Hébergements touristiques : vers un classement étoilé pour tous

Hébergements touristiques : vers un classement étoilé pour tous

À l’heure où la haute saison estivale et les grands rendez-vous sportifs se profilent, le Maroc refond ses normes d’hébergement : un classement unifié, des audits mystères et de nouvelles formules d’investissement viennent redessiner le paysage touristique.

 

Par Désy. M.

Longtemps attendus par les acteurs du secteur, les cinq arrêtés d’application de la loi n°80.14 instaurant un système de classement par étoiles pour tous les types d’hébergements ont été officiellement publiés à fin mai 2025. Couvrant hôtels, riads, maisons d’hôtes, résidences touristiques et, très bientôt, les formes alternatives telles que les bivouacs ou les séjours chez l’habitant, cette réforme vient répondre à une exigence de lisibilité et d’harmonisation avec les standards internationaux.

En optant désormais pour ce classement étoilé unifié, le ministère du Tourisme vise à rehausser la valeur touristique du pays. «Finalisée en concertation avec les professionnels du secteur et les différentes parties prenantes, cette refonte a pour but de renforcer la compétitivité du tourisme marocain», a souligné Fatima-Zahra Ammor, ministre du Tourisme, de l’Artisanat et de l’Économie sociale et solidaire. Accompagnée de normes renforcées en matière de sécurité, d’hygiène et de digitalisation, ainsi que du dispositif des Résidences immobilières adossées (RIA), ce nouveau système s’appuie sur près de 800 indicateurs centrés sur l’expérience client. En effet, les établissements seront soumis à des audits formalisés complétés par des visites mystères, renouvelant leur évaluation tous les cinq à sept ans selon leur catégorie et ancienneté.

Zouhir Bouhout, expert en tourisme, souligne que «la réforme apporte une lisibilité accrue pour le touriste et une harmonisation avec les standards mondiaux, répondant à une attente des opérateurs désireux de voir leurs efforts qualitatifs reconnus et comparables à ceux des grandes destinations mondiales». Et d’ajouter que «l’inclusion des riads, kasbahs, maisons d’hôtes et résidences touristiques dans le classement étoilé valorise l’hospitalité authentique marocaine. Elle permet aux visiteurs de placer leur confiance dans des standards clairs, et aux opérateurs d’y trouver un levier de différenciation dans un marché de plus en plus concurrentiel».

Néanmoins, ce virage qualitatif suppose un effort considérable d’adaptation pour une large partie des acteurs locaux. «Si les chaînes internationales disposent déjà de procédures internes alignées sur ces exigences, de nombreux hôtels indépendants, maisons d’hôtes ou établissements à gestion familiale devront mobiliser des ressources humaines et financières importantes pour répondre aux nouvelles normes. Le délai de 24 mois proposé est salutaire, mais il pourrait ne pas suffire à combler les disparités existantes», relève l’expert.

Abondant dans le même sens, un opérateur du secteur ayant requis l’anonymat atteste que «ce sont des mesures qui visent à relever le niveau des structures hôtelières. La problématique se situe au niveau de leur déploiement sur le terrain. Les grands établissements ont les moyens de se conformer, mais les petites et moyennes structures auront besoin d’un accompagnement, notamment en matière d’investissement et de formation du capital humain». En ce qui concerne les RIA, Bouhout tempère : «C’est une innovation intéressante, notamment pour le tourisme haut de gamme. Elle attire potentiellement de nouveaux investisseurs, mais son impact réel dépendra d’une stratégie de promotion ciblée à l’international».

Pour ce qui est de l’encadrement de l’hébergement alternatif, l’expert pense que «cette mesure devra être appuyée par un processus d’enregistrement et de contrôle rigoureux». Précisant que «pour garantir l’efficacité du nouveau système, il faudra assurer l’objectivité des évaluations, la régularité des contrôles, et surtout une communication claire auprès des clients. Sans cela, le risque est grand de reproduire les déséquilibres passés, où le classement ne reflétait pas la qualité réelle de l’offre, sapant la confiance des consommateurs».

De ce fait, la concrétaisation de cette ambition réglementaire repose sur des mesures d’accompagnement fiables et ciblées. Notamment la mise en place de formations en management hôtelier, hospitalité, digitalisation et qualité, en partenariat avec les écoles spécialisées, fédérations et offices régionaux du tourisme. Parallèlement, des lignes de crédit dédiées et des incitations fiscales temporaires devront permettre aux petites structures de financer les travaux, les équipements et la transformation numérique. Des mesures d’accompagnement spécifiques seront également bénéfiques dans les zones rurales, où l’hébergement touristique peut constituer un levier de développement local.

Opportunités économiques

L’application de ces arrêtés pourrait engendrer des retombées économiques significatives. D’abord, une meilleure lisibilité de l’offre pour mieux positionner le Maroc sur les marchés émetteurs, en ligne avec l’objectif de 26 millions de touristes d’ici 2030. Ensuite, une mobilisation accrue des investissements, notamment dans le haut de gamme grâce au dispositif RIA. De plus, la structuration de l’hébergement alternatif contribuera à élargir la base contributive (taxes, assurances), par l’intégration à terme des opérateurs informels dans le circuit légal, et proposera aux voyageurs des expériences authentiques, tout en veillant à la sécurité et à la qualité.

Et la reconnaissance des riads et kasbahs permettra aussi d’orienter des financements vers la préservation du patrimoine, stimulant ainsi l’économie locale. Enfin, la montée en gamme et la digitalisation du secteur créeront des opportunités de formation et d’emploi, notamment pour les jeunes et la maind’œuvre saisonnière. Notons qu’à l’approche des grands rendez-vous touristiques et sportifs que connaitra le Maroc, la réussite de cette réforme dépendra de la capacité collective (public-privé) à accompagner ce changement avec rigueur, pédagogie et soutien ciblé. 

 

 

 

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