Les syndicats très remontés contre l’Exécutif.
Ont-ils pour autant le devoir de boycotter le prochain round des négociations ?
Le dialogue social s’est mué encore une fois en un dialogue de sourds. La rencontre qui a eu lieu vendredi dernier entre le chef de gouvernement, Saad Eddine El Othmani, et les principales centrales syndicales s’est en effet soldée par un brillant échec.
Pourtant, la veille, invité sur le plateau de Medi1 TV, les propos de El Othmani avaient une tonalité assez rassurante, laissant entrevoir un cadre de concertation plus serein. «Dès demain, un projet sérieux sera soumis à l’appréciation des syndicats», avait-il affirmé devant des millions de téléspectateurs.
Mais c’était sans compter sur l’intransigeance de ses interlocuteurs. Son «projet sérieux» a été retoqué par des syndicats pour le moins amers. Les discussions tenues le 2 novembre se sont ainsi terminées en queue de poisson. L'Union marocaine du travail (UMT), la Confédération démocratique du travail (CDT) et l'Union générale des travailleurs du Maroc (UGTM) ont en effet opposé une fin de non recevoir aux propositions de l’Exécutif, assortie d’une menace de boycott du prochain round de négociations s’il ne se décidait pas à améliorer les offres faites aux syndicats.
Quant au quatrième syndicat, l'Union nationale du travail au Maroc (UNMT), il se trouve dans une position pour le moins inconfortable en ce qu’il est le bras syndical du PJD. Sa posture reste pour l’instant ambiguë, quand bien même il demande à ce que l’Exécutif consente un effort supplémentaire pour améliorer son offre afin que le dialogue social puisse aboutir.
Bref, malgré la volonté affichée par le chef de gouvernement, pour qui «le dialogue social est un choix stratégique pour le gouvernement et notre pays, et nous œuvrons d'arrache-pied pour le réussir et en faire un dialogue continu, en application des hautes orientations royales contenues dans le dernier discours du Trône», force est de reconnaître que pour l’instant c’est l’impasse.
C’est à peine si les syndicats n’ont pas traité de ridicule sa proposition d’augmenter les salaires de certaines catégories de fonctionnaires de 400 DH, sur 3 trois ans (200 DH en janvier 2019, puis 100 DH en janvier 2020 et 100 DH en janvier 2021).
A qui la faute ?
Le dialogue social a-t-il échoué ? Oui pour l’instant. Mais doit-on en rester là ? Bien évidemment que non. Si l’Exécutif et les syndicats sont repartis dos à dos, ils ne doivent pas pour autant oublier une chose importante : en filigrane de ces négociations, il y a l’injonction du Roi. «Je le dis au gouvernement : le dialogue social est un devoir et une nécessité; il convient de l’instaurer et de le maintenir dans la durée et sans aucune interruption. Et je lui dis également qu’il doit rencontrer régulièrement les syndicats et communiquer constamment avec eux, indépendamment de l’issue éventuelle de ce dialogue», avait dit le Souverain dans son discours à l’occasion de la Fête du Trône.
Les propos du Roi sont transparents pour qui sait lire. El Othmani a donc le devoir de poursuivre le dialogue, à la recherche d’un bon compromis. Autrement dit, en tenant compte des impératifs budgétaires. Mais pour que ce dialogue aboutisse, il faut que le chef de gouvernement ait en face de lui des interlocuteurs.
En cela, si les syndicats sont dans leur rôle en exigeant davantage du gouvernement, prendre cependant la décision de boycotter le prochain round des négociations n’est pas la bonne attitude. Ce n’est pas en boudant dans leur coin que leurs revendications vont être satisfaites. Ce n’est pas non plus en pratiquant la politique de la chaise vide qu’ils pourront défendre la classe ouvrière et améliorer les conditions des salariés, si tant est qu’ils ne sont mus que par ce dessein.
Que l’on ne se trompe donc pas : la réussite ou non du dialogue social n’est pas du ressort exclusif de El Othmani. Gouvernement et syndicats sont co-responsables dans cette affaire. Ce message, le chef de gouvernement l’a d’ailleurs fait passer lors de son intervention télévisée, en ces termes : le dialogue social «représente une responsabilité partagée entre les centrales syndicales et le gouvernement».
Et, justement, le sérieux et la responsabilité, dans le cadre de négociations, exigent que chaque partie fasse des concessions et ne s’arc-boute pas sur sa position, au nom des intérêts de la collectivité. Et cela relève de l’intelligence, et non de la faiblesse.
Aujourd’hui, et le Conseil économique, social et environnemental (CESE) l’a longuement abordé dans son rapport annuel 2017, il faut donc un changement de la culture du dialogue social. ■
D.W