivement engrangé une expérience forte d’un demi-siècle d’expertise et près de 12 siècles de savoir-faire. L’industrie automobile, qui existe au Maroc depuis les années 60, est devenue le premier poste des exportations du pays, avec près de 4 milliards d’euros en 2014. Pour leur part, les métiers du cuir, qui jouissent d’un savoir-faire ancestral reconnu par les grandes marques internationales, ont généré une production de près de 3 Mds de DH en 2013. Deuxièmes ténors de l’industrie automobile en Afrique, les équipementiers et industriels marocains constituent aujourd’hui des fournisseurs de premier ordre pour de prestigieux constructeurs (Porsche, Peugeot, Renault, BMW, etc.). Cette aura internationale pourrait leur conférer le rang de partenaire privilégié de la Côte d’Ivoire, qui devrait renouveler son parc de taxis composé de 50.000 véhicules, et ce à partir de 2016, à raison de 10.000 voitures par an. Cette opération d’envergure nationale coûtera la bagatelle de 230 millions d’euros. Cela dit, l’industrie du cuir national n’est pas en reste, comme précisé précédemment. La valeur ajoutée générée, la production et le renforcement du positionnement sur les marchés étrangers, devraient être autrement plus importants avec la mise en place des écosystèmes du secteur du cuir prévu par le Plan d’accélération industrielle (PAI), lancé en 2014. «Nous sommes prêts à accompagner les métiers du cuir en Côte d’Ivoire, notamment le processus de modernisation des tanneries, le renforcement des compétences et du savoir-faire», assure Thami Amraoui, vice-président de la Fedic. A ce stade, il est utile de préciser que les exportations de l’industrie marocaine du cuir vers les pays de l’UEMOA ont particulièrement été dynamiques cette année. Elles se sont chiffrées à plus de 113 MDH à juin 2015 contre 69,8 MDH pour toute l’année de 2014.
Une réalité
contrastée
Les présentations des acteurs-clefs oeuvrant dans la branche industrielle ont permis de donner du relief aux atouts et aux contraintes des secteurs de l’automobile et du cuir du marché ivoirien, qui compte plus de 25 millions de consommateurs. En effet, près de 10.000 véhicules neufs ont été immatriculés en Côte d’Ivoire en 2014 contre 5.000 en 2011. Avec plus de 50.000 voitures importées en 2014, le marché ivoirien de véhicules d’occasion est encore plus dynamique que celui du neuf. Compte tenu de ces chiffres, force est de constater que le marché des véhicules et celui des pièces détachées sont en pleine expansion dans ce pays d’Afrique de l’Ouest. Outre ces précisions, les opérateurs marocains de l’industrie de l’automobile, qui se sont rendus au Centre de visite technique SGS, Sicta, situé dans la ville d’Abidjan, ont été édifiés sur la particularité du marché automobile ivoirien. En effet, depuis quelques décennies, le pays ne dispose plus d’une véritable industrie automobile. A cela, il faudrait ajouter que la branche des pièces détachées se singularise par la prédominance du secteur informel (contrefaçon), qui menace fortement la sécurité des usagers de la route, d’après les responsables du Centre de visite technique SGS, Sicta. Au-delà de la place centrale qu’occupe le Maroc sur l’échiquier de l’industrie automobile internationale, comme en témoignent l’implantation du constructeur Renault et celle de PSA dont la production est prévue pour 2019, il était question pour Abdelaziz Miftah, Directeur général de l’Amica d’exhorter les autorités ivoiriennes à instaurer un cadre réglementaire propice à la lutte contre l’informel et à l’organisation du secteur des pièces détachées. «Nous sommes entièrement prédisposés à partager notre expertise avec nos frères ivoiriens, ce qui se fera par le truchement d’un transfert de technologie et de savoir-faire» insiste-t-il. Par ailleurs, la branche du cuir est à l’image du secteur automobile en Côte d’Ivoire. Celle-ci regorge de plusieurs potentialités hélas inhibées par des dysfonctionnements chroniques.
En effet, avec près de 60 millions de têtes de bovins, le pays dispose d’une matière première suffisante et de bonne qualité. En revanche, le secteur du cuir ivoirien, qui ne compte que 20 entreprises (contre 200 entreprises marocaines évoluant dans la branche de la chaussure), est pénalisé, entre autres, par le manque d’expertise, la faible industrialisation et la prédominance de l’informel. Toutefois, le programme gouvernemental d’insertion des jeunes par les métiers du cuir (construction de tanneries modernes) devra permettre de moderniser un tant soit peu ce secteur potentiellement pourvoyeur de beaucoup d’emplois pour les jeunes. Les opérateurs marocains, notamment les membres du Fedic, qui se sont rendus sur le site de la construction des tanneries destinées aux jeunes, ont été sollicités pour mettre à contribution leur savoir-faire pour la réussite du projet. Une réflexion devrait être menée pour déterminer les modalités de la coopération en la matière.
Point d’orgue
Le temps fort de la cérémonie plénière a été la signature du protocole d’accord de coopération dans le secteur de l’automobile entre Maroc Export, l’Amica, la Commune de Cocody (Abidjan), la Compagnie Africaine de Crédit (CAC) et la Société Ivoirienne de Banque (SIB) (filiale d’Attijariwafa Bank). Ce protocole d’accord permettra aux différentes parties prenantes de mettre en place un instrument de soutien technique et financier destiné aux opérateurs du secteur de l’automobile des deux pays. Il est important de souligner que les domaines de coopération relatifs aux secteurs de l’automobile marocain et ivoirien des pièces de rechange ont trait à plusieurs volets. Il s’agit des échanges d’information et d’expertise, du référencement des exportateurs marocains, du partage des bonnes pratiques, du lobbying, de la préparation de plans d’action et enfin du financement des activités de coopération en vue de répondre aux multiples besoins du parc automobile d’Abidjan. Cela dit, une forte délégation marocaine conduite par Zahra Maafiri, DG de Maroc Export, s’est rendue à la mairie de Cocody pour une visite de travail. L’objectif était de fixer un plan d’actions précis avec le maire de Cocody, N'goan Aka Mathias, et ce afin de passer promptement à l’implémentation du protocole d’accord.
D.N.E.S. en Côte d'Ivoire, Momar Diao