A quelques jours de Aid Al-Fitr, les prix des vêtements atteignent des sommets.
En plus de la hausse du coût de la matière première et de l’insuffisance de l’offre face à la demande, cette flambée des prix s’explique également par le fait que certains vendeurs saisissent l’occasion pour gonfler leurs bénéfices.
Par M. Ait Ouaanna
Après des semaines de jeûne et de spiritualité, le moment est venu pour se préparer à la célébration de l’Aid Al-Fitr. Comme à l’accoutumée, les parents mènent une course contre la montre pour dénicher les plus belles tenues pour leurs enfants. Mais cette année, l’Aid coincïde avec une conjoncture économique exceptionnelle : l’inflation bat des records et le secteur de l’habillement n’est pas à l’abri des répercussions.
En effet, l’indice des prix à la consommation a enregistré, au cours du mois de février 2023, une hausse de 10,1% par rapport à la même période de l’année précédente. Cela résulte de la hausse de l’indice des produits alimentaires de 20,1% et de celui des produits non alimentaires de 3,6%.
Une situation difficile qui met à mal le porte-monnaie des ménages marocains. Préoccupés par cette succession d’épisodes inflationnistes qui ont frappé de plein fouet leur pouvoir d’achat, les parents se trouvent coincés entre le désir de se procurer des vêtements de bonne qualité et le fait que leur budget soit limité. A la recherche de nouvelles tenues à des prix abordables pour ses deux enfants, Lamiaa a fait le tour des magasins de prêt-à-porter du centre ville de Casablanca, mais en vain.
Partout, c’est chaud bouillant ! «J'ai été surprise de voir à quel point les prix ont augmenté. Je ne me souviens pas avoir vu une telle hausse auparavant. C'est très frustrant de se sentir à la fois pressé et limité par le budget. Je me retrouve obligée de dépenser plus que je ne le souhaitais pour acheter des vêtements de qualité pour mes enfants», nous confie-t-elle. «Les gens veulent faire plaisir à leurs enfants pour cette occasion spéciale, mais débourser autant d'argent pour une seule tenue est inadmissible. En tant que famille qui essaye de faire des économies et de réduire ses dépenses, cette hausse des prix est très difficile à encaisser. J'espère que le gouvernement va mettre en place les mesures nécessaires afin de permettre aux citoyens de consommer sans se ruiner et sans être contraints de recourir à des crédits», poursuit-elle.
A la grande détresse des plus démunis
Qu’il s’agisse de produits importés ou d’articles fabriqués localement, modernes ou traditionnels, les prix ont nettement grimpé par rapport à l’année dernière. Au grand dam des plus précaires qui n’ont plus les moyens de s’offrir des vêtements à l’occasion de l’Aid. Du côté des professionnels du secteur, cette flambée des prix s’explique essentiellement par la hausse du coût de la matière première et l’insuffisance de l’offre face à la demande.
«En tant que vendeurs, nous avons vraiment du mal à convaincre les citoyens que la hausse vertigineuse des prix pratiqués par les fournisseurs se répercute sur notre tarification. Tout comme les clients, nous sommes également victimes de cette flambée des prix. Cette dernière s’étend non seulement aux vêtements en provenance de l’étranger, mais également à ceux façonnés au Maroc, puisque l’essentiel de la matière première est importé. Cette situation nous place dans une position embarrassante vis-à-vis des acheteurs», nous explique Meryem, responsable d’une boutique de prêt-à-porter à Casablanca.
«Pour certains produits, les prix ont augmenté de l’ordre de 45%, les rendant inaccessibles aux familles à faible revenu. Les raisons de cette hausse inédite sont multiples. En plus du contexte inflationniste actuel, à l’approche de l’Aïd Al-Fitr, le marché des vêtements enregistre une grande affluence. Dans ce cas là, le problème qui se pose est que la demande est souvent plus importante que l’offre, ce qui conduit automatiquement à la hausse des prix», précise la même source.
Même son de cloche chez Hassan, vendeur de vêtements pour enfants, qui attire l’attention sur certaines «pratiques irresponsables» qui accentuent davantage cette hausse des prix. «Par rapport aux années précédentes, les prix des articles vestimentaires ont beaucoup augmenté, que ce soit ceux que nous importons de l’Europe, notamment de la Turquie, de la Chine ou ceux fabriqués au Maroc. Cette hausse faramineuse est due à plusieurs facteurs, notamment l’explosion du coût de la matière première au niveau mondial, du prix du fret et l’augmentation des taxes douanières. De plus, de nombreux fournisseurs abusent de la situation pour élever leurs prix, sans oublier que certains vendeurs cherchent à s’enrichir aux dépens du consommateur en augmentant leur marge bénéficiaire», alerte-t-il.
Place à l’arnaque…
Dans le même ordre d’idées, le président de la Fédération marocaine des droits du consommateur (FMDC), Bouazza Kherrati, révèle que certains commerçants mal intentionnés saisissent l’occasion pour proposer aux citoyens des articles de friperie, les faisant passer pour des articles neufs.
«Certains vendeurs achètent des vêtements de friperie, les soumettent au dégraissage, les emballent, puis les proposent dans leurs magasins en tant que produits neufs. Le contrôle de la sécurité industrielle relevant de la loi 24.09 n’est malheureusement pas appliqué sur les vêtements, à l’exception des articles exportés. Ceux vendus au citoyen marocain échappent à tout contrôle, ce qui risque de mettre sa santé en danger», se désole-t-il.
Exonération de la TVA : La solution idéale
Bouazza Kherrati, qui se réjouit de la récente annonce du gouvernement concernant l’exonération des équipements et des intrants agricoles de la TVA, souligne qu’il est indispensable d’étendre cette mesure à tous les produits de base. «Il s’agit de l’une de nos principales revendications depuis la fin de l’année 2022. Depuis que les prix ont commencé à flamber, la Fédération n’a cessé de demander la suspension de la TVA. C’est la meilleure décision que l’exécutif a prise depuis le début de cette crise. Nous espérons que cette mesure sera élargie à d’autres produits de première nécessité, notamment les carburants. Si le gouvernement arrive à réduire ou à supprimer la TIC sur les produits pétroliers, tous les secteurs vont en tirer profit».
En attendant, Bouazza Kherrati appelle les consommateurs à mieux gérer leurs dépenses liées à l’Aid Al-Fitr, notamment en évitant les achats superflus. «Les Marocains ont tous au moins une tenue traditionnelle dans leur penderie; ils ne sont donc pas obligés d’acheter une nouvelle à chaque occasion. Face à cette flambée des prix, les consommateurs doivent s’abstenir et ne pas céder à l’envie de se faire remarquer par leurs achats. Il ne faut pas tomber dans le piège, il est important d’apprendre à acheter selon le besoin et de faire des économies».