Capitalisant sur les acquis de ses plans stratégiques, l’Administration des douanes et impôts indirects (ADII) s'apprête à mettre en œuvre son 4ème plan stratégique pour le quinquennat 2024- 2028. Tour d'horizon.
Par A. Hlimi
Ce nouveau plan vise à propulser l’ADII vers une ère de modernité, d’agilité et de performance au service du citoyen. Car avec l’augmentation des trafics transfrontaliers et la complexification des chaînes logistiques internationales, les missions de sécurité et de protection prennent de l’ampleur. En même temps, la banalisation des échanges commerciaux et la prolifération des opérations de e-commerce, ainsi que la croissance du mouvement des passagers, notamment par voie aérienne, augmentent la pression sur les services douaniers tenus de lutter contre les trafics illicites, nocifs à la santé et la sécurité des citoyens.
«D’où l’impératif de renouveler les méthodes d’intervention et de se doter d’équipements et d’outils adaptés afin de faire face aux nouvelles formes de fraude et aux stratagèmes de plus en plus ingénieux des trafiquants», note-t-on auprès de l'institution. Le contexte actuel présente aussi et en même temps d’importantes opportunités à saisir. Sur le plan technologique, des solutions émergentes sont adoptées par les douanes du monde, notamment l’intelligence artificielle et la Blockchain. Elles sont mises à profit aussi bien dans la lutte contre la fraude que dans la facilitation des procédures. En termes de coopération et de partenariat, les acteurs publics et privés sont de plus en plus ouverts à des échanges de données et au renforcement du partenariat au service de la fluidification des processus de décision et de traitement des dossiers des clients-usagers. C’est dans ce contexte que l’ADII introduit le présent plan stratégique qui vise à marquer un saut qualitatif dans son action en faisant face aux défis et contraintes actuels et prévisibles, tout en exploitant les opportunités qui s’offrent à elle.
Programme AfriDouane
En matière de coopération internationale et pour s’adapter à la nouvelle donne économique, l’ADII lancera le programme AfriDouane, visant à accompagner les administrations douanières africaines partenaires en matière de renforcement des capacités. Parallèlement, la mise en place d’un réseau d’Attachés douaniers permettra de renforcer la présence de l’ADII auprès des principaux partenaires du Maroc au service de la promotion des investissements et de la lutte contre la fraude transfrontalière. L’objectif est de consolider les relations de coopération technique avec les autorités douanières des pays partenaires et de renforcer la position du Maroc auprès des différentes instances internationales (OMD/UE/Union africaine/ Ligue arabe…).
Partie prenante dans les chantiers d’infrastructures, l’ADII se mobilise pour apporter l’accompagnement nécessaire aux projets structurants d’envergure prônés par sa Majesté le Roi, que Dieu l’assiste, et conduit par le gouvernement avec vocation de dynamiser certaines régions et en faire une véritable plaque tournante du commerce international, notamment dans la région MENA. A ce titre, l’ADII accompagnera les projets de construction et de mise en service des deux ports de Dakhla Atlantique et Nador West MED. Ce dernier comprendra une plateforme industrialo-portuaire intégrée située sur la côte méditerranéenne de la région de l’Oriental. Elle œuvrera à la mise en place de l’organisation et les procédures ainsi que les ressources humaines, nécessaires au lancement du projet du port de Nador West Med. De même, l’ADII continuera d’accompagner le port de Tanger Med dans ses projets d’extension et de modernisation. Pour ce faire, elle compte, entre autres, arrimer les dispositions organisationnelles et procédurales au développement que connait ce port. La digitalisation de l’ensemble des processus et la sécurisation des circuits empruntés par les marchandises figurent parmi les objectifs phares attendus également.
Une meilleure mobilisation des recettes
L’ADII poursuivra le chantier de relecture des textes législatifs et réglementaires en fusionnant les deux Dahirs relatifs au CDII et aux impôts indirects en un seul corpus juridique. Cette unification vise à accroître la transparence et la lisibilité du cadre juridique douanier pour l’ensemble des usagers (particuliers, opérateurs économiques, etc.). La modernisation du processus du recouvrement des recettes douanières passera primordialement par une gestion efficace du contentieux, en optimisant la gestion et le suivi des dossiers judiciaires et en favorisant la digitalisation des dossiers contentieux.
A cet égard, l’Administration s’engage à achever la mise en œuvre de l’échange électronique des données judiciaires et à étudier l’opportunité d’externaliser certaines tâches relatives à la gestion du contentieux. La consolidation des données relatives au recouvrement des créances douanières est également un axe fondamental. L’ADII mettra l’accent sur la fiabilisation des données concernant les RAR et développera l’outil d’analyse pertinent afin d’améliorer la visibilité et facilitera la prise de décision en matière de recouvrement. Pour appuyer l’action de l’Administration dans ce domaine, la réforme du Code de recouvrement des créances publiques (CRCP) en collaboration avec la Trésorerie Générale du Royaume sera également considérée. Par ailleurs, pour faire face aux enjeux fiscaux liés aux hydrocarbures et afin de prévenir et lutter contre les différents courants de fraude dans ce domaine, l’Administration s’engagera dans le cadre de sa nouvelle stratégie à améliorer le cadrage de cette activité, tout en introduisant les outils modernes adéquats (cahiers des charges pour les entrepôts, marquage fiscal, etc.). Enfin, une attention particulière sera accordée à la protection de l’environnement en instaurant une fiscalité relative à l’émission de CO2, à travers la mise en place d’une taxe carbone et la suppression des mesures dérogatoires.
