Consumérisme: «Il est important de créer un organisme de répression des fraudes»

Consumérisme: «Il est important de créer un organisme de répression des fraudes»

Plus les circuits de distribution sont longs, plus les intermédiaires prolifèrent. Entretien avec Bouazza Kherrati, président de la Fédération des associations de protection des consommateurs.

 

Propos recueillis par C. Jaidani

Finances News Hebdo : Le dispositif législatif et institutionnel de protection du consommateur est-il suffisant ?

Bouazza Kherrati : A l’exception des prix réglementés et des produits subventionnés, la loi 104/12 stipule la libéralisation des prix. Ce qui est obligatoire, c’est l’affichage des prix pour permettre au consommateur de faire les comparaisons et d’acheter ce qui lui convient. Depuis 2002, la politique de la liberté des prix est pratiquée au Maroc. Depuis cette date, les commerçants fixent les prix qui leur conviennent. Ils vendent à la tête des clients, parfois avec des marges excessives. L’absence de l’affichage des prix induit les consommateurs en erreur. Le contrôle des prix, mission qui revient au ministère de l’Intérieur, n’est pas effectué régulièrement.

 

F.N.H. : Les intermédiaires ont un effet néfaste sur les prix. Comment faut-il maîtriser ce phénomène ?

B. Kh. : Le marché intérieur marocain est composé des producteurs, des consommateurs et des instances de régulation. Il se trouve que les attributions d’intervention sont réparties sur plusieurs départements. Il n’existe pas un organisme dédié à l’approvisionnement qui aurait pour mission d’intervenir à différents niveaux, que ce soit la réglementation, la supervision ou le contrôle. Pour les produits agricoles, le département concerné est celui de l’Agriculture, alors que pour les produits industriels, c’est le département de l’Industrie. Mais une fois les produits mis sur le marché, il y a un désordre. Depuis la création de l’ONSSA, il y a eu la disparition d’un organisme très important destiné à la répression des fraudes. Malheureusement, le Maroc ne dispose pas actuellement d’une instance ayant cette mission. C’est à cause de cela que le phénomène se retrouve à tous les niveaux et que les prix ont été multipliés d’une façon exagérée. Cette situation ne profite ni au consommateur ni aux producteurs. Seuls les intermédiaires en bénéficient. La Fédération des associations de protection des consommateurs n’a cessé d’appeler à trouver une solution à ce problème. Nous prônons la création d’une instance nationale de contrôle des produits, des prix et aussi des circuits. Plus les circuits sont longs, et plus les intermédiaires en profitent.

 

F.N.H. : L’initiative d’autoriser les agriculteurs à vendre directement leurs produits sans passer par les marchés de gros pourrait-elle apaiser les prix ?

B. Kh. : J’ai quelques réserves à propos de cette initiative. Il faut que les produits passent par l’agrégateur. La vente directe pose différentes problématiques, notamment de récolte, de conditionnement, de chaîne de froid, de logistique, de transport et de distribution. Il existe également un risque pour que les produits échappent au contrôle sanitaire. L’initiative devrait également faire perdre aux collectivités locales d’importantes recettes fiscales. Certaines communes, notamment dans le monde rural, dépendent largement des taxes générées de leurs souks hebdomadaires. Elles devraient accuser un manque à gagner important. Il faut aussi noter que la vente directe des produits peut donner des résultats tangibles dans un marché maîtrisé. Ce qui n’est pas le cas pour le marché marocain dominé par l’informel.

 

F.N.H. : Pour les cas de monopole et/ou des ententes sur les prix, pensez-vous que le consommateur marocain est bien protégé ?

B. Kh. : Le monopole n’est pas interdit, mais ce qui est illégal, c’est de l’utiliser pour fixer les prix et être en contradiction avec la loi 104-12 sur la liberté des prix et de la concurrence. Dans certains secteurs, comme le transport ferroviaire ou la production du sucre, il y a monopole, mais les acteurs de l’activité ne mettent pas en danger la concurrence. Ce qui est grave, ce sont les ententes sur les prix qui sont sévèrement sanctionnées par le Conseil de la concurrence. Une concurrence réelle favorise la baisse des prix et la qualité. 

 

 

 

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