Le Maroc ne dispose pas de cadre juridique spécifique aux étrangers.
Éclairage avec Me Saïd Naoui, avocat au Barreau de Casablanca et doctorant en Droit, sur le cadre juridique des employés étrangers au Maroc.-Finances News Hebdo : Aujourd’hui, de plus en plus d’étrangers choisissent le Maroc, non pas pour y passer leurs vacances, mais plutôt pour y travailler. Quel est le cadre juridique qui régit l’emploi des étranges au Maroc?
-Saïd Naoui : Il n’y a pas de cadre juridique spécifique aux étrangers puisque la loi qui régit les relations de travail pour les Marocains est la même qui régit le travail des étrangers au Maroc. En l’occurrence, la loi n° 65-99 formant le Code du travail. Ainsi, tout employeur désireux de recruter un salarié étranger doit obtenir une autorisation de l’autorité gouvernementale chargée du travail. Cette autorisation est accordée sous forme de visa apposé sur le contrat de travail. La date du visa est la date à laquelle le contrat de travail prend effet. Ce visa offre à son titulaire le droit de travailler et de s’installer à terme durablement sur le territoire marocain sous certaines conditions.
La modification du contrat (salaire, conditions de travail et surtout modification de la durée du contrat, démission, résiliation, licenciement ou encore changement d’employeur), est également soumise au même visa. Ce contrat doit être conforme au modèle fixé par l’autorité concernée, le ministère de l’Emploi, et doit stipuler qu’en cas de refus de l’octroi de l’autorisation, l’employeur s’engage à prendre en charge les frais du retour du salarié étranger dans son pays d’origine ou dans le pays où il résidait. Tout en respectant les dispositions des conventions internationales multilatérales ou bilatérales relatives à l’emploi de l’étranger ou des salariés étrangers au Maroc, bien évidemment. Soulignons aussi que l’autorisation peut être retirée à tout moment par l’autorité gouvernementale chargée du travail.
-F.N.H : Cette réglementation est-elle adaptée à la mobilité entre différents pays et, surtout, à l’attrait que représente le Maroc pour certains pays riverains ?
-S. N. : Dans une certaine mesure, on peut dire que la loi est bonne, mais son application laisse à désirer. En effet, cette réglementation est inspirée intégralement de celle qui est en vigueur en France. Elle est bien adaptée à son contexte, à sa stabilité, à son développement confirmé et à ses besoins économiques bien précis.
-F.N.H : Pour ce qui est de la fiscalité, ne serait-il pas dans l’intérêt de l’Etat marocain d’assouplir cette réglementation pour dissuader les employeurs d’opter pour le travail au noir ?
-S. N. : Oui, c’est un phénomène qui préoccupe certainement les pouvoirs publics, mais je pense que l’Etat marocain adopte les mêmes dispositions qu’admettent d’autres pays. Chaque pays pratique ces dispositions selon son besoin ou selon une stratégie précise. Par ailleurs, si l’employeur a de mauvaises intentions, il ne va pas déclarer ses employés étrangers, même si l’Etat assouplit la réglementation. Et ce, dans l’intention de frauder.
-F.N.H : A votre avis, l’article 516 du code du travail est-il respecté par les employeurs marocains ?
-S. N. : Dans le même contexte, le code du travail dispose de sanctions à l’encontre des employeurs qui ne respectent pas ses dispositions. L’outil juridique existe, mais parfois les employeurs échappent à ces dispositions pour une raison ou pour une autre.
-F.N.H : Que prévoit la loi en cas d’irrégularité, tant pour l’employeur que pour l’employé «irrégulier» ?
-S. N. : Cette irrégularité est constatée par un inspecteur du travail qui est seul habilité à le faire l’employeur est tenu de procéder à l’obtention du visa qui l’autorise à employer un étranger avant de mettre en œuvre le contrat du travail qui le lie avec ce salarié. Faute d’obtenir cette autorisation, l’employeur prend le risque d’être sanctionné. Le code du travail prévoit des sanctions pécuniaires contre celui qui enfreint ces dispositions. Ainsi, tout employeur qui n’a pas obtenu l’autorisation ou qui a employé un salarié étranger dépourvu de ladite autorisation, ou qui emploie un salarié étranger dont le contrat n’est pas conforme au modèle fixé par l’autorité gouvernementale chargée du travail, sera puni d’une amende de 2.000 à 5.000 dirhams. En effet, il est interdit d’engager un étranger non muni d’une autorisation de travail sur le territoire du Royaume.
Ainsi, pour exercer une activité salariée, les étrangers doivent au préalable y être autorisés par l’autorité gouvernementale chargée du travail. Par ailleurs, certains étrangers peuvent bénéficier de l’accès à l’emploi sans que leur soit opposée la situation de l’emploi en raison de la spécificité de leur activité ou de leur situation personnelle. Il s’agit des cadres supérieurs d’entreprise, des stagiaires professionnels.
De même, pour les ressortissants de pays, comme le Sénégal, avec lesquels le Maroc a signé des conventions d’établissement. L’article 5 de la convention d'établissement, signée à Dakar le
27 mars 1964 entre le Sénégal et le Maroc, dispose : «Les nationaux de chacune des parties contractantes bénéficieront sur le territoire de l'autre partie de la législation du travail, des lois sociales et de la sécurité sociale dans les mêmes conditions que les nationaux de cette partie». C’est-à-dire que les Marocains n’ont pas besoin d’un visa de l’autorité gouvernementale sénégalaise chargée du travail pour travailler sur le sol sénégalais et, inversement, les Sénégalais sont exemptés d’un tel visa s’ils veulent travailler au Maroc.
Dossier réalisé par Wafaa Mellouk & Lamiae Boumahrou