Action Lumière II : Electrifier l’Afrique : l’obsession des opérateurs marocains

Action Lumière II : Electrifier l’Afrique : l’obsession des opérateurs marocains

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Les défis de l’Afrique, qui affiche le taux d’électrification le plus bas à l’échelle mondiale, sont énormes.

La production et le transport d’énergie ainsi que la fabrication d’équipements dénotent une grande marge de progression au Mali, au Cameroun et au Togo, trois pays ciblés par Action Lumière II, organisée récemment par Maroc Export, en partenariat avec la Fédération nationale de l’électricité, de l’électronique et des énergies renouvelables. Il était question pour les 75 entreprises marocaines participantes de montrer leur expertise avérée aux opérateurs des trois pays précités, afin de nouer des partenariats d’affaires gagnant-gagnant.

Après le retentissant succès d’Action Lumière I, Maroc Export, en par­tenariat avec la Fédération nationale de l’électricité, de l’électronique et des énergies renouvelables (Fenelec), a renouvelé récemment l’expé­rience concluante dans trois pays africains que sont le Mali, le Cameroun et le Togo. En cela, Action Lumière II se positionne comme étant un puissant moteur de la coo­pération Sud-Sud, qui a pour porte-étendard le Maroc. Cet évènement devenu incontour­nable et qui a mobilisé près de 75 entreprises marocaines exerçant dans les métiers de l’électricité, de l’électronique et des énergies renouvelables, a permis, d’une part, de pré­senter l’expertise du Maroc dans les domaines précités et, d’autre part, de mettre sur orbite les immenses potentia­lités dont regorgent le Mali, le Cameroun et le Togo. Ce qui interpelle en se prome­nant dans les trois capitales africaines précitées, c’est le contraste entre le dynamisme économique, traduit entre autres par l’urbanisation des villes et le foisonnement des institutions financières et des compagnies d’assurances, et le manque criard d’infras­tructures à même de décon­gestionner les zones forte­ment peuplées. La deuxième édition d’Action Lumière, présidée par Zahra Maafiri, Directrice générale de Maroc Export, avait comme temps forts les ateliers de présenta­tion des opportunités dans les secteurs électrique, électro­nique et des énergies renou­velables du Maroc et des trois pays précités, les rencontres BtoB, les visites sur site et les signatures de protocoles d’accord de coopération afin de dynamiser les échanges commerciaux.

L’expertise marocaine

Au cours des trois étapes africaines, la patronne de Maroc Export n’a cessé de rappeler le savoir-faire avéré des entreprises marocaines et la disposition de celles-ci à mettre au profit de leurs homologues africaines leur expertise. «En l’espace de 15 ans, les entreprises maro­caines réunies autour de la Fenelec, qui compte actuel­lement près de 650 entre­prises, ont pu électrifier tout le Royaume, et ce grâce au programme d’électrifica­tion rurale (PERG)», assure Mustapha Mouchrek, vice-président de la Fenelec, lors du périple malien. Faudrait-il rappeler que le Maroc, qui affiche un taux d’électrification de 99%, s’est imposé comme un leader incontesté dans le domaine des énergies renou­velables, comme en témoigne la récente mise en service de la centrale solaire Noor I. A en croire Ali Zerouali, directeur des partenariats et coopéra­tions de MASEN, l’autre tour de force a été la capacité du pays de doper promptement la part des énergies renou­velables dans le mix éner­gétique. Celle-ci est de 35% actuellement, quand bien même l’objectif est d’atteindre 42% à l’horizon 2020. Cela dit, l’exemple édifiant de la réussite du modèle marocain dans le secteur de l’électrifi­cation en Afrique est incarné par la société Fabrilec, qui a à son actif 87 villages électrifiés au Cameroun, la réalisation de 800 km de lignes moyenne tension au Burkina Faso et l’obtention de marchés en Guinée équa­toriale. Cette société modèle pour les autres entreprises marocaines doit sa réussite à une stratégie bien huilée fondée sur l’écoute, le sérieux et l’alliance avec les parte­naires locaux. L’ensemble des contrats de la société Fabrilec en Afrique représente plu­sieurs millions d’euros. «Dans les trois pays africains, nous étions en compétition avec de grandes entreprises étran­gères (indiennes, chinoises, etc.) et pourtant, nous avons été retenus pour exécuter de gros projets», martèle Mustapha Mouchrek, PDG de Fabrilec, pour donner plus de crédit à l’expertise marocaine, dont sont friands les opéra­teurs malien, camerounais et togolais.

