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Dureté de la vie: les Marocains et leur santé mentale

Dureté de la vie: les Marocains et leur santé mentale

Les difficultés que vit une majorité de Marocains face à la cherté de la vie, au chômage, au manque de moyens, d’opportunités de travail, avec des charges de plus en plus importantes pour élever des enfants, les scolariser, les nourrir, les soigner, leur offrir, de temps en temps, un sourire ou une petite parenthèse d’insouciance… tous ces éléments rendent la vie dure. Ils en font un poids terrible à porter. Une corvée de tous les instants pour subvenir à ses besoins, pour ne pas sombrer dans la précarité chronique et ne jamais trouver d’issue pour se relever.

Face à cette situation inextricable, l’impact psychologique et mental est très lourd. Les gens souffrent, en silence. Ils peinent à formuler leurs peines. Ils endurent et se taisent. Ont recours à leur résilience pour faire face, pour garder la tête en dehors de l’eau. Mais, plus on endure, plus on devient coriace, certes, mais on y laisse aussi beaucoup de plumes. D’où les pathologies nombreuses sur le plan psychiatrique dont se plaint un grand nombre d’entre nous.

Stress chronique, fatigue généralisée, pressions constantes, dépression, états de nervosité constante, manque de sommeil, insomnies aiguës, troubles psychologiques plus ou moins graves, épisodes psychotiques, colère, agressivité, tentatives de suicide, violences conjugales, violences contre les enfants, addictions de tous types, entre alcool, cannabis, psychotropes utilisés de manière non contrôlée et anarchiques, crack, cocaïne, héroïne, sans parler de l’usage du tabac, sous toutes ses formes, qui pose un réel problème de santé publique et qui touche, aujourd’hui, une population marocaine de plus en plus jeune.

Tous ces constats expliquent en partie la batterie de chiffres dont on dispose, dans l’attente d’une véritable enquête rigoureuse et sérieuse, sur le terrain, durant des années, avec des équipes compétentes, pour faire le diagnostic profond de l’état de santé mental des Marocains, face à la vie et ses aléas et autres intempéries. S’il est établi que des millions de Marocains souffrent de nombreuses pathologies psychiatriques, il est aussi clair que nous manquons d’outils, de moyens, de compétences et de formation pour aider, accompagner et pourquoi pas, soigner nos semblables face aux conséquences de la vie moderne à laquelle ils payent un lourd tribut. Car, au-delà des impacts mentaux, il y a aussi les dégâts physiques causés par la précarité, les différents manques, l’angoisse continue de ne pas pouvoir assurer et assumer son rôle de père, de mère, de mari, d’épouse… Troubles cardiaques, diabètes, risques d’AVC, sans parler des hépatites, des infections pulmonaires et d’autres maladies, qui, d’un côté s’installent dans la durée, de l’autre, ne sont souvent ni diagnostiquées ni traitées à temps. Pour une grande part, les causes sont aussi à chercher dans la qualité de vie des Marocains.

Hygiène de vie, hygiène corporelle, hygiène spirituelle, hygiène mentale. Mais, à ce niveau-là, les choses laissent beaucoup à désirer. Parce que face aux dures réalités du quotidien, qui se préoccupe de son état mental, de sa spiritualité, de son corps ? Quand on n’a rien de substantiel dans le corps, on n’a rien de substantiel dans l’esprit pour faire face à ce qui nous fait mal, à ce qui nous lamine, à ce qui risque de nous achever. Et c’est exactement cette réalité que vivent beaucoup de Marocains. La vie devient cruelle. Les moyens manquent avec les crises qui se succèdent. Des gens perdent leur travail et risquent de perdre leur famille quand d’autres se retrouvent à la rue.

D’autres plongent dans la mendicité avant de devenir sans domicile fixe. Et c’est l’engrenage. C’est le cercle vicieux qui finit par devenir une machine infernale qui décime à tour d’acier. C’est partant de tout ceci qu’il nous faut faire de la santé mentale des Marocains une priorité de santé publique. Il nous faut un débat national soutenu et rationnel pour réfléchir à des solutions, pour rectifier les erreurs du passé et changer notre fusil d’épaule pour pouvoir apporter des traitements efficaces aux Marocains et surtout un accompagnement de qualité. Dans cette optique, il nous faut un grand nombre de psychiatres, des unités de soins dignes de ce nom, des centres dédiés aux différentes addictions qui frappent au cœur de la société, des hôpitaux, dans toutes les régions du Maroc, surtout dans les zones les plus reculées. Car, là aussi, et surtout, il y a nos semblables qui souffrent en silence et c’est à nous d’aller vers eux, pour les écouter et les aider à s’en sortir.

 

 

Par Docteur Imane Kendili Psychiatre et écrivaine

 

 

 

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