Faute de trésorerie suffisante, les fellahs ne peuvent démarrer les travaux dans les meilleures conditions. Sous l’effet de plusieurs années successives de sécheresse, les travailleurs agricoles cherchent d’autres activités.
Par C. Jaidani
Conscient de la situation difficile que traverse le monde rural et le secteur agricole, le gouvernement a pris une série de mesures en prévision de la prochaine saison. Mohamed Sadiki, ministre de l’Agriculture, a évoqué, lors d’une réunion tenue dernièrement, l’impact négatif des années successives de sécheresse. Au 14 juillet 2024, le cumul pluviométrique national est de 240 mm, soit un recul de 30% par rapport à une année normale. Cela a réduit considérablement les réserves en eau du Royaume. Ainsi, le volume des retenues des barrages a atteint, au 15 juillet 2024, 4,76 milliards de m3 , soit un niveau au-dessous du seuil fatidique des 30%.
Ce niveau est appelé à baisser davantage dans les mois à venir car c’est la période estivale et la météo annonce des chaleurs caniculaires. De nombreux périmètres irrigués sont à l’arrêt. Seuls ceux du Loukkous et du Tafrata continuent à assurer les approvisionnements en eau normalement. Les autres ont subi des restrictions drastiques. Parmi les projections du département de tutelle pour la prochaine campagne agricole, figure un programme prévisionnel des cultures d’automne de 4,36 millions d’hectares de céréales, près de 545.900 ha de cultures fourragères et 105.860 hectares de maraîchage d’automne.
«C’est une hypothèse difficilement tenable, et ce pour de nombreuses raisons. Même en présence d’une pluie abondante bien répartie dans l’espace et dans le temps, les agriculteurs n’ont pas la trésorerie suffisante pour financer les différentes opérations. La plupart d’entre eux sont lourdement endettés. Ces dernières années, la superficie semée en céréales d’automne n’a cessé de baisser pour atteindre 2,47 millions d’hectares pour la saison 2023/2024, soit une baisse de plus de 76% par rapport à la normale», souligne Abdelmounaim Guennouni, ingénieur agronome.
Et de poursuivre qu’«il est important de rééchelonner les dettes des fellahs et de les accompagner pour financer les travaux lors de la prochaine saison, sachant que tous les intrants ont connu une flambée des prix. Les agriculteurs seront également confrontés à une pénurie de main-d’œuvre. Sous l’effet de la sécheresse, plusieurs travailleurs ont boudé le secteur agricole, préférant d’autres activités plus stables et moins liées aux aléas climatiques. Certains ont même quitté les campagnes pour les villes».
En effet, au cours du premier trimestre 2024, on signale la perte de 159.000 postes d’emplois dans le secteur agricole. Ce phénomène n’est pas nouveau, puisque selon le HCP, le nombre d’emplois dans le monde rural a diminué de plus d’un million entre 2006 et 2023. «Si la sécheresse persiste, les pertes d’emplois devraient se poursuivre dans le monde rural et peut-être d’une façon accentuée. De ce fait, la population devrait chercher d’autres alternatives pour gagner sa vie. L’exode rural sera l’option la plus sollicitée. Sauf que cette situation n’a pas été accompagnée par un développement de la mécanisation. En conséquence, le secteur aura besoin de main-d’œuvre pour fonctionner», explique Guennouni.
Par ailleurs, il est utile de préciser qu’il faut éviter le scénario de la pénurie des semences ou la hausse de leurs prix. Le gouvernement s’est engagé à soutenir les semences des céréales certifiées d’environ 40% pour maintenir les prix à la portée des agriculteurs. Il intégrera également de nouvelles espèces, notamment les légumineuses et les fourrages. Il est prévu d’alimenter le marché de 650.000 tonnes d’engrais phosphatés au même prix que celui de l’ancienne campagne. Mais à chaque saison, les exploitants trouvent beaucoup de difficultés pour s’approvisionner en certaines variétés de semences et si elles sont disponibles, elles sont proposées à un prix supérieur à celui fixé par le gouvernement.