La guerre en Ukraine n’est pas le seul vecteur de la hausse des prix de l’huile de table à l’échelle nationale et internationale.
Face à la volatilité des marchés mondiaux des oléagineux, la question de l’autonomie en huiles et protéines végétales au Maroc reste un enjeu de taille.
Par M. Diao
Les causes de l’augmentation sensible de l’huile de table ne datent pas d’aujourd’hui. En effet, les marchés mondial et national subissent depuis plusieurs mois les effets d’une hausse spectaculaire des prix des matières premières. Les causes de ce renchérissement se sont en effet succédé depuis le déclenchement de la crise sanitaire du Covid-19 en 2020, couplée à la sécheresse qui a impacté les grandes régions productrices des matières premières dans le monde. Ainsi, des causes structurelles et conjoncturelles, d’ordre mondial, ont fait que les cours des différents instants partent à la hausse. Les coûts logistiques, la hausse du cours du baril de pétrole et la baisse de la production ont été des accélérateurs de la flambée des cours.
«En 2021, la production européenne n’a pas dépassé 17 millions de tonnes pour le colza, et celle d’autres oléagineux (tournesol, soja, pois) 30 millions de tonnes. Ce qui est bien loin des rendements espérés pour satisfaire les besoins des fabricants de biocarburants et d’huiles alimentaires et des triturateurs», confie un opérateur du secteur qui préfère garder l’anonymat.
La conjoncture délicate décrite plus haut a été accentuée en 2022 avec le déclenchement de la guerre en Ukraine, car le pays est le principal producteur européen d’huile de tournesol. «Ces effets se sont donc naturellement fait sentir sur le marché national, qui reste fortement dépendant de l’importation. Ceci dit, les acteurs du marché ont tenté tant bien que mal de repousser au maximum la répercussion de cette hausse sur le prix de vente des huiles de table, dans l’objectif de préserver le pouvoir d’achat du consommateur final», rappelle notre source. A la question de savoir si la hausse des prix n’est pas une menace pour la demande de l’huile de table au Maroc, notre interlocuteur répond par la négative.
«Au Maroc, la consommation d’huile végétale affiche un niveau sans cesse croissant depuis une décennie. Le Royaume a acheté entre 2020 et 2021, 600.000 tonnes d’huile de soja sur le marché international, ce qui en fait le 7ème importateur mondial d’après le Département américain de l’agriculture (USDA)», explique-t-il. Et d’ajouter : «Cette demande s’est justement accentuée avec la crise sanitaire, mais aussi le confinement et elle continue de croître aujourd’hui».
Néanmoins, les tensions inflationnistes pèsent toujours sur le panier du consommateur marocain. Raison pour laquelle le gouvernement marocain a lancé une batterie d’actions pour réduire cet impact, comme la suppression des droits de douane sur les huiles brutes importées. La posture des industriels Dans un contexte difficile marqué par la perte du pouvoir d’achat des ménages, la flambée des prix des matières premières et des produits alimentaires ainsi que les difficultés d’approvisionnement, bon nombre d’industriels ont été proactifs et réactifs face aux perturbations observées sur le marché mondial.
«Nos cellules de veille en approvisionnement ont ainsi pris les mesures adéquates pour limiter l’impact des crises internationales successives sur notre activité industrielle. Notre devoir citoyen d’entreprise leader dans l’industrie nationale des huiles est d’assurer et de maintenir l’approvisionnement du Royaume en huiles de table», confie un industriel de référence à l’échelle nationale. «Notre groupe demeure engagé à travers plusieurs actions réelles en termes d’approvisionnement et qui donnent leurs fruits, puisqu’il n’y a jamais eu de rupture de stocks sur le marché. Dans un contexte international qui subit de fortes perturbations, nous tentons de sécuriser également les défenses alternatives disponibles sur le marché mondial, afin de minimiser au mieux l’impact de cette conjoncture délicate sur nos clients, mais aussi sur le consommateur marocain», ajoute- t-il.
Les principaux enjeux liés à l’amont et l’aval de la filière oléicole du Maroc La hausse des prix des produits oléagineux amorcée fin 2020 a démontré l’importance de développer la production nationale d’oléagineux pour réduire la dépendance du Maroc aux importations et améliorer l’autonomie alimentaire. Ces ambitions sont portées par l’interprofession marocaine (Folea) et soutenues par le programme Maghreb oléagineux, cofinancé par l’Union européenne et Terres Univia, qui accompagne les agriculteurs marocains souhaitant développer les cultures du colza et du tournesol.
«Avec des besoins moyens de 1.080.000 tonnes de tourteaux et 756.000 tonnes d’huiles de graines majoritairement satisfaits par des importations, le Maroc a été lourdement impacté par la hausse des prix. Face à la volatilité des marchés mondiaux des oléagineux, la question de l’autonomie en huiles et protéines végétales au Maroc représente un enjeu de taille», fait savoir notre source. A noter que le développement des filières nationales de colza et de tournesol permet de réduire la dépendance aux importations, d’améliorer l’équilibre de la balance commerciale et de renforcer l’activité économique, notamment dans les zones rurales du pays. En outre, développer une production nationale permettrait de réduire l’impact sur le budget de ménages marocains. Pour rappel, comparé au mois de juin 2021, l’indice des prix à la consommation (IPC) a enregistré une hausse de 7,2% au cours du mois de juin 2022.
Cette poussée inflationniste est la résultante de la hausse de l’indice des produits alimentaires de 10,6% et de celui des produits non alimentaires de 4,9%. D’après le haut commissariat au Plan (HCP), les hausses de l’indice des produits alimentaires observées entre mai et juin 2022 concernent principalement, entre autres, les «huiles et graisses» avec 2,7%, sachant que l’indice des prix à la consommation a connu, au cours du mois de juin 2022, une hausse de 0,5% par rapport au mois précédent.