Inflation ou récession, that’s the question

Inflation ou récession, that’s the question

Depuis l’enclenchement du conflit en Ukraine, les prix des hydrocarbures et des matières premières et alimentaires n’ont cessé de grimper en flèche, et ce partout autour du globe.

 

Par Rachid Achachi, chroniqueur, DG d'Arkhé Consulting

Le Maroc, en tant importateur net d’énergie, n’échappe pas à cette fatalité. Les prix à la pompe frôlent depuis quelques temps les 15 dirhams pour l’essence et les 14 dirhams pour le gasoil. On a même pu assister aujourd’hui à une situation assez rocambolesque avec un prix du gasoil supérieur à celui de l’essence dans certaines stations du Royaume.

L’énergie étant à la base de tout le circuit économique, cette inflation importée finit par se répercuter sur tous les stades de la production, jusqu’au prix final supporté par les consommateurs. Des hydrocarbures jusqu’au secteur de la construction, en passant par l’agroalimentaire, l’inflation n’épargne aucun pan de l’économie marocaine. Si cette dynamique finit par s’installer dans la durée, le résultat immédiat sera une perte nette du pouvoir d’achat et, par conséquent, une contraction importante de la demande globale, de la consommation, mais aussi de l’épargne des Marocains. Cette dernière constituant l’un des principaux leviers de l’investissement, soit directement, soit par la médiation du crédit.

Sommes-nous cependant totalement impuissant face à cette situation ? A en croire le porte-parole du gouvernement, Mustapha Baitas, on pourrait dire que oui. J’exagère à peine. Puisque lors de son dernier communiqué de presse, mis à part les subventions décidées par le gouvernement au profit des secteurs du transport, du tourisme et de l’agroalimentaire qu’il a tout naturellement mis en avant, aucune réduction ne serait-ce que temporaire et partielle des taxes sur les hydrocarbures n’a été mentionnée. 
Pourtant, cela permettrait, comme d’autres pays l’ont fait (Pologne,…) de réduire quasi-immédiatement et significativement les prix à la pompe. Il en va de même pour un plafonnement des marges des distributeurs qui pourrait être envisagée. 

Le ministre délégué a même commis une hérésie économique en affirmant que l’inflation est bonne pour la croissance économique. Chose à quoi nous répondons oui, mais quand elle est le produit d’une dynamique rapide du volume des investissements et de la demande globale, et non quand elle plombe cette dernière et décourage l’investissement. Et puisqu’on est sur un registre spirituel en parlant d’hérésie, nous devons mentionner que Mustapha Baitas a même prié Dieu pour que les prix des hydrocarbures baissent. Après la théorie quantitative de la monnaie, voici donc la théorie spirituelle de la monnaie.

Plaisanterie mise à part, le gouvernement marocain est confronté à un choix cornélien. Soit il décide de soutenir par des subventions certains secteurs (transport, tourisme, …) en laissant le pouvoir d’achat de la majorité des citoyens livré à l’inflation. Là, le risque est de se retrouver assez rapidement confronté à une baisse des recettes fiscales, du fait du recul de la consommation, conjointement à une augmentation des dépenses. Autrement dit, à une aggravation du déficit budgétaire sans pour autant en retirer une quelconque croissance économique. C’est la version économique des soins palliatifs. 

Soit, il fait le choix, dans une perspective keynésienne, d’accepter un creusement du déficit budgétaire, en mettant en place une politique fiscale favorisant une baisse des prix au profit des consommateurs, tout en maintenant une politique de subvention aux secteurs les plus vitaux. Quant à la dimension monétaire, il est vrai, comme l’a évoqué Mustapha Baitas, que ce ne serait pas forcément une bonne idée que de rehausser le taux directeur. Non seulement en raison de la relative inefficacité de la démarche dans un contexte d’inflation importée, mais aussi pour ne pas porter atteinte aux prévisions des agents économiques quant à leurs investissements sur le long terme.

Si, effectivement, dans les deux cas, une aggravation du déficit budgétaire semble être une fatalité, dans le premier scénario, la stabilité sociale et politique du pays ne semble pas faire suffisamment partie de l’équation. Quant au second scénario qui préconise un rôle plus accru de l’Etat dans la fixation des prix sur le marché, y recourir c’est faire le pari politique d’une baisse possible des cours à l’international dans un horizon d’un à deux ans. 

Entre temps, cette approche a le mérite de prétendre préserver la paix et la cohésion sociale, ainsi que la demande globale, qui demeurent la seule rampe de lancement pour une nouvelle dynamique de croissance économique au Maroc. Car oui, les équilibres macro-économiques sont importants, mais il ne pourra jamais être question de sacrifier les classes moyennes et défavorisées sur l’autel de ces sacrosaints équilibres. Comme l’a dit John Maynard Keynes dans sa «Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie» : «Le problème politique de l’humanité consiste à combiner trois choses : l’efficacité économique, la justice sociale et la liberté politique ».

 

 

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