La photo d’El Ouarga Hasnae ne nous renvoie pas à ce qui est clairement identifiable, mais donne communément à voir, primo, la façon dont la ville est appréhendée, voire l’urbanisation qui la déborde.
Lorsqu’on y regarde, on rencontre immanquablement le malaise, l’inquiétude, l’étrangeté, l’énigme, le mystère très vague et diffus, l’enchantement pétrifié ou l’état d’hypnose.
Tout cela, El Ouarga Hasnae le conte dans un style dépouillé qui happe le regard. Il est remarquable, d’autant qu’il manifeste sa hantise des lieux et son amour pour les autres. A cela, elle voue un culte fervent.
Après avoir cueilli dans les lieux leur atmosphère furtive et veloutée (qui n’est souvent que pour un instant fugitif), elle l’enveloppe d’ombre et de lumière pour mieux en épaissir le mystère.
L’artiste scrute avec une inlassable curiosité les coins et les recoins gorgés de soleil, les terres ingrates, insaisissables et désolées, car elles ont été tellement galvaudées qu’elles en ont perdu leur suc.
Par ailleurs, ce qui hante l’espace, exerce aussi un attrait irrésistible sur la photographe. En observatrice de la condition, tantôt indigente, elle prend son bâton de photographe pour se faire la visiteuse du pauvre. De là, elle offre à voir une galerie de gens de peu, saisis, avec une infinie délicatesse dans leurs menus gestes quotidiens. Sur leur mode de vie s’obnubile l’œil de Hasnae.
Les sujets, cadrés, quelquefois nous fixent de leurs blessures mises à nu mais aussi de leur regard où l’on entrevoit parfois une lueur d’espoir. Ce sont les tréfonds de leur âme, reflétés par leurs visages creusés, ridés, ravinés, griffés, à l’image du sol sur lequel ils se meurent que l’artiste tente de mettre en vive lumière avec complaisance, pittoresque et en se bornant à un langage non-minimal mais ô combien éloquent.
La voilà qu’elle rôde, flâne et va à la rencontre des gens pour partager leur âpre quotidien, percer leur intimité, s’immiscer dans leur vie avant de les mettre en boîte.
Des hommes, des femmes, des vieillards et des enfants au regard grave, au visage marqué et aux membres éprouvés. Certains toisent l’objectif, d’autres semblent l’avoir apprivoisé, quelques-uns lui tournent le dos ; aucun n’a l’air d’être surpris.
Ceci dit, d’autres traits caractéristiques de la vie se trouvent enfermés dans la durée, grâce à la vigilance de cette préposée à la capture de vies.
Une vision affolante tantôt apaisante, exprimée sous un lyrisme effréné, et avec une compassion pudique.
Suivez-là sur : www.instagram.com/elhasnae
Par R.K.H