L’engouement suscité par Action lumière II

Au total, ce sont plus de 180 entreprises maliennes qui ont fait le déplacement pour rencontrer les 75 socié­tés marocaines à Bamako. Les autorités publiques et les autres opérateurs du secteur privé malien n’étaient pas en reste, comme en témoigne, entre autres, la présence de Mamadou Frankaly Keita, ministre malien de l’Energie et de l’Eau. Même son de cloche pour l’étape camerou­naise marquée par la mobili­sation des autorités publiques et l’organisation de 1.200 rencontres BtoB au profit de plus de 200 entreprises maro­caines et camerounaises. Toutefois, c’est le Togo qui a remporté la palme d'or en termes de mobilisation des autorités publiques, avec la présence de trois ministres du gouvernement lors de la séance plénière. Au-delà de cet engouement, cette initia­tive née d’une étroite colla­boration entre Maroc Export et la Fenelec a été fructueuse pour les entreprises natio­nales. En effet, rien que pour l’étape malienne, une valeur de 4.270.000 euros de com­mandes fermes a été annon­cée par les responsables de Maroc Export. A cela s’ajoutent 15.642.000 euros de commandes en cours de négociation. Pour ce qui est du Cameroun, les opérateurs marocains ont enregistré près de 7,2 millions d'euros de commandes fermes. En outre, près de 17,8 millions d'euros de commandes seraient en cours de négociation. Cela dit, lors de l’audience accor­dée à la délégation maro­caine par Patrick Daté Tévi-Benissan, Secrétaire général de la Présidence togolaise, ce dernier a mentionné l’ambi­tieuse volonté de son pays de s’affranchir de la dépendance énergétique des grands pays consommateurs d’énergie, pour ne citer que le Nigeria ou le Ghana. Ce dessein élargit incontestablement la fenêtre d’opportunités de partenariat entre le Maroc et le Togo, qui enregistre un taux d’électrifi­cation situé autour de 30%, avec une puissance électrique installée tournant autour de 150 MW seulement.

Des besoins énergé­tiques croissants

L’on retrouve plusieurs parti­cularités communes au trois pays. Il s’agit, entre autres, de la prise de conscience des pouvoirs publics du caractère crucial de l’énergie pour le développement économique, l’augmentation de la demande d’électricité, la volonté poli­tique d’assurer une certaine autonomie énergétique et le grand potentiel en termes de production d’énergies renou­velables. A titre d’exemple, le Mali est dans l’incapacité de satisfaire un besoin de 300 MW, avec une progres­sion de la demande annuelle d’électricité située autour de 10%. Le Cameroun est certes mieux loti, avec 1.354 MW de puissance électrique installée, mais son potentiel hydroélec­trique n’est exploité qu’à 11%. Sachant que cette locomotive économique de l’Afrique cen­trale, pays jouissant d’atouts indéniables pour la production d’énergies solaire et éolienne, nourrit l’ambition de porter sa capacité de production élec­trique à 3.000 MW à l’horizon 2030. Par ailleurs, il est utile de souligner que le leitmo­tiv des pouvoirs publics des trois pays susmentionnés est l’amélioration du climat des affaires et la réforme du sec­teur de l’énergie visant, entres autres, le foisonnement des partenariats public-privé, le désengagement de l’Etat et la promotion des énergies propres.

