Sale temps pour la balance commerciale qui n’en finit plus de creuser son déficit. Entre avril 2016 et avril 2017, il s’est aggravé de 36% selon les dernières données de l’Office des changes. Sur un an, le déficit commercial s’est accentué de plus de 10 milliards de DH. Il s’établit, à fin avril 2017, à 40,2 milliards de DH. C’est près de 3,9% du PIB.
Cette détérioration trouve son origine dans la croissance beaucoup plus importante des importations en comparaison avec les exportations. Les premières ont progressé de 10,1% à plus de 155 milliards de DH sur la période, alors que les secondes n’ont pu faire mieux qu’une hausse de 3,2% à 114 milliards de DH.
Alors, inquiétant ? Nous avons posé la question à Abdellatif Maâzouz, ancien ministre du Commerce extérieur, sous le gouvernement d’Abbas El Fassi. S’il s’empresse de dire que tout déficit est inquiétant, il tient néanmoins à relativiser les mauvais chiffres du commerce extérieur, et ce pour au moins deux raisons.
La première est purement conjoncturelle. «Il ne faut pas oublier que ces dernières années ont été exceptionnelles d’un point de vue du commerce extérieur, principalement grâce à la chute importante des cours du pétrole. Il faut plutôt comparer 2017 avec les années antérieures, au moins à partir de 2014», précise-t-il. Rappelons qu’à fin décembre 2015, le Maroc atteignait son plus bas déficit jamais enregistré en 10 ans, à 152,27 milliards de dirhams.
Deuxièmement, explique Maazouz, il ne faut pas oublier que nous sommes une économie tournée vers les services, comme le tourisme, l’offshoring, les télécoms, ou la finance. «Pour bien mesurer la balance commerciale du Maroc, il est plus judicieux de mesurer la balance commerciale de biens et services et non pas seulement celle des biens», insiste-t-il. Sur ce point précis, ce qui inquiète le plus l’ancien ministre, c’est que l’excédent de la balance des services tend à s’amenuiser, à cause, surtout, des services prélevés par les multinationales (fees).
Ce qui est certain, c’est que la hausse des importations devrait se poursuivre dans les prochains mois, comme l’a souligné la Banque centrale dans son rapport de politique monétaire de mars dernier.
Cette hausse des importations serait tirée essentiellement par la reprise de la croissance et l’augmentation des prix du pétrole.
L’arrivée attendue de l’usine PSA à Kenitra en 2019, le lancement des écosystèmes Boeing ou Renault, ou encore l’émergence de la cité Mohammed VI Tanger Tech, pourraient-ils changer durablement la donne ?
«Ce sont des projets dont la réalisation en elle-même, avant même de démarrer la production, est source d’importation de matériels, etc.», tient d’abord à souligner notre interlocuteur. Cela aura donc un impact important à court terme sur la balance commerciale. Mais une fois ces projets se mettront en production, ils contribueront à hauteur de plusieurs milliards de DH à la balance commerciale. Rien que pour la branche auto, les exportations passeront de 50 milliards de DH aujourd’hui à quelques 100 milliards de DH d’ici 2020. Il faudra néanmoins encore patienter et surtout peaufiner la nouvelle stratégie du commerce extérieur, dont le ministre de tutelle, Moulay Hafid Elalamy, a annoncé il y a peu qu’elle était prête et qu’elle sera prochainement mise sur les rails.
Les grandes manœuvres ont d’ailleurs déjà commencé. La fusion des différentes agences de promotion relevant de son département (Maroc Export, Agence marocaine de développement des investissements et l’Office des foires et expositions de Casablanca), en une nouvelle superstructure, l'AMDIE (Agence marocaine du développement des investissements et des exportations), qui sera le fer de lance de la promotion du made in Morocco.
Pour Abdellatif Maazouz, il n’y a pas de recette miracle. Il faut mettre en place les mécanismes qui encouragent l’exportation et travailler à la fois sur l’offre exportable et sur les débouchés pour cette offre. «Ces débouchés, ce n’est pas à l’Etat de les trouver. L’Etat facilite la recherche des débouchés à travers des incitations qui ne doivent pas être des subventions», tient-il à préciser. Pourquoi ? «Parce qu’une subvention, ça se perd, ça se mange», nous répond-il. ■
A.E