Feuille de route pour l’emploi : Anapec, TPME, régionalisation…, une relance ciblée

Feuille de route pour l’emploi : Anapec, TPME, régionalisation…, une relance ciblée

Cette feuille de route vise à redonner un souffle au marché du travail en réorientant les ressources publiques vers des secteurs stratégiques.

 

Par Désy M.

Face à un taux de chômage atteignant 13,3% en 2024, un niveau inédit depuis la fin des années 1990, le gouvernement déploie une nouvelle feuille de route pour l’emploi. Dotée d’un budget exceptionnel de 14 milliards de dirhams, cette stratégie s’articule autour de trois axes majeurs : le soutien à l’investissement, la restructuration des programmes d’emploi et la dynamisation du marché du travail en milieu rural.

Annoncée en marge du récent Conseil de gouvernement, cette feuille de route vient compléter les mesures déjà mises en place dans le cadre de la Loi de Finances 2025, qui prévoit une réorientation des ressources publiques vers des secteurs à fort potentiel d’emplois. Elle s’inscrit également dans un contexte d’incertitudes économiques marquées par les répercussions de la crise mondiale sur le pouvoir d’achat des ménages et la compétitivité des entreprises marocaines. L’emploi figure désormais au cœur des priorités économiques du gouvernement, qui entend répondre à une crise marquée par l’augmentation du chômage et l’inadéquation entre formation et marché du travail. Younes Sekkouri, ministre de l’Inclusion économique, de la Petite entreprise, de l’Emploi et des Compétences, a affirmé que «cette feuille de route vise à redonner un souffle au marché du travail marocain en réorientant les ressources publiques vers des secteurs stratégiques».

Cette réalité est très présente chez les jeunes et en milieu rural. Selon le haut-commissariat au Plan (HCP), le taux de chômage chez les jeunes âgés de 15 à 24 ans dépasse les 35%, avec des écarts significatifs entre les zones urbaines et rurales. Le secteur agricole, durement affecté par sept années de sécheresse, est l’un des principaux bénéficiaires de cette nouvelle politique. En 2023, plus de 200.000 emplois ont été détruits dans ce secteur, accentuant la précarité des travailleurs ruraux.   Le gouvernement prévoit donc un soutien renforcé aux petits agriculteurs, dont la situation financière s’est dégradée. «L’objectif est de stabiliser les emplois existants et de stimuler la productivité agricole par le biais de subventions ciblées et d’un accompagnement technique», explique Hassan Edman, professeur d’économie et gestion à la Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales.

Réforme de l’Anapec et soutien aux TPME

L’autre pilier de la réforme concerne la restructuration de l’Anapec. L’agence nationale de promotion de l'emploi et des compétences va élargir son champ d’action pour inclure les travailleurs non qualifiés et favoriser leur insertion professionnelle à travers des formations adaptées aux besoins du marché. Cette refonte vise à corriger l’un des principaux déséquilibres du marché du travail marocain : l’inadéquation entre la formation et l’offre d’emplois.

Le gouvernement prévoit également un soutien accru aux très petites, petites et moyennes entreprises (TPME), qui représentent 91% de l’emploi formel. La réforme de la Charte de l’investissement, adoptée en 2023, a déjà introduit de nouveaux mécanismes d’incitation pour le secteur privé. Désormais, l’État souhaite renforcer les dispositifs d’accompagnement, notamment à travers des garanties de financement et des avantages fiscaux pour les entreprises créant des emplois pérennes.

Encore des défis à surmonter

Si cette feuille de route marque une avancée importante, elle ne constitue qu’une réponse conjoncturelle à la crise de l’emploi. Pour les experts, la problématique du chômage au Maroc est avant tout structurelle et nécessite une réforme en profondeur du modèle de croissance. D’après les analyses du HCP, entre 30% et 40% des chômeurs sont des diplômés de l’enseignement supérieur, ce qui traduit une faible adéquation entre formation et demande du marché. Par ailleurs, l’informel emploie près de 70% de la main-d’œuvre, une réalité qui freine l’impact des mesures gouvernementales. «L’un des principaux défis réside dans l’élargissement de la profondeur du marché du travail. Pour absorber davantage de travailleurs, l’économie marocaine doit générer une croissance soutenue, dépassant le seuil des 4% annuels actuels pour atteindre les 6% à 7% nécessaires à une création d’emplois durable», précise Hassan Edman.

L’urgence d’une régionalisation économique pour l’emploi

Casablanca, Rabat, Tanger et Marrakech concentrent l’essentiel de l’activité économique, mais peinent à générer une croissance suffisante pour dynamiser l’emploi. En revanche, des régions comme Souss-Massa et TangerTétouan-Al Hoceima émergent comme de nouveaux moteurs économiques grâce au tourisme et à l’industrialisation. Pour le gouvernement, l’accélération de la régionalisation avancée apparaît comme une solution incontournable. En favorisant l’investissement dans des régions à fort potentiel de développement, le Maroc pourrait mieux répartir la création d’emplois et renforcer l’intégration des jeunes et des travailleurs non qualifiés dans le marché du travail.

À ce titre, la mise en œuvre effective du Fonds Mohammed VI pour l’Investissement pourrait jouer un rôle déterminant en orientant les capitaux vers des projets à forte intensité de maind’œuvre dans les régions les moins développées. Selon Edman, l’efficacité de cette stratégie dépendra de sa mise en œuvre et de la coordination entre les différents acteurs économiques et institutionnels.

«Le gouvernement doit encore préciser les modalités de soutien aux TPME et détailler les réformes de l’Anapec, tandis que le secteur privé est appelé à jouer un rôle plus actif dans la relance de l’emploi», note-t-il. Il soulève par ailleurs la question de la flexibilité du marché du travail et des rigidités réglementaires qui restent un enjeu central. «Les discussions autour d’une réforme du Code du travail, visant notamment à assouplir les conditions d’embauche et de licenciement, seront suivies de près par les entreprises et les syndicats», prévient-il. Si cette feuille de route marque une avancée dans la lutte contre le chômage, elle ne pourra atteindre pleinement ses objectifs qu’à travers une transformation structurelle de l’économie marocaine, alliant innovation, attractivité des investissements et accélération de la régionalisation. 

 

 

 

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