Conseil de la concurrence : A. Benamour prépare sa mue

Conseil de la concurrence : A. Benamour prépare sa mue

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Doté jusqu’ici d’un rôle uniquement consultatif, la nouvelle loi de la concurrence confère au Conseil de la concurrence les pleins pouvoirs d’enquête et de sanction. Une équipe d’économistes sera bientôt mise en place. Mais, la mise en oeuvre de la nouvelle loi devra encore attendre, faute de décrets d’application.

‘‘Epargnez-moi le militantisme des nouvelles lois», lança Abdelali Benamour, non sans ironie, en s’adressant aux dirigeants d’entreprises membres de la CFCIM qui attiraient son attention sur la faiblesse des dispositifs juridiques encadrant les circuits de distribution ainsi que la protection des consommateurs au Maroc. Le président du Conseil de la concurrence qui s’exprimait récemment à Casablanca, et ce dans le cadre des «Rendez-vous CFCIM» sur les «Nouvelles réformes relatives à la liberté des prix et de la concurrence», affichait la mine des grands jours. Pour lui, le nouveau dispositif régissant le droit de la concurrence est l’aboutissement d’une longue bataille. D’un simple organe rattaché au gouvernement, doté d’un rôle uniquement consultatif, le Conseil de la concurrence est appelé à jouer un rôle décisif dans l’économie nationale, à l’instar des autorités internationales de la concurrence. «Tous les pouvoirs confiés aux autorités les plus avancées en la matière nous ont été accordés», reconnaît Benamour. Des compétences générales, une indépendance garantie à l’égard de l’Exécutif, le pouvoir d’enquête, l’autosaisine, le pouvoir de plaidoyer (advocacy), etc, sont autant d’acquis et de prérogatives désormais conférées à l’autorité marocaine de la concurrence. La réforme étant d’ores et déjà actée à travers l’approbation des lois 104-12 et 20-13 (portant respectivement sur la liberté des prix et de la concurrence ainsi que sur le statut du Conseil de la concurrence), il ne reste plus qu’à attendre la promulgation des décrets d’application. Encore faut-il attendre la nomination des nouveaux membres du Conseil puisqu’il se trouve que le mandat des anciens membres a expiré depuis le mois d’octobre 2013. 

Pragmatique et raisonnable, Benamour ne promet pas monts et merveilles. «Loin de moi de vous promettre une économie fondée sur des bases transparentes dans six mois. Je vous promets d’atteindre dans trois ans un stade où les atteintes au droit de la concurrence seraient l’exception», affirme le président du Conseil de la concurrence. Ce dernier veut garder un optimisme prudent car il sait que la tâche future de l’autorité ne sera pas si facile dans le nouveau contexte réglementaire. 

Mais jusqu’où peut aller le Conseil de la Concurrence avec ses nouveaux pouvoirs (sanction, enquête) et quelle démarche sera-t-il amené à adopter vis-à-vis des opérateurs économiques ? «C’est comme dans un match de foot», répond Benamour. «L’arbitre n’a rien contre les joueurs. La sanction peut aller d’un avertissement oral jusqu’aux cartons jaune et rouge. C’est un travail de pédagogie et non de lutte frontale. L’objectif est d’accompagner le monde économique», précise le président du Conseil de la concurrence. 

Prérogatives élargies

Une attention particulière sera accordée aux ressources humaines censées activer les nouveaux pouvoirs d’enquête et d’investigation de l’institution. Une cellule économique composée de trois économistes sera bientôt mise en place, apprend-on de Benamour. L’appui de l’Union européenne a été fortement sollicité à ce titre, notamment auprès de l’autorité allemande de la concurrence avec laquelle le Conseil marocain est lié par un accord de jumelage. «Nous avons sollicité un accompagnement de nos partenaires européens en matière de formation, à travers des cas pratiques pour voir la façon dont on pourra étudier la concurrentiabilité de l’économie marocaine», poursuit Benamour. 

Malgré ses pouvoirs jusqu’ici limités au seul rôle consultatif, le Conseil de la concurrence a bien fait de roder la machine interne à travers les saisines adressées par plusieurs associations, syndicats et autres organisations habilitées à saisir le Conseil. «Nous sommes une équipe très bien formée sur le droit et l’économie de la concurrence. Les saisines nous ont été très utiles pour nous préparer au futur. Notre travail a d’ailleurs été très apprécié par les membres du Conseil d’administration», affirme Benamour. Ce dernier a dû s’activer également à l’international auprès des autorités de la concurrence. Un travail couronné par l’organisation en avril 2014 de la 13ème édition de la Conférence annuelle du Réseau international de la concurrence à Marrakech.

Outre la réforme portant sur la loi de la concurrence ainsi que sur les statuts du Conseil de la concurrence, la constitutionnalisation de ce dernier, sur instructions royales, restera l’un des principaux acquis enregistrés ces dernières années. «C’est un domaine où il y a beaucoup de résistances objectives et non objectives. Nous ne prétendons pas avoir lutté contre les pratiques anticoncurrentielles, mais nous avons au moins le mérite de relever quelques indices qui ont poussé certains opérateurs à revoir leurs politiques tarifaires», témoigne Benamour. 

Les chiffres, de leur côté, attestent d’un bon dynamisme de la part des équipes du Conseil. D’une soixantaine de saisines, quinze ont été jugées irrécevables et 30 autres traitées. Les quinze autres restantes seront soumises aux futurs membres du Conseil dès leur nomination. Le Conseil a produit également pas moins de 16 études d’une haute teneur stratégique (le ciment, le secteur bancaire, le crédit à la consommation, les grandes surfaces…).

Sans omettre celle consacrée au système de compensation dont la présentation fut marquée par la présence du Chef du gouvernement, et dont les résultats ont permis de faire bouger les choses, à en croire le président du Conseil de la concurrence.

 

Wadie El Mouden

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