Par M. Diao
Les politiques sont conscients du fait que l’observation de la discipline budgétaire ainsi que le maintien des équilibres macroéconomiques constituent un gage de bonne gestion. D’ailleurs, au Maroc, la tradition veut que les chefs de gouvernement dévoilent un certain nombre d’objectifs chiffrés lors de la présentation de leur déclaration de politique générale au Parlement (croissance, déficit budgétaire, dette, etc.). S’il ne fait aucun doute que le gouvernement sortant dirigé par El Otmani n’a pas brillé par sa capacité à doper la croissance ou à assainir les comptes publics (www.fnh.ma), ce qui interpelle davantage, c’est l’inflation exponentielle de la dette publique globale et plus précisément la dette publique extérieure au cours des dernières années.
Or, les économistes ne cessent d’alerter et de rappeler qu’en cas de brusque dépréciation de la monnaie nationale, la dette extérieure en devises (y compris la dette liée à une monnaie étrangère) peut exercer des effets de richesse et de liquidité importants sur l’économie nationale. A titre illustratif, dans le cas où la dette publique est payable en devises, une dévaluation de la monnaie nationale risque d’impacter négativement les finances du secteur public. Une situation qui incite les autorités compétentes à éviter un ajustement de taux de change pourtant nécessaire.
L’alternative face à l’insuffisance des recettes fiscales ?
Le haut-commissariat au Plan (HCP), dans son Budget économique exploratoire 2022 (BEE), révèle que le taux d’endettement global de 92,2% du PIB en 2020 devrait passer à 92,7% du PIB en 2021 avant de culminer à 93,9% du PIB en 2022. Notons que le taux d’endettement global (avant la crise) tournait autour de 80,3% en 2019. C’est dire l’alourdissement substantiel de cette variable depuis 2019 même s’il faut préciser que cette donne n’est pas propre au Maroc.
Toutefois, mentionnons qu’au cours des cinq dernières années, aucune réforme fiscale majeure de nature à élargir l’assiette fiscale et renforcer les recettes publiques n’a vu le jour. En se référant à la Loi des Finances 2021, l’on constate que le taux d’autosuffisance fiscale tourne autour de 53 à 54%. Cette donne structurelle liée au faible taux d’autosuffisance fiscale explique en partie la centralité de l’endettement pour les finances publiques. Sachant que la gestion des emprunts extérieurs se caractérise par sa complexité, à laquelle s’ajoutent des risques pour bon nombre d’indicateurs macroéconomiques.
Un fardeau pour l’heure en attendant l’innovation
Dans le contexte actuel, Ahmed Lahlimi Alami, haut-commissaire au Plan (HCP), n’a pas manqué de rappeler en substance que : «L’endettement des Etats est le lot aujourd’hui de tous les pays. Le nôtre reste…à des niveaux encore gérables. Des solutions sont possibles pour en réduire le poids sur notre potentiel de croissance ou tout au moins d’en innover, dans ce sens, le mode de gestion….». En attendant que l’innovation prenne le dessus en matière de gestion de la dette publique, l’on note une hausse progressive de l’endettement public extérieur. D’après les chiffres officiels, à fin 2019, l’encours de la dette extérieure publique s’est établi à 339,9 Mds DH (soit 29,5% du PIB). Ce qui marque une hausse de 13,3 milliards de DH ou 4,1% par rapport à fin 2018.
Selon le ministère des Finances, l'encours de la dette publique extérieure a atteint, en 2020, 374,3 Mds de DH. Cela représente une progression de l’ordre de 34,4 Mds de DH par rapport à 2019. En pourcentage, l'encours de la dette publique extérieure est passé de 29,5% du PIB en 2019 à 34,9% en 2020. Manifestement, l’Exécutif a fait le choix de privilégier l’emprunt extérieur au détriment de la dette intérieure. Rappelons que théoriquement, les emprunts extérieurs du secteur public sont destinés exclusivement aux projets inscrits dans le budget général, aux réformes et au soutien de l’effort d’investissement des établissements et entreprises publics et collectivités territoriales. A l’évidence, notons que l’alourdissement de l’endettement public extérieur n’est pas sans conséquences sur les finances publiques. Pour preuve, le total du service de la dette extérieure se chiffre à 41,4 Mds de DH en 2020, soit 9,3% des recettes courantes (contre 6,8% des recettes courantes en 2016).