Assurance agricole: quel avenir face à la fréquence et l’intensité des sécheresses ?

Assurance agricole: quel avenir face à la fréquence et l’intensité des sécheresses ?

L’avenir de l'assurance climatique agricole repose sur l'adoption d'approches innovantes, une modélisation précise des risques et une collaboration renforcée entre tous les acteurs impliqués.

 

Par D. M.

Dans un monde en proie à des crises climatiques de plus en plus fréquentes et intenses, l'avenir de l'assurance climatique agricole est au cœur d'une transformation nécessaire. Cette problématique a été au centre des débats lors d’un panel organisé à l’occasion de la 10ème édition des Rendez-vous de Casablanca de l’assurance. Conscient des défis imposés par l'augmentation de la fréquence et de l'intensité des sécheresses, Réda Aboutadjine, économiste à la Banque mondiale (BM), a évoqué l’étroite collaboration du gouvernement marocain avec la BM depuis plusieurs années, pour mieux gérer et financer les risques de catastrophes naturelles que rencontre le Maroc. En effet, cette coopération a donné naissance à un système de gestion de financement des risques de catastrophe, initié en 2008 et qui a été déclenché après le séisme d'Al Haouz en septembre 2023.

Cette approche se distingue par sa dualité, combinant une approche proactive du ministère de l'Intérieur avec des mécanismes de financement supervisés par le ministère des Finances et le Fonds de solidarité contre les événements catastrophiques (FSEC). Dans le domaine agricole, cette dualité se révèle tout aussi pertinente. Selon l’économiste, «avant de proposer des assurances couvrant les pertes dues à la sécheresse, il est essentiel de réduire les risques en amont. Et cela passe par l'adoption de technologies résilientes, de pratiques agricoles adaptées et par la promotion de cultures dans les zones moins exposées.

Cette approche préventive vise à optimiser l'efficacité des assurances agricoles». Le rôle des acteurs publics et privés dans ce contexte est crucial. Les assurances agricoles doivent garantir à la fois la solidarité envers les agriculteurs les plus vulnérables et la viabilité économique du secteur. Ainsi, un équilibre entre un système assurantiel privé pour les risques assurables et un fonds public de solidarité pour les situations exceptionnelles est nécessaire. Abordant l’aspect de l'expérience marocaine en matière d'assurance climatique agricole, Mahmoud Oudrhiri, Directeur général délégué de MAMDA-MCMA, affirme, chiffres à l’appui, qu’elle est particulièrement instructive.

«Le programme de multirisque climatique (MRC) initié en 1994 a considérablement évolué pour devenir un pilier de la résilience agricole. La transformation de ce programme en contrat d'assurance tripartite en 2011 a permis d'augmenter significativement la superficie assurée de 68.000 hectares à 1,2 million d’hectares, tout en jouant un rôle crucial dans le développement de la résilience des agriculteurs marocains. Sur les 5 dernières années, la MAMDA a payé pas moins de 3 milliards de dirhams, pour compenser les pertes agricoles dues à la sécheresse».

L'innovation et la digitalisation jouent un rôle central dans ces initiatives, modernisant les processus de gestion et renforçant la capacité du Maroc à faire face aux défis climatiques. L'intervention de Jean-Luc Gourgeon, gérant JLG Consulting, dans ce panel, a mis en lumière les défis spécifiques auxquels les réassureurs agricoles sont confrontés dans le contexte du changement climatique. Il a fait mention des défis ainsi que des mesures proposées pour atténuer les risques qui y sont associés. Ces défis incluent la nécessité de repenser les modèles actuariels traditionnels et de trouver des solutions de financement viables face à l'augmentation des risques. Car, selon lui, «les modèles actuariels traditionnels, basés sur des tendances passées, sont de moins en moins efficaces pour prédire les risques agricoles en raison de l'incertitude croissante liée au changement climatique».

De plus, le marché de l'assurance agricole est relativement restreint en raison de sa technicité et de sa taille, ce qui limite les possibilités de mutualisation des risques. Le changement climatique exacerbe les problèmes de financement par l’augmentation des risques, sans nécessairement accroître les fonds disponibles pour les indemniser. Comme solutions innovantes, il propose l'utilisation de technologies agricoles modernes, et la modélisation précise des risques pour atténuer ces défis. Gourgeon souligne aussi le rôle crucial des réassureurs dans la redéfinition de la mutualisation des risques à l'échelle internationale, qui ne pourra être possible que via une collaboration étroite entre les assureurs et les décideurs politiques.

 

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