Avec l’entrée en vigueur de la Loi de Finances qui vient d’être votée et l’accélération de l’intégration des établissements publics (EP) dans le système fiscal, des questions restent cependant sans réponses et méritent une clarification fiscale pour éviter toute ambiguïté ou confusion.
En effet, l’imposition de certains établissements publics n’est pas très claire aux yeux de certains opérateurs et analystes qui ne sont pas convaincus de l’application des textes publiés dans le Code général des impôts (CGI). Un sujet qui n’a certes pas fait couler beaucoup d’encre, mais qui reste d’actualité dans un contexte où cette intégration des EP est tantôt expliquée par la neutralité fiscale et concurrentielle de l’impôt, tantôt par l’équité.
La question qui revient en boucle et taraude les esprits, c’est pourquoi imposer un établissement qui réalise pour le compte de l’Etat diverses prestations qui ne font l’objet d’aucune facturation ? Ou, plus précisément, un établissement qui accomplit une mission d’ordre public ou même régalien ? Et dans la même foulée, quels sont les critères de qualification pour distinguer un établissement à caractère administratif d’un autre à caractère industriel ou commercial ?
«Il y a lieu de préciser qu’en matière d’impôt, le critère de l’imposition d’une personne, qu’elle soit privée ou publique, est l’activité lucrative», tient à préciser Driss Bennani de la Direction de contrôle au sein de la DGI. Une distinction est ainsi faite entre les activités de l’assujetti pour déterminer celles qui sont imposables (les activités lucratives) et celles qui ne le sont pas.
S’agissant du régime fiscal applicable aux entreprises et établissements publics, le Code général des impôts n’a soumis à l’impôt sur les sociétés que les établissements publics (EP) qui se livrent à une exploitation ou à des opérations à caractère lucratif (Art. 2-I-2° du CGI). Les EP à caractère administratif n’ayant pas de but lucratif, ne sont pas passibles de l’IS. Et d'ajouter : «Concernant la TVA, en respect du principe de neutralité qui fonde l'impôt sur la dépense, seuls les EP qui effectuent des opérations de nature industrielle, commerciale ou de prestation de services dans des conditions analogues à celles des personnes de droit privé sont soumis à la TVA».
Une affirmation que ne semble pas partager un responsable au sein d’un établissement public qui souhaite garder l’anonymat : «En matière de TVA, l’imposition est axée sur les opérations et non pas sur les personnes».
Service administratif vs industriel ou commercial
Toutefois, force est de constater que la distinction entre activités lucratives et celles qui ne le sont pas est tout de même difficile à opérer. Les exemples d’établissements n’effectuant pas d’activité lucrative en vue de réaliser des bénéfices, mais tout de même assujettis à l’impôt sur les sociétés sont légion. Nous pouvons citer à cet égard, l’INRA, l’Etablissement autonome de coordination et de contrôle des exportations (EACCE), l’Office national de sécurité sanitaire alimentaire (ONSSA)…
Les représentants des établissements publics qui pointent du doigt ce manque de clarté des textes, reviennent également sur la liste qui regroupe l’ensemble des organismes exonérés et qui sert de document de base à la Direction générale des impôts (voir encadré). Une liste qu’ils jugent non-objective et dont les critères de qualification ne sont pas bien définis. Une remarque que rejette en bloc le représentant de la DGI : «Si vous faites allusion à certains offices et agences de droit public qui sont cités dans l’article 6 du Code général des impôts, il s’agit d’établissements exonérés de manière permanente par le législateur pour des raisons qui sont définies dans leurs textes de création. Et ces objectifs concordent souvent avec des critères de finalité sociale, culturelle et de développement sectoriel ou géographique, etc.».
Oui, mais qu’en est-il des autres établissements qui exercent de manière analogue et qui sont toujours rappelés par le fisc pour le paiement de l’impôt ? «Pour éviter ce «deux poids, deux mesures», il faut soit élargir davantage la liste des exonérés, soit bien cerner le cadre de la non-imposition», rétorque le représentant de l’EP. C’est dire que le CGI nous laisse sur notre faim parce que les textes de création ne précisent pas la qualité de l’établissement et son caractère, à savoir administratif ou industriel et commercial.
Interrogé sur le fait que le régime fiscal régissant les établissements publics n’est pas clair dans la mesure où il repose sur le caractère administratif, Driss Bennani, de la Direction de contrôle répond : «Je tiens à vous signaler que la DGI est consciente de certaines insuffisances qui entachent les textes fiscaux. A cet effet, l’administration, et en concertation avec tous les partenaires, est actuellement en plein chantier de relecture du Code général des impôts et de ses textes d’application». «Le leitmotiv étant d’atteindre une meilleure clarification du texte fiscal afin de consolider le climat de confiance entre l’administration et le contribuable, et ce à travers l’intelligibilité du texte fiscal et de sa lisibilité», tient-il à préciser. Et d’ajouter : «La DGI a par ailleurs initié le projet de conformité fiscale volontaire pour les EEP. A ce stade, un ensemble de mesures d’ordres administratifs, organisationnels et méthodologiques ont été prises par la DGI et notamment la Direction du contrôle pour la mise en application de cette démarche». A cet effet, des partenariats sont en cours de constitution entre les administrations de tutelle, les EEP et la DEPP. Le but étant d’assurer un traitement homogène pour tous les établissements publics.
L’autre fait, et pas des moindres à signaler : l’imposition des établissements publics, tels que les agences de bassins hydrauliques (ABH) sur des redevances nuit au principe de la régionalisation. Parce que les recettes prélevées par le fisc sont noyées dans le budget général au lieu qu’elles soient investies dans la région dans laquelle se trouve l’établissement en question. Une chose est sûre : l’imposition des établissements publics à caractère industriel et commercial, en les assimilant à des entreprises privées, s’explique par le fait que le législateur n’a pas voulu fausser le jeu de la concurrence entre entreprises publiques et privées. Mais encore faut-il bien définir le cadre de l’assujettissement des établissements publics, essentiellement en l’absence d’une entité, à l’instar de la CGEM pour les entreprises privées, chargée de défendre leurs intérêts fiscaux. ■
Par S. Es-siari