Par B. Chaou
54,3% ! C’est le pourcentage de la population active marocaine qui n’a aucun diplôme en 2020, selon les derniers chiffres du haut-commissariat au Plan (HCP). La même source indique aussi que seulement 30,5% ont un diplôme de niveau moyen et 15,2% un diplôme de niveau supérieur. Des chiffres qui laisseraient croire que les travailleurs marocains sont très faiblement qualifiés. En effet, si l’on se penche sur le détail de la composante constituant le marché du travail national pour la même année, plus de la moitié des travailleurs est dans la catégorie des artisans et ouvriers.
Pourtant, ce constat n’est pas ressenti par les professionnels. Car, selon Camelia El Ghazi, experte en recrutement et marketing manager auprès de Xpertize Africa, «étant spécialisés dans le recrutement des profils Middle - Top Management, nous sommes généralement confrontés à des candidats avec un niveau de formation assez poussé. D’ailleurs, pour les profils juniors, nous sommes plus regardants sur la formation, raison pour laquelle ce pourcentage, d’après nous, ne reflète pas la réalité du marché dans lequel nous opérons».
Rappelons que, dans le détail des chiffres du HCP, parmi les actifs exerçant dans le secteur de l’agriculture, forêt et pêche, 80,8% n’ont aucun diplôme. Cette proportion atteint 59,2% dans le secteur BTP, 45,2% dans l’industrie et 37,4% dans les services. Ainsi, la prédominance des actifs non diplômés s’expliquerait par le fait qu’au Maroc, en grande partie, les postes à responsabilité pour lesquels une forte qualification est requise, sont inférieurs comparativement à ceux occupés par la catégorie des ouvriers.
Le recrutement fait face à plusieurs difficultés
Cette donne, couplée à d’autres problématiques telles que les lacunes des candidats en termes de compétences ou encore la rareté des profils recherchés, n’aurait pas tendance à faciliter le recrutement, surtout pour certaines qualifications particulières.
«Les profils dans les technologies pointues sont souvent difficiles à trouver. Quand il s’agit d’un nouveau métier au Maroc, nous sommes obligés d’orienter nos recherches à l’international. Cela peut être étonnant, mais certains métiers de l’assistanat peuvent, également, s’avérer difficiles à trouver (Assistante de direction, secrétaire etc.)», nous explique Camelia El Ghazi. Et d’ajouter : «Il est vrai que le manque de qualification peut rendre le champ de recherche plus restreint, cependant, nos clients sont de plus en plus regardants sur les expériences des candidats, mais surtout sur leurs Soft Skills. Au-delà des diplômes et des compétences techniques, les recruteurs recherchent une personnalité et un état d’esprit qui correspondent à celui du client final».
Hormis la pénurie de profils qualifiés, les facteurs qui compliquent le recrutement au Maroc sont multiples, tant du côté des entreprises que des travailleurs. «Le plus souvent, les budgets limités rendent les recrutements difficiles, car les bons profils ont souvent de bons packages. La mobilité géographique peut également constituer un frein. Il est difficile de recruter dans les régions enclavées car celles-ci ne sont pas très attrayantes pour les candidats. Les clients sont certes exigeants dans leurs critères de recherche, cependant, les candidats, eux aussi, deviennent de plus en plus regardants sur ce que propose l’entreprise ainsi que les conditions de travail (locaux, horaires, place de parking, avantages…», nous expliquet-on.
Au final, il apparaît que les entreprises marocaines font face à des difficultés de recrutement considérées comme structurelles, qui proviendraient essentiellement du manque de compétences ou d’exigences souvent décorrélées de la situation réelle de la demande. Face à cette problématique, de nombreuses solutions peuvent être envisagées, selon les professionnels, dont l’investissement dans les compétences internes à travers la formation des salariés, l’assouplissement des exigences de recherche ou la sollicitation de cabinets spécialisés afin d’intensifier l’effort de recrutement.