Transformation digitale
Dans l’objectif de simplifier et d’accélérer les démarches administratives pour les usagers, tout en renforçant l’efficacité et la transparence des services douaniers, l’ADII ambitionne de parachever le processus de dématérialisation à travers la digitalisation du reste des procédures qui ne le sont pas encore. A cet effet, l’élargissement de la dématérialisation portera, entre autres, sur les déclarations ATA et e-TIR, ainsi que les autorisations octroyées par l’administration et reprises dans la liste relative à la loi 55/19. Dans la même perspective, la dématérialisation totale des échanges avec la Narsa et le ministère des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l'étranger (MAECA MRE) sera engagée et des solutions technologiques seront proposées pour améliorer la gestion des AT voyageurs.
Face aux mutations que connait le secteur de la logistique et au développement du commerce international, l’administration s’engage à l’adaptation des principaux supports déclaratifs, à savoir la déclaration sommaire (DS), la déclaration unique de marchandises (DUM) et la déclaration occasionnelle (DO). Cette révision vise à la fois à simplifier les démarches pour les déclarants et à renforcer les outils de contrôle dont dispose l’administration. Dans le contexte du développement du e-commerce, des améliorations seront apportées aux procédures douanières relatives aux envois postaux et express. De même, des outils numériques intuitifs seront également mis à la disposition des utilisateurs pour simplifier leurs démarches et améliorer leur expérience client. A ce propos, un simulateur de droits et taxes simplifié pour les produits communément importés par les particuliers sera développé, ainsi qu’une application permettant de suivre en temps réel le statut douanier des envois e-commerce. Par ailleurs, et dans le cadre du renforcement du partenariat avec le secteur privé, l’administration entend réviser le programme Opérateur économique agréé (OEA).
Mieux protéger l'économie marocaine
L’Administration compte renforcer son dispositif de renseignement pour mieux identifier les risques et orienter les actions de contrôle. Cette initiative se traduira par l’intégration du dispositif de renseignement au sein du système d’information actuel, l’automatisation du traitement des demandes d’assistance administrative mutuelle internationale (AAMI) et la création d’une base de données dédiée au renseignement. En outre, des procédures plus harmonisées seront mises en place pour garantir une mobilisation optimale de l’ensemble des acteurs et un fonctionnement homogène, efficient et fluide.
Parallèlement, l’ADII s’attachera à améliorer la sélectivité des contrôles en ciblant les situations les plus suspectes et en optimisant l’allocation des ressources. A cet effet, le système de sélectivité actuel sera enrichi de nouveaux critères de ciblage s’appuyant sur les données relatives aux valeurs des marchandises, au contentieux et aux données concernant les transporteurs. Aussi, une attention particulière sera accordée au renforcement du contrôle a priori en tant que palier important dans la chaîne de contrôle. Cela permettra d’anticiper les risques potentiels, de prévenir les fraudes et d’orienter le contrôle immédiat de manière plus efficace. Par ailleurs, l’administration poursuivra les actions d’amélioration des moyens technologiques de contrôle en veillant notamment dans le cadre de cette nouvelle stratégie, à la révision et à l’harmonisation des procédures régissant le contrôle par scanner, ce qui permettra d’assurer une meilleure supervision du circuit de ce mode de contrôle et de renforcer sa traçabilité. Aussi, l’ADII s’engaget-elle à exploiter les potentialités de l’intelligence artificielle (IA) dans divers domaines relevant de ses missions. Cela se traduira par l’utilisation de l’IA pour l’interprétation des images issues des scanners, l’élaboration de modèles d’analyse prédictive basés notamment sur les énonciations de la DUM pour la détection de fraudes. L’Administration veillera également à adopter une solution de Tracking des ensembles routiers et conteneurs.
Ce dispositif, quis’appuie sur des technologies de pointe telles que les scellés électroniques et la RFID, vise à renforcer le contrôle des opérations de transit et à assurer la sécurité des flux au sein des enceintes portuaires. En complément aux projets et actions ci-dessus, qui auront un impact positif sur la compétitivité des entreprises grâce à la réduction des délais de dédouanement et l’amélioration de la qualité de service, l’ADII projette de domicilier l’essentiel de sa relation avec l’entreprise au plus près de la résidence de cette dernière. Ceci permettra de faciliter les démarches aux opérateurs, les rapprocher du lieu de dédouanement et, partant, leur assurer un suivi plus individualisé facilitant ainsi leur localisation en cas de contrôle.