Le Maroc est en proie à une forte inflation induite par une hausse historique des prix des denrées alimentaires.
Le gouvernement a dû demander aux exportateurs de réduire leurs expéditions vers l’étranger pour satisfaire la demande intérieure.
Par A. Diouf
Faut-il garder le modèle économique agricole du Maroc tourné vers l’export ? C’est l’une des questions majeures que se posent les spécialistes du secteur de l’agriculture, dans ce contexte inflationniste. Compte tenu de plusieurs facteurs exogènes, mais également endogènes, notamment les effets de la guerre russo-ukrainienne, le réchauffement climatique et les sécheresses qu’il entraine, le Royaume a connu, durant les trois premiers mois de l’année en cours, une inflation historique.
Mois après mois, les prix ont continué à grimper. Selon le HCP, l’IPC du mois de janvier a ainsi augmenté de 8,9% par rapport au même mois de l’année 2022. En février, l’inflation est montée à 10,1% par rapport au même mois de 2022, portée par la hausse de l’indice des produits alimentaires de 20,1% et de celui des produits non alimentaires de 3,6%. Les hausses des produits alimentaires observées entre janvier et février 2023 concernent principalement les légumes (17,8%) et les fruits (5,7%).
Exportations vs importations
Le maintien des tensions inflationnistes a poussé les autorités à demander aux exportateurs de diminuer leurs expéditions, à la veille du mois de Ramadan, pour satisfaire la demande locale. C’est ainsi qu’en mars, l'indice des prix à la consommation a enregistré, en glissement annuel, une hausse (moins importante qu’en février) de 8,2%, avec une augmentation de l’indice des produits alimentaires de 16,1%. Toutefois, les prix des fruits et légumes ont continué à augmenter.
Pourquoi ? Parce que le modèle agricole marocain favorise considérablement les exportations, et le ministère de tutelle ne se prive pas de s’en enorgueillir. Selon les derniers chiffres publiés par le HCP, les exportations du secteur agricole marocain ont augmenté de 20% pour atteindre un record de 80 milliards de dirhams l’année dernière. Dans ce total, les exportations de fruits et légumes frais ont atteint un volume de 2,3 millions de tonnes (un peu plus du tiers) durant l’année 2022, soit une croissance annuelle de 10%.
Cette tendance à la croissance à deux chiffres des exportations de fruits et légumes a concerné toutes les familles de produits et toutes les destinations, dont principalement le marché de l’Union européenne. Les exportations de fruits rouges ont enregistré une croissance de 20%, atteignant un volume 131.900 tonnes. Celles de tomates ont également augmenté de 19% l’année dernière, selon la note de conjoncture du ministère des Finances, qui révèle aussi que les exportations de poivrons, concombres et agrumes ont augmenté de plus de 10%.
Parallèlement, les légumes vendus sur le marché marocain sont devenus presqu’aussi chers qu’en Europe, alors qu’ici les salaires sont cinq fois moins élevés. Face aux tensions inflationnistes extrêmes, les populations sont, bien entendu, sorties plusieurs fois pour manifester contre la vie chère. Le pouvoir d’achat a d’ailleurs été au cœur des revendications du 1er mai. C’est pourquoi le secrétaire général adjoint de l'Union nationale du travail au Maroc (UNTM), Abdelilah Dahmane, a appelé, à cette occasion, le gouvernement à «adopter des mesures immédiates pour plafonner les prix et trouver un équilibre entre les importations et les exportations en vue de contrôler l'inflation, et à prendre des mesures urgentes pour préserver la sécurité alimentaire des Marocains».