Imane Kendili : «La souveraineté sanitaire en Afrique est une priorité absolue pour le Maroc»

Imane Kendili : «La souveraineté sanitaire en Afrique est une priorité absolue pour le Maroc»

Interview de Docteur Imane Kendili, présidente de African Global Health, lors de la deuxième conférence africaine sur la réduction des risques en santé.

 

Propos recueillis par Abdelhak Najib 

La Quotidienne : African Global Health organise en partenariat avec le ministère de la Santé et de la Protection sociale et le ministère de l’Agriculture, de la Pêche maritime, des Eaux et Forêts et du monde rural la deuxième Conférence africaine pour la réduction des risques dans sa première édition Sud-Sud. Parlez-nous de cette grand-messe internationale ? 

Docteur Imane Kendili : Permettez-moi de répondre par un extrait tiré du discours de Sa Majesté le Roi Mohammed VI au Sommet extraordinaire de l’UA sur la zone de libre-échange continentale en 2018: «L’Afrique est en mouvement, à tous les niveaux, et dans tous les domaines. Elle regorge de richesses naturelles et de potentialités humaines. Nous avons pu l’observer à l’occasion des nombreuses visites effectuées dans les différentes régions de notre continent. Nous avons pu également constater la nécessité impérieuse d’une communauté africaine soudée et ambitieuse. A ce titre, le retour du Maroc au sein de sa famille institutionnelle traduit avec force cette détermination fédératrice, de même que notre attachement indéfectible à la cohérence, à l’unité, à l’intégrité territoriale et à la solidarité africaine». La première conférence africaine de 2022 ainsi que cette deuxième édition de 2023, qui marque une grande ouverture au-delà des frontières africaines pour rassembler ici au Maroc, à Marrakech, de nombreux ministres, ambassadeurs, scientifiques et chercheurs venus d’Asie, du Moyen-Orient, des deux Amériques, d’Océanie et d’Europe, s’inscrit dans une réflexion commune pour trouver des solutions à des enjeux climatiques urgents : d’abord la sécurité alimentaire, ensuite la gestion des ressources hydriques et enfin la protection de l’environnement. Ces trois axes majeurs constituent les trois thèmes de cette deuxième conférence et dans la droite ligne de la vision éclairée du Souverain qui en a fait l’un des principaux chevaux de bataille de son règne clairvoyant. Cela se veut aussi un accompagnement de la politique du Royaume en Afrique en termes de diplomatie parallèle effective et efficiente. C’est notre objectif déclaré et asile, en effet. Et cela participe de cette dynamique d’excellence qui caractérise les actions du Maroc dans le continent africain. Comme vous le savez, depuis son accession au Trône, Sa Majesté le Roi Mohammed VI a réussi à mettre sur pied un grand virage diplomatique en tournant le Maroc vers l’Afrique. Avec de nombreux déplacements sur le continent, de l’Ouest à l’Est, depuis 1999, SM le Roi a effectué plus de 50 voyages en Afrique. Avec un retour au sein de l’Union Africaine après plus de trois décennies d’absence, le Royaume du Maroc s’affirme comme un grand leader africain prônant une vision géostratégique Sud-Sud, qui donne déjà des résultats considérables dans de nombreux domaines notamment les secteurs de la santé et de la protection sociale. 

 

La Quotidienne : Concrètement comment se traduit ce portage politique ? 

Docteur Imane Kendili : Pour acter ce portage, le Maroc déploie des moyens et des instruments divers et variés. D’abord, au plan économique, avec de grands projets structurants et des investissements impliquant les fleurons de l’économie marocaine. Ensuite, au plan religieux en appelant à un islam modéré, moderne et en parfaite opposition à toutes les formes de radicalisme. Enfin, au plan politique, avec son retour victorieux au sein de l’Union Africaine où il joue un rôle capital et incontournable. Dans cette logique de coopération Sud-Sud, le Maroc, sous l’impulsion de SM le Roi Mohammed VI, a initié des projets de grande envergure dans plusieurs pays en Afrique, allant du Sénégal à l’Éthiopie, en passant par la Côte d’Ivoire, le Mali, le Burkina Faso, le Cameroun, le Tchad, le Niger, le Nigeria, la Mauritanie, la Tunisie, la Libye, le Rwanda, le Bénin, le Gabon, la Guinée-Bissau, la Guinée, la Tanzanie, la Zambie, le Soudan du Sud, le Ghana, etc. Toujours avec ce mot d’ordre : l’entraide entre les nations africaines, la volonté de construire ensemble, le désir certain de se développer dans un même élan. C’est dans cette optique qu’à une époque où le monde traverse l’une de ses pires crises humanitaires, politique et économique, le Maroc multiplie les actions d’éclat pour se positionner comme le leader incontesté en Afrique grâce à un positionnement stratégique important pour l’équilibre des forces dans un continent qui a tous les moyens pour devenir un pôle économique mondial de premier plan. Cela passe par des partenariats durables et responsables comme c’est le cas du Maroc avec des pays comme le Sénégal, le Mali, la Côte d’Ivoire, le Congo, la Guinée, le Bénin, le Ghana, le Nigeria, l’Angola, le Cameroun, le Gabon et d’autres pays émergents de cette Afrique de l’Ouest au potentiel incommensurable. 
À ces partenariats stratégiques s’ajoutent ceux de l’Afrique de l’Est avec des pays à la croissance certaine comme le Kenya, la Tanzanie, le Mozambique, le Rwanda, le Burundi ou encore la Zambie. Sans oublier une stratégie géopolitique réussie avec les États du Sahel. 

