Entretien avec Mikail Houari, président d’Airbus région Afrique et Moyen-Orient
Airbus détient 53% de parts de marché au Moyen-Orient et 57% de parts de marché au niveau international.
Le made in Morocco contribue à tous les segments des produits d’Airbus.
La dernière usine d’Airbus au Maroc a nécessité un investissement total de 60 millions d’euros.
Propos recueillis par Badr Chaou
Finances News Hebdo : Un mot sur l’activité d’Airbus au niveau mondial.
Mikail Houari : Airbus est présente dans plusieurs activités, en l’occurrence sur trois divisions, notamment la partie défense avec les activités spatiales et de transport militaire, la cyber-sécurité, ainsi que le «Border protection». Ajoutons à cela également le segment héli-coptère et militaire civil. Bien évidemment, nous sommes aussi présents sur la partie de l’aviation commerciale.
En termes de parts de marché, nous situons à 53% au niveau mondial et 57% pour ce qui est du marché de la région du Moyen-Orient. Sur la base de ces données, on peut dire que notre activité se porte bien et nous tablons sur de très bonnes perspectives pour les années à venir, au regard également de notre carnet de commandes.
F.N.H. : Par quoi se distingue l’approche d’Airbus ?
M. H. : Notre objectif, bien-sûr, est de vendre nos produits. Airbus est aujourd’hui un grand groupe de par la qualité de ses composantes, parce que tout simplement nous faisons notre maximum pour être en adéquation avec les attentes de nos clients.
A titre d’exemple, sur les avions commerciaux, nous augmentons le panel d’offres que nous proposons à nos clients et donc, nous leur facilitons la décision.
Bien évidemment, c’est une bonne chose pour Airbus, car la viabilité du groupe dépend du volet commercial, mais nous restons en adéquation avec les différents paramètres qui guident la décision d’achat.
Je souligne que nous investissons chaque année 3,2 milliards d’euros en recherche et développement en vue de répondre aux nouveaux défis technologiques ainsi qu’aux nouvelles exigences de nos clients. Car, in fine, dans ce secteur-là, la relation cons-tructeur-client se base essentiellement sur la confiance et la qualité de service.
Nous sommes sur plusieurs domaines tels que le militaire et l’industriel, ou même sur le domaine de l’aviation civile, nous sommes sur des relations et stratégies «long-termistes», nous construisons des relations de confiance sur plusieurs années.
Par exemple, quand nous avons construit notre usine au Maroc, il y a 50 ans ou la toute récente il y a 3 ans, avec 60 millions d’euros d’investissements étalés sur les trois années, c’est pour qu’aujourd’hui chaque avion qui sort de notre ligne de production contienne des pièces made in Morocco. Cela démontre que nous ne sommes pas sur une relation ponctuelle, c’est en cela que s’inscrit l’optique d’Airbus. Pour ce qui est du Maroc toujours, notre seule volonté est de coller au plus proche à sa vision stratégique dans le domaine aéronautique, et celle de Royal Air Maroc également.
F.N.H. : Quels sont aujourd’hui les nouveaux enjeux du secteur aéronautique ?
M. H. : Les nouveaux enjeux auxquels le secteur fait face concernent, entre autres, le facteur climat. Le défi majeur est de réduire les émissions de CO2 et la consommation de fuel.
Il y aussi l’enjeu des évolutions des moyens de transport, un volet dans lequel nous souhaitons être les précurseurs en vue de promouvoir les moyens de transport de demain et être en adéquation avec les nouveaux moyens de mobilité. Autrement dit, c’est d’apporter des réponses concrètes par rapport à nos produits et solutions globales afin de satisfaire les nouveaux besoins des clients.
F.N.H. : Airbus a-t-elle la capacité de répondre aux nouvelles parts de marché qui s’offrent à elle, suite à la crise que traverse Boeing, et qui l’a amenée à annuler plusieurs commandes, notamment dans le transport aérien ?
M. H. : Tout d’abord, je tiens à signaler que chez Airbus, nous ne nous réjouissons pas des difficultés de notre concurrent, car pour nous ce n’est guère une bonne nouvelle. Les drames qui ont eu lieu sont fort regrettables, et ce n’est aucunement une situation satisfaisante, ni pour l’industrie aéronautique dans son ensemble, ni pour les passagers, ni pour les compagnies aériennes.
