Balance commerciale: vers une énième dégradation

Balance commerciale: vers une énième dégradation

En 2021, le déficit commercial, en progression significative par rapport 2020 (+25%), s’est affiché à plus de 199 Mds de DH.

Pour 2022, de nouveaux facteurs concourent à son exacerbation en dépit des performances remarquables des phosphates et dérivés à l’export.

 

Par M. Diao

 

A l’heure où nous mettions sous presse, le West Texas Intermediate (WTI), référence américaine du brut, a perdu 5,7% pour s’afficher en dessous de la barre symbolique des 100 dollars à 97,13 dollars. Ce recul intervient plus d'une semaine après que les cours de pétrole ont atteint le record de la crise financière de 2008. Et ce, sur fond d’incertitudes sur les approvisionnements engendrées par la guerre en Ukraine.

Une situation de belligérance qui a accéléré la lourde tendance à la hausse quasi généralisée des cours des matières premières sur le marché international. A titre illustratif, après avoir atteint un pic de 983 dollars la tonne en moyenne le 28 janvier, les cours du butane se sont inscrits en baisse pour s’établir à 882 dollars le 18 février. Sachant qu’il existait encore l’espoir d’une résolution pacifique de la crise russo-ukrainienne. La situation belliqueuse qui prévaut actuellement en Ukraine accentue la flambée des cours du gaz butane que le Maroc importe en grande quantité chaque année.

Dans ce contexte, bon nombre d’économistes et d’opérateurs économiques alertent sur les méfaits de la surchauffe des prix des matières premières sur l’économie nationale et les finances publiques, déjà fragilisées par la crise liée à la pandémie. Toutefois, cette hausse des cours des matières premières sur le marché international a profité quelque part aux phosphates et dérivés du Maroc. D’après la DEPF, les cours du phosphate brut se sont établis à 173 dollars la tonne en janvier, chiffrant ainsi leur hausse à 104% depuis un an. Les prix du DAP (phosphate di-ammonique) se sont situés à 699 dollars la tonne en janvier, avec à la clef des gains de l’ordre de 66% sur un an.

A l’évidence, la progression des cours s’est répercutée sur la valeur des exportations. Pour preuve, il ressort des chiffres de l’Office des changes que les ventes des phosphates et dérivés ont plus que doublé, s’établissant à plus de 7,7 Mds de DH à fin janvier 2022 contre 3,4 Mds de DH à fin janvier 2021. L’explication de ce bond est à relier à l’augmentation des ventes des engrais naturels et chimiques (+3.120 MDH). A cela s’ajoute l’effet prix qui a plus que doublé (7.163 DH/T à fin janvier 2022 contre seulement 2.882 DH/T à fin janvier 2021). Sachant que le contexte actuel en proie entre autres aux restrictions d’exportation de phosphates et d’engrais de la part de la Russie et de la Chine, sont de nature à limiter l’offre. Ce qui crée un environnement favorable à la hausse des prix.

Un marché des engrais impacté positivement

L’explication de la DEPF est édifiante. Les prix des produits phosphatés seraient soutenus par des perspectives d’offre et de demande serrées à court terme et par des niveaux élevés des cours des produits énergétiques et des produits agricoles, impactant positivement les marchés des engrais. Il faut aussi garder à l’esprit que le Maroc, qui bénéficie de l’inflation des cours de la roche sur le marché international, est confronté à la hausse des prix des intrants importés pour la production d’engrais et de phosphates (gaz, ammoniac, postasse). Ainsi, la hausse des prix des engrais et phosphates (exportations) compense-t-elle l’inflation des cours des produits énergétiques et alimentaires importés par le Maroc ?

Au regard de l’analyse des chiffres, difficile de répondre par l’affirmative, puisqu’à fin janvier 2022, les exportations de marchandises se sont affichées à plus de 30,6 Mds de DH contre plus de 24,9 Mds de DH un an auparavant, soit une hausse de 23% (+5,7 Mds de DH). Dans le même temps, au titre du premier mois de l’année 2022, les importations ont augmenté de 39,5% (+14.4 Mds de DH) pour culminer à plus de 50,9 Mds de DH. C’est dire le niveau de déséquilibre flagrant au niveau de la balance commerciale entre la valeur des exportations et celle des importations. Sachant que le constat d’Attijari Global Research (AGR) dans son document ‘MAD Insights’ sur les taux de change, diffusé le 9 mars, est sans appel.

La publication fait état de l’accélération de la dépréciation du Dirham face au Dollar, avec une hausse de la parité USD/MAD de +1,67% à 9,68 DH la semaine dernière. Cette donne aura pour conséquence le renchérissement des importations des produits énergétiques incompressibles (gaz, pétrole, charbon) indispensables pour l’activité économique. La dépréciation du Dirham face au Dollar est un facteur négatif pour la balance commerciale dont le déséquilibre risque encore de s’exacerber cette année. Pour rappel, déjà en 2021, le déficit commercial en progression significative par rapport 2020 (+25%), s’est affiché à plus de 199 Mds de DH. 

 

 

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