Grand Casablanca: une crise urbaine profonde qui appelle à la réflexion

Grand Casablanca: une crise urbaine profonde qui appelle à la réflexion

Les 35 plans d'urbanisme produits depuis les années 80 n’ont pas donné les effets escomptés.

Un certain nombre d'infrastructures stratégiques, comme le port et l’aéroport, sont affectées par l'urbanisation.

 

Par C. Jaidani

Casablanca, le plus grand pôle démographique et économique du Royaume, englobe environ 70% des échanges commerciaux nationaux, abrite 69% des grandes entreprises et représente 63% des dépôts bancaires et des prêts. La ville a réalisé d'importants progrès au cours des deux dernières décennies, et ce à plusieurs niveaux. Cependant, de nombreuses problématiques principalement liées à sa gouvernance impactent profondément son développement. Elle est victime en particulier des stratégies adoptées, notamment en matière d’urbanisme.

«L'Agence urbaine de Casablanca, créée au milieu des années 80, a été la première expérience en la matière dans le Royaume. Elle a produit plus de 35 plans d'urbanisme qui ont abouti à la situation catastrophique actuelle, qui aurait pu être évitée sans cette institution. En effet, une vue aérienne de la ville et de ses environs révèle l’ampleur du problème. Cette image suffit pour conclure que la ville n'a jamais connu de planification urbaine au préalable, et que le développement est dicté par des actions plutôt que par une planification. Quant aux agglomérations urbaines environnantes (Tit Mellil ou Mediouna, par exemple), nous ne savons pas s'il s'agit d'un village, d'une ville ou d'une zone industrielle; tout est mélangé. Des routes délabrées, des agglomérations humaines informelles avec des exploitations agricoles et des unités industrielles de différentes tailles, où le rural et l'urbain se confondent», déplore Driss Effina, économiste et professeur universitaire spécialisé dans l’urbanisme.

A cause de la bureaucratie, le manque de vision et l’attachement stricte aux textes de loi, l’Agence urbaine de Casablanca a rejeté au cours des cinq dernières années plus de 80% des projets d’investissement, privant l’économie nationale de milliers d’emplois et de recettes fiscales importantes. «Casablanca est le plus grand pôle industriel national. Cependant, une vue aérienne montre que plus de 60% des unités industrielles sont dispersées de manière aléatoire en dehors des zones industrielles, à l'intérieur et aux environs de la ville. Cela confirme l'absence totale de tout plan pour les zones industrielles. Les opérateurs du secteur sont contraints de chercher une implantation n'importe où, ce qui est un modèle unique au niveau mondial. Comment l'industrie va-t-elle se développer dans la ville ? Comment créer un pôle urbain mondial et attirer les investissements étrangers dans cette situation précaire qui nous interpelle tous ?», s’interroge Effina.

«Un certain nombre d'infrastructures stratégiques sont affectées par l'urbanisation, affaiblissant ainsi leur rôle dans le développement. Il s'agit du port et de l'aéroport international de Casablanca, sans parler des rares zones industrielles qui sont maintenant entourées de zones résidentielles», ajoute-t-il. Il faut noter aussi que la ville n'a toujours pas réussi à se débarrasser des bidonvilles anciens. Elle n'a pas réussi à résoudre la crise du transport urbain non plus. Le problème est devenu presque insoluble malgré les importants investissements réalisés par l'État. Cette crise a un impact considérable sur les performances économiques de la ville, qui aspire à être mondialement reconnue.

«La situation que connaît la ville entrave son développement, voire celui du pays dans son ensemble. Les plans d'urbanisme n'ont pas donné les résultats escomptés, mais ont plutôt engendré une ville entravée sur le plan de l'urbanisme, une ville qui a du mal à être compétitive à l'échelle mondiale. Dans ce contexte, il est essentiel de s'interroger sur les nouveaux rôles de l'Agence urbaine de Casablanca, du wali et des différentes institutions de la ville, ainsi que sur l'efficacité des outils d'urbanisme utilisés et la qualité de cette planification», conclut Effina.

 

 

 

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