Nous n’essayons pas de tirer profit des problèmes que subit notre concurrent, et dans tous les cas avec plus de 50% de parts de marché au niveau mondial, il y a à ce jour extrêmement peu de compagnies dans le monde qui sont uniquement avec l’un ou l’autre des constructeurs. Dès qu’elles atteignent un certain seuil de nombre d’appareils et de flottes, la majorité d’entre elles cherchent à se diversifier. Cela n’empêche que nous faisons tout notre possible pour améliorer nos services et accompagner nos clients dans leurs projets de développement. Nous aspirons à toujours faire mieux et relever de nouveaux défis.
F.N.H. : Comment évolue aujourd’hui l’industrie d’Airbus au Maroc, avec tout l’écosystème qui gravite autour ?
M. H. : Au Maroc, nous sommes partis d’une feuille blanche avec une volonté politique bien définie. Nous sommes aujourd’hui dans la continuité de celle-ci, avec l’ouverture de la nouvelle usine qui s’est décidée en 2016, et qui a nécessité un effort d’investissement considérable. Dans ce sillage, les entreprises partenaires et qui représentent l’écosystème, croient en même temps que se développe l’activité d’Airbus. Nous sommes aujourd’hui à plus de 1.000 emplois directs. C’est cela le type de partenariat auquel nous sommes très sensibles et qui démontre à titre d’exemple que le Maroc est définitivement un partenaire important et incontournable pour Airbus.
F.N.H. : Le made in Morocco contribue le plus à quel segment de marché ?
M. H. : Je n’ai pas les chiffres exacts par segment, cependant je peux vous confirmer que le «made in Morocco» contribue à tous les segments d’airbus. Vous avez effectivement toute la gamme des avions civils, mais aussi des avions militaires dont le fleuron d’Airbus la «400M».
F.N.H. : Comment qualifierez-vous la stratégie d’Airbus au Maroc ?
M. H. : Notre stratégie est long-termiste au Maroc. Nous sommes présents ici depuis 50 ans déjà, et notre vision s’étale encore sur de longues prochaines années.
J’étais récemment avec le ministre de l’Industrie, et nous nous sommes réjouis de la présence d’Airbus au Royaume, et nous espèrons tout deux faire durer pour une autre cinquantaine d’années de plus.
Notre souhait est de continuer à accompagner la vision de développement du pays dans le secteur de l’aéronautique avec toutes ses composantes, et de contribuer au développement de la Royal Air Maroc, et d’y être à chaque fois au plus proche.
F.N.H. : Qu’est-ce qui fait que Royal Air Maroc n’a jamais acheté d’avions auprès d’Airbus, malgré l’effort de présence au niveau du Maroc ? A quoi est dû, selon vous, ce blo-cage ?
M. H. : Je ne pense pas qu’il y ait de blocage, et je ne peux me substituer à nos amis de Royal Air Maroc pour répondre à cette question. Je pense simplement, qu’il est tout à fait normal que tant qu’une compagnie aérienne n’atteint pas un certains nombre de «plateformes aériennes», il lui sera difficile d’avoir plusieurs fournisseurs car cela demande des coûts additionnels et des charges supplémentaires. Et ce n’est que lorsque vous arrivez à une taille suffisante qu’il fera complètement sens de ne pas rester avec un seul fournisseur.
Effectivement, Royal Air Maroc a une stratégie et une vision de développement bien définie, notamment vers l’Afrique, et avec beaucoup d’humilité, notre aspiration est d’y participer au plus proche et d’accompagner au maximum cette vision de développement.
Au vu de notre présence dans le pays, de notre attitude et de la gamme de nos produits, ainsi que de la qualité des produits que nous proposons et qui demeure en adéquation avec les nécessités que seront celles de Royal Air Maroc dans le futur, je suis certain que nos chemins se croiseront. Nous fêtions récemment nos 50 ans, et à cet effet, nous avons invité nos amis de la Royal Air Maroc. Non seulement ils se sont dé-placés, mais ils nous ont fait l’honneur de venir nombreux pour fêter avec nous notre présence dans le Royaume.