A l’heure où l’économie mondiale tourne au ralenti, engluée dans des guerres commerciales et les tensions géopolitiques, le Maroc, lui, avance. Discrètement. L’économie nationale trace en effet son chemin, non sans soubresauts, mais avec une constance qui force l’attention. Avec une croissance attendue de 4,4% en 2025, puis de 4% en 2026, selon les projections du haut-commissariat au Plan, le Royaume fait donc mieux que résister, avec en toile de fond le redressement de l’activité agricole.
Après plusieurs campagnes marquées par la sécheresse, les précipitations du printemps dernier ont reverdi les espoirs. La production céréalière bondit, l’élevage reprend des couleurs et les cultures printanières retrouvent leur éclat. Le secteur agricole devrait ainsi croître de 4,7% en 2025, avant de ralentir un peu l’année suivante. Ce n’est pas encore le grand retour de la prospérité rurale, mais c’est un pas dans le bon sens.
Les activités non agricoles, quant à elles, poursuivent leur belle dynamique. Industrie chimique tirée par les engrais phosphatés, BTP soutenu par les chantiers d’infrastructure liés à la CAN 2025 et au Mondial 2030, tourisme porté par une fréquentation en hausse et des politiques de promotion plus agressives… : le tissu économique marocain prouve qu’il a de la ressource. Et pourtant, tout n’est pas si rose. L’appétit de croissance génère une hausse des importations. Le déficit commercial se creuse, flirtant avec les 20% du PIB.
Le déficit courant suit la même pente. L’économie marocaine consomme plus qu’elle ne produit, et le succès des exportations, notamment d’engrais, ne suffit donc pas à compenser le volume des achats extérieurs. La demande intérieure, quant à elle, reste robuste.
Portée par la revalorisation salariale, les aides sociales et la vigueur de la consommation des ménages, elle demeure le véritable moteur de la croissance. L’investissement public et privé affiche un bon cru, mais derrière cette vitalité, une problématique persiste : celle du rendement. Car l’investissement, aussi massif soit-il, reste peu productif. L’ICOR, cet indicateur qui mesure l'efficacité de l'investissement, demeure bien trop élevé, s’élevant à 6,1 sur la période 2000-2009, avant de se dégrader significativement pour atteindre 12,5 entre 2010 et 2019 et 11,8 entre 2010 et 2023. Et sur le front de l’emploi, le constat est tout aussi préoccupant.
Le Maroc peine à traduire sa croissance en création massive d’emplois. Sur la période 2000-2009, chaque point de croissance générait en moyenne 30.000 emplois nets. Mais entre 2010 et 2019, ce ratio a chuté à environ 20.000.
Pire encore, malgré la reprise économique enregistrée entre 2021 et 2024 (avec un taux de croissance moyen de 4,4%), la création nette d’emplois est restée insuffisante pour compenser les pertes enregistrées lors de la crise sanitaire de 2020. Cette année-là, l’économie marocaine a perdu plus de 432.000 postes.
Depuis, les créations d’emplois ne parviennent pas à combler ce déficit. Cette faiblesse structurelle interroge profondément la nature même du modèle de croissance national et révèle un tissu productif encore peu intensif en emploi.
Bref, l’économie marocaine avance, mais elle le fait encore à cloche-pied. Elle croît, mais ne décolle pas. Elle investit, mais sans toujours produire mieux. Elle consomme, mais importe beaucoup. Elle crée de la valeur, mais sans suffisamment d’emplois. Autrement dit, la croissance continue de nourrir l’espoir, sans pour autant toujours tenir ses promesses.
Par F.Z Ouriaghli