◆ Les zones 1 et 2, instaurées dans le cadre du déconfinement, ont subitement disparu des radars.
◆ La communication des autorités, très atomisée actuellement, sème la confusion au niveau des citoyens.
Par D. William
Vous souvenez-vous de la carte sanitaire établie par les autorités ? C’était en juin dernier, au moment du déconfinement. Rafraîchissons-nous la mémoire ! Le 10 juin, les pouvoirs publics ont mis en place un plan de réduction des mesures de confinement en fonction de la situation épidémiologique de chaque province ou préfecture, de manière progressive à partir du 11 juin.
L’objectif était de permettre une reprise de l’activité économique, après 80 jours de strict confinement. Dans ce cadre, les provinces et régions du Royaume ont été divisées en deux zones, selon les critères fixés par les autorités sanitaires. Dans la zone 1, étaient logées 59 provinces et préfectures, contre 16 dans la zone 2 qui comprenait des villes comme Casablanca, Tanger, Rabat ou encore Marrakech.
Ces deux zones bénéficiaient de mesures d’assouplissement des restrictions différentes. La zone 2, qui représentait 87% des cas confirmés depuis le début de la pandémie, a été de fait moins favorisée en termes d’allègement. Mais cette cartographie n’était pas figée, car une province ou préfecture pouvait basculer d’une zone à l’autre selon l’évolution de sa situation épidémiologique. Les autorités avaient, dans ce cadre, promis de procéder à une évaluation hebdomadaire, à l’issue de laquelle elles pourraient «reclasser les préfectures et provinces, soit dans la zone 1 au lieu de la zone 2, ou bien inversement, mais aussi favoriser un plus grand assouplissement des mesures de confinement sanitaire et, du coup, la levée des restrictions sur bon nombre de services et d'activités».
Tout cela semblait donc assez bien réfléchi. Premier couac cependant : les premières décisions d’assouplissement des mesures de confinement ne sont tombées que 14 jours plus tard, soit le 24 juin à minuit. Toutes les provinces et préfectures ont été ainsi déplacées dans la zone 1, à l'exception de Tanger-Asilah, Marrakech, Larache et Kénitra. Deuxième gros couac : depuis ce reclassement du 24 juin, plus rien. Les autorités ont dézoné, reléguant aux calendes grecques cette carte sanitaire. On n’entend dès lors plus parler des zones 1 et 2.
Que s’est-il passé ?
Du confinement total de la population jusqu’au 10 juin, les décisions prises au niveau central, émanant du couple Intérieur-Santé, étaient pour le moins homogènes et ne souffraient d’aucune ambiguité. Aujourd’hui, les informations qui parviennent au public sont de plus en plus atomisées, parcellaires et se chevauchent, au point d’entretenir la confusion chez les citoyens.
Entre le bouclage des quartiers, les restrictions au niveau des préfectures et provinces, ces zones qui ont subitement disparu, les autorités créent ce flou artistique qui pousse involontairement les citoyens à transgresser les directives en vigueur. Si, comme on le dit si souvent, nul n’est censé ignorer la loi, encore faut-il qu’elle soit lisible et compréhensible. Et quand la loi fait l’objet d’interprétations multiples, elle est forcément sujette à caution et autorise parfois des abus. Prenons l’exemple de la préfecture de Casablanca, censée être bouclée. Jusqu’où s’étend-elle ?
C’est Wikipédia qui nous renseigne qu’elle comprend deux communes urbaines (ou municipalités). Il y a la commune urbaine de Casablanca, qui comprend 16 arrondissements rattachés à huit préfectures d’arrondissement (s) : préfecture d’Ain Chock (arrondissement Aïn Chock), préfecture d’Ain Sebaâ-Hay Mohammadi (arrondissements Aïn Sebaâ, Hay Mohammadi et Roches noires), préfecture d’Al Fida-Mers Sultan (arrondissements Al Fida et Mers Sultan), préfecture de Ben M’sick (arrondissements Ben M'sick et Sbata), préfecture de CasablancaAnfa (arrondissements Anfa, Mâarif et Sidi Belyout), préfecture de Hay Hassani (arrondissement Hay Hassani), préfecture de Moulay Rachid (arrondissements Moulay Rachid et Sidi Othman) et préfecture de Sidi Bernoussi (arrondissements Sidi Bernoussi et Sidi Moumen).
La seconde commune urbaine est celle du Méchouar de Casablanca, enclavée au centre de la préfecture (ou de l'actuelle ville, intra-muros) de Casablanca, entre les arrondissements Al Fida et Mers Sultan. Pas sûr que les citoyens maîtrisent ce découpage territorial. Conséquence : il n’est pas rare que certains d’entre eux se fassent verbaliser parce qu’ils ont franchi, sans le savoir, les «frontières» de la préfecture de Casablanca, censée être bouclée.
Et ce, pendant que d’autres passent régulièrement entre les mailles du filet, sans disposer d’une autorisation exceptionnelle délivrée par les autorités locales, pourtant nécessaire pour se déplacer de et vers la préfecture de Casablanca. Si l’on convient que les agents ne peuvent contrôler tout le monde, il faut tout autant convenir que cela nourrit un sentiment d’inéquité devant les décisions en vigueur édictées par les autorités, particulièrement chez les citoyens qui se font verbaliser.
Par ailleurs, force est de constater que s’il y avait un strict respect de l’état d’urgence sanitaire pendant la période du confinement, il est actuellement de plus en plus transgressé. Il suffit de sortir de chez soi au-delà de 22H pour constater que plusieurs citoyens font peu de cas du couvre-feu (22H à 5H), la ville grouillant de voitures et de motocyclettes. Et que l’on ne s’y trompe pas; il ne s’agit pas de cadres de santé et de sûreté, encore moins d’employés des secteurs vitaux et sensibles et ceux du transport de marchandises justifiant leur travail de nuit.
En réalité, toute cette désinvolture des citoyens est l’expression d’un ras-le-bol collectif qui puise ses racines dans l’incapacité du gouvernement à avoir un discours clair et cohérent, et surtout à n’avoir d’autres alternatives que de confiner la population pour juguler la propagation du coronavirus. A sa décharge, c’est à la même problématique que sont confrontés d’autres pays plus développés comme la France, l’Espagne, l’Italie… depuis que le confinement a été levé.