Dans le même ordre d’idées, Ali Zerouali, directeur des partenariats et coopérations de Masen, reste convaincu qu’au regard des immenses atouts dont recèle l’Afrique, le continent est à même de porter la révolution verte en étant à l’avant-garde de la production d’énergie propre, de plus en plus compétitive. En effet, la centrale solaire de Ouarzazate, dotée de la tech­nologie CSP, affiche un record mondial de 14 cents de dollar le KWH. Au demeurant, il est clair que cette révolution verte se fera avec une collaboration plus accrue des pays afri­cains. De ce point de vue, l’intérêt d’Action Lumière II réside dans le fait de mettre l’expertise africaine au profit des Etats du continent de plus en plus convaincus de la per­tinence du partenariat Sud-Sud. D’où le slogan judicieux de la Fenelec : «L’Afrique doit électrifier l’Afrique». La manifestation était aussi l’oc­casion de pointer du doigt les obstacles aux échanges commerciaux entre le Maroc et les trois pays partenaires.

Les principales contraintes

Du côté des opérateurs éco­nomiques marocains et ceux issus des pays cités plus haut, il existe une réelle volonté d’accroître le flux des échanges commerciaux. Toutefois, bon nombre d’opé­rateurs marocains se heurtent au coût prohibitif du fret mari­time et des droits de douane jugés élevés dans certaines économies africaines. Lors de l’atelier de présentation au Cameroun, l’exemple édi­fiant évoqué est le prix du fret maritime d’un conteneur entre la Chine et l’Afrique qui s’élève à 200 dollars. Tandis que le prix du trans­port maritime d’un conteneur entre Casablanca et un pays d’Afrique de l’Ouest peut atteindre 2.000 dollars. Cela remet en selle le débat por­tant sur la compétitivité des entreprises marocaines. Outre les droits de douane élevés nécessitant la mise en place d’accords commerciaux pré­férentiels, l’autre grief évoqué par les opérateurs nationaux concerne l’aspect financier, notamment bancaire. Ceux-ci jugent que les banques maro­caines implantées en Afrique ne jouent pas le jeu, car elles traînent le pied pour financer les projets d’investissement des entreprises locales. De plus, les taux d’intérêt des crédits bancaires demeurent toujours élevés. Toutefois, en dépit de ces contraintes, force est d’admettre que les échanges commerciaux entre le Maroc et les pays africains ne cessent de progresser. Du reste, le grand défi réside dans leur diversification. En définitive, le genre d’initiatives d’Action lumière est à étendre à d’autres secteurs, car cette caravane puise sa force dans sa capacité à rapprocher la communauté d’affaires du Maroc à celles d’autres pays du continent, dont la plupart affichent des taux de crois­sance élevés. L’autre élément de bon augure, au-delà des chiffres évoqués plus haut, concernant le Mali, est que la plupart des opérateurs maro­cains interpellés par nos soins sont optimistes quant à la possibilité de nouer des par­tenariats d’affaires avec leurs homologues togolais. «Pour ce qui est du Cameroun (mar­ché plus mature), qui pré­sente un grand potentiel, la tâche ne sera pas facile», confie le vice-président de la Fenelec.

Le modèle Masen en vedette

Action Lumière II était l’occasion pour Ali Zerouali, directeur des partenariats et coopérations de Masen, de présenter aux opérateurs publics et privés des trois pays visités le modèle concluant de son institution. En effet, le plus grand défi des énergies renouvelables se situe au niveau de leur compétitivité par rapport aux énergies fossiles. Sur ce point, l’entité dirigée par Mustapha Bakkoury a jusque-là réussi à tirer son épingle du jeu en contribuant à la baisse du kilowattheure de l’énergie solaire. En effet, Masen dont la dette est garantie par l’Etat arrive à lever auprès des bailleurs de fonds internationaux des financements compétitifs, avec des taux tournant autour de 1%. Cette manne est prêtée à taux réduit aux entreprises dans lesquelles Masen détient 25% du capital. L’autre aspect améliorant la compétitivité de l’énergie solaire réside dans l’ADN de Masen qui est un «provider services». L’entité publique viabilise les sites de production d’énergie solaire (accès, routes, etc.).

DNES au Mali, Cameroun et Togo : Momar Diao

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