Par R. K. Houdaïfa
Née à Casablanca, elle grandit entre le Maroc et la Chine. «J’avais cinq ans lorsque mon père a été muté en Chine. Et, je suis revenue au Maroc à l’âge de onze ans», indique-t-elle. Petite, son père lui offre une petite caméra qu’elle utilisait lors des voyages familiaux en Asie. «Je m’amusais beaucoup en faisant de petits films avec mes ami(e)s», note-t-elle.
De fait, ce qui était une aspiration est devenu une nécessité lorsqu’elle a obtenu son baccalauréat. Le sort en est jeté. Possédée par le cinéma, elle met le cap vers la ville des arts : Paris. Pendant l’interview – à l’institut français de Casablanca -, elle mentionne que «c’était le scénario qui m’intéressait. Car, c’est ce qui m’emporte le plus dans les films. De là, je me suis rendue compte qu’il est préalable d’être très forte en cette matière».
En effet, pour faire un bon film, il faut trois ingrédients : une bonne histoire, une bonne histoire et une bonne histoire. On l’imagine bien passer des nuits entières à écrire, perdue dans ses pensées, sans notion du temps qui passe… «Cela prend beaucoup de temps. J’ai une structure de scénario très classique, à l’américaine. Et donc, avec des techniques de dramaturgie. Je passe par des models, des schémas… C’est très mathématique», confie-t-elle tout sourire.
Ainsi, le plaisir d’écrire tientil, également, à une forme de transe ? Oui, mais seulement après avoir pensé la structure du scénario : «une forme de transe, d’immersion on va dire !» A un certain moment, la belle mécanique des rendez-vous parisiens se grippait : «il n’y avait pas de réseau». Il fallait faire feu de tout bois.
Sofia s’est découverte une âme de messie : «Je me suis dite : je ne vais pas attendre que les rencontres se fassent, il faut les créer». C’est ainsi qu’elle mit en orbite «Rendez-vous des scénaristes», et en fait un lieu d’échanges, de débats. «J’avais invité les directeurs d’acquisition (ceux qui acquièrent les films -ndlr) presque de toutes les chaînes : M6, TF1, Canal+... Des gens qui sont très importants dans le financement des films», précise-t-elle.
Elle y officie comme lectrice et sélectionniste des scénarios pour le «pitch» et «les séances de consulting». L’aventure tourna court, faute de temps forcément. Après un an et quelques mois de bons et loyaux services, elle rendit son tablier. Sa dernière fiction «Qu’importe si les bêtes meurent» a gagné le Grand prix du jury au Festival du Sundance 2020, et a été nommée au César 2021 meilleur court-métrage. «C’est l’histoire d’un berger, isolé dans les montagnes de l'Atlas et dont le troupeau de moutons dépérit. Le jeune Abdellah part en quête de nourriture dans un village à plus d'un jour de marche. Arrivé, il trouve le lieu complètement désert. Il y rencontre un événement qui, non seulement a bouleversé le monde, mais va aussi le brouiller et le contraindre à remettre en question sa propre existence», explique Sofia.
Lorsqu’on lui demande que serait donc ce drame ? Elle rétorque avec des rires : «ah, si vous n’avez pas vu le film, autant ne pas le dire». Sofia a toujours cherché de nouvelles façons de raconter, de faire tenir un récit… Elle tente d’explorer réellement les limites de la chose représentée : «je vais vraiment au bout, même dans l’intention visuelle. D’autant plus que je suis quelqu’un de très instinctif : je fais les choses comme je les ressens».
Son cinéma est bel et bien particulier dans ses thématiques «et la manière dont elles sont abordées». Il serait donc une sorte de «fenêtre, miroir sur le monde – sur nous-mêmes – ou une manière de sortir de son quotidien pour s’identifier à des personnages, et peut-être s’améliorer et se comprendre davantage».
Quoique la fiction est son crédo, chaque fois qu’un problème purement artistique ou qu’une idée l’intéresse, Sofia les assume totalement ; elle les médite, les analyse, les transforme, les propose. «Je suis une personne hyper active et très curieuse. J’ai envie de tout explorer…», conclut-elle.