 

La Quotidienne : Un tel déploiement nécessite aussi une profonde connaissance des particularités régionales en Afrique. 

Docteur Imane Kendili : C’est là en effet un exercice de style qui nécessite une lecture rationnelle des besoins de chaque région, des points forts et des points faibles de chaque partenaire, en misant sur le respect de la souveraineté de part et d’autre, pour une inscription dans la durée des relations bilatérales et des intérêts communs. Cette exigence de la rigueur marocaine a fait ses preuves puisque Rabat reste l’unique pays arabe qui entretient des relations solides et pérennes avec toutes les capitales du monde malgré toutes les divergences idéologiques qui sous-tendent les rapports entre les dirigeants de ces pays. On le voit bien, c’est presque tout le continent africain qui est un territoire d’investissements et d’accords durables et rationnels pour bâtir cette Afrique, qui s’est déjà positionnée comme l’avenir de l’économie mondiale étant donné que les puissances occidentales s’épuisent, s’essoufflent et montrent des signes grandissants de récession installée pour durer. Face à ce nouvel ordre mondial, la devise du Maroc est simple : une main tendue à tous les régimes disposés à travailler la main dans la main pour un développement commun et un progrès dont les retombées sont bénéfiques pour tous.

 

La Quotidienne : Et c’est là que la réduction des risques en santé joue un rôle capital. 

Docteur Imane Kendili : Tout à fait. Toute cette politique visionnaire et éclairée se répercute également et de manière efficiente dans les domaines de la santé publique dans lesquels le Maroc joue un rôle de premier ordre non seulement en Afrique de l’Ouest, mais aussi en Afrique de l’Est, dans le Maghreb, dans le Sahel, avec une véritable présence, avec des projets sanitaires novateurs, avec la construction d’hôpitaux, de cliniques, d’unités de soins, avec la formation des médecins dans différentes disciplines mettant à profit toute l’expertise marocaine et toute la maîtrise de notre médecine qui, soulignons-le, peut se targuer d’avoir réalisé des avancées considérables dans tous les domaines, avec des médecins de premier ordre, des chirurgiens mondialement connus, des professeurs de grand acabit qui prennent à cœur de transmettre le flambeau dans les pays africains frères. Le tout, sous-tendu par des campagnes de soins médicaux dans plusieurs pays africains, initiées par Sa Majesté le Roi, avec des initiatives uniques de dons de médicaments et d’équipements médicaux, sans oublier toutes les actions menées par le Maroc sous les Hautes directives du Roi Mohammed VI pour aider nos frères africains durant la pandémie du Covid-19, qui a montré à quel point, la coopération entre Africains est cruciale par temps de graves crises sanitaires et humanitaires, puisque ni l’Europe ni le reste du monde n’ont apporté tout le soutien que l’on attendait d’eux pour aider les populations africaines les plus défavorisées. 

D’où le choix du Maroc comme pays initiateur d’une telle vision et le timing du lancement de cette conférence désormais mondiale puisqu’elle réunit des délégations de tous les continents. C’est dans ce sens que le timing de cette conférence mondiale est on ne peut plus actuel. Organiser aujourd’hui, au Maroc, à Marrakech, terre d’histoire aux racines africaines, la deuxième conférence africaine dans sa première édition Sud-Sud sur la réduction des risques en santé, avec pas moins de 80 pays de tous les continents, c’est prendre le pouls de notre continent qui fait face, avec résistance et résilience, à de multiples crises, tout en inscrivant notre démarche dans une approche scientifique et médicale résolument tournée vers l’avenir de l’Afrique et des Africains, avec un objectif commun : la souveraineté sanitaire du continent africain et de tous les pays du Sud de la planète qui sont appelés à collaborer ensemble pour le bien de leurs populations. 

La Quotidienne : C’est un travail de longue haleine et un véritable gage pour construire des alliances Sud-Sud solides et pérennes. 

Docteur Imane Kendili : C’est ce gage que le Maroc veut offrir à tous ses partenaires africains, américains et asiatiques pour qu’ils suivent la même voie, chacun à sa mesure, dans une grande ouverture sur le monde. Il se positionne en Afrique et face au monde comme un État de droit, comme la plus vieille monarchie au monde, dirigée par un Souverain moderne et clairvoyant, qui a su placer son pays au cœur des mutations mondiales en se positionnant comme un leader africain, comme le pays le plus stable dans le Maghreb, comme un interlocuteur respecté et estimé qui œuvre pour la paix, pour le développement des nations et pour le bien-être des populations qui ont besoin de politiques sanitaires fiables et efficaces avec de nouveaux paradigmes en termes de protection sociale. 
C’est pour toutes ces raisons que l’Afrique doit aujourd’hui optimiser et capitaliser sur ces acquis pour jeter des ponts entre tous les pays africains, pour une vision commune de la santé dans le continent. Une région du monde qui est aujourd’hui désignée par les plus grands observateurs comme l’avenir du globe et où le Maroc joue un rôle de choix en termes de santé, d’économie et de politique sociale. Avec cette conviction que l’Afrique, le continent qui a vu naître les humains, incarne aujourd’hui leur avenir. Riche à tous points de vue, avec un potentiel humain extraordinaire, l’Afrique est l’avenir certain de l’humanité, dans un monde de plus en plus clivé et conflictuel. Une Afrique unie, une Afrique diversifiée, une Afrique qui prend son destin en main. Comme le précise le Souverain : «L’Afrique est un choix de cœur et de raison. C’est un choix clair et volontariste, matérialisé par notre engagement à travers de nombreuses initiatives qui dynamisent et promeuvent la coopération et le développement économique interafricain (…) Un choix de faire aujourd’hui de l’investissement un moteur de développement économique et social et d’intégration régionale et continentale en Afrique». 

 

La Quotidienne : Sur un autre plan, African Global Health a offert à cette conférence Sud-Sud une sculpture de grande taille en hommage à l’Afrique. Parlez-nous de la symbolique d’une telle œuvre d’art ? 

Docteur Imane Kendili : Tout à fait. «Jodoor» est une œuvre d’art conçue par African Global Health pour la deuxième conférence africaine sur la réduction des risques dans sa première édition Sud-Sud. Cette sculpture, baptisée «Jodoor», «Racines», «Roots» est un hommage à tout un continent, cette Afrique, mère de l’humanité, son origine et son devenir. Elle parle d’une histoire qui prend racine à l’aube de l’humanité et qui ouvre grand le champ des possibles pour un continent riche de ses racines qui sont autant de promesses pour un monde meilleur, un monde où chacun de nous a le droit de vivre dignement, de rêver de l’impossible et d’espérer l’inimaginable. Cette œuvre est un hommage à toutes les femmes et à tous les hommes, à tous les enfants de cette terre nourricière où se lit notre passé commun et où s’écrit notre avenir à tous. Cette pièce d’art est le fruit d’un travail à plusieurs mains de plusieurs artisans marocains, femmes et hommes, jeunes et moins jeunes, mettant en œuvre tout leur savoir-faire ancestral pour offrir à tous les participants à cette grand-messe dédiée à l’espérance, l’image d’un continent uni et solidaire pour le bien-être de tous. 

 

La Quotidienne : Vous avez également participé à la chaîne de solidarité après le séisme en mettant en valeur le savoir-faire des artisans de la région d’Al Haouz. 

Docteur Imane Kendili : Absolument. Pour participer à la chaîne d’espoir et de solidarité après le séisme qui a frappé de plein fouet la région d’Al Haouz, Africain Global Health a tenu à faire participer des artisans des villages touchés par le sinistre pour réaliser toutes les pièces artisanales qui habillent cet espace. C’est là un travail qui revêt plus d’une symbolique témoignant du courage et de la résilience de toutes ces populations qui ont payé un lourd tribut à cette catastrophe naturelle, mais qui se sont très vite relevées pour nous offrir toute la beauté de cet artisanat du terroir qui est un témoignage à vif de l’enracinement de cette culture d’Al Haouz dans sa géographie avec toutes les facettes de son art qui transcende l’espace et le temps. Tout ce travail sur les tapis, tout ce savoir-faire à modeler le bois et à réaliser des mosaïques et des motifs, aussi anciens qu’authentiques, est l’apanage de plusieurs associations locales, de la région de Marrakech, des coopératives menées par des femmes et des jeunes filles se prenant en main grâce à leur passion et à leur métier qui constitue un véritable pilier sociétal pour tous ces villages où les produits du terroir sont non seulement une marque de fabrique et une carte de visite, mais surtout un engagement pour l’environnement et ses défis écologiques.

 

 

 

 

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