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Quelques incontournables du FICAM

Quelques incontournables du FICAM

Michel Ocelot, venu présenter en exclusivité à Meknès des images de son prochain long-métrage «Le pharaon, le sauvage et la princesse»; le réalisateur luxembourgeois Carlo Vogele qui a présenté, en séance événement, son premier long-métrage d’animation «Icare», et Florence Miailhe, qui participe à la compétition du long-métrage avec son film, «La traversée», réalisé entièrement en peinture sur verre directement sous la caméra, ont bien voulu nous accorder un moment, à la cafétéria de l’IF, pour décliner les dédales de l’animation.

Propos recueillis par R. K. H.

 

Finances News Hebdo : L’animation vous permet-elle d’aller jusqu’au bout des choses ?

Michel Ocelot : L’animation me permet d’abord d'être très libre : je fais ce que je veux et je dessine ce que je veux. C’est une énorme puissance par rapport à la vie réelle. L'animation fait un peu tomber les défenses. Les gens ne se méfient pas trop d’elle. Et mine de rien on peut leur dire plein de choses sans qu’ils ne s’en aperçoivent.

Florence Miailhe : Le cinéma d’animation permet de faire les choses suggérées et, en même temps, qui n’en sont pas moins édulcorées. Je traite des thèmes qui sont assez difficiles, par exemple, et le cinéma d’animation me permet d’en parler à tous les publics. Avec l’animation, on est dans des choses plus métaphoriques et cela fait appel à des images qui sont presque communes à tout le monde.

Carlo Vogele : Pendant mes années d’études, je faisais du théâtre en expérimentant les marionnettes et les masques. Or, je n’ai jamais été intéressé par la scène… Chemin faisant, je me suis dit : ce qui est bien avec l’animation, c’est que tu peux exprimer des choses; donner vie, grâce au dessin ou à la stop motion, à des personnages imaginaires..

 

F.N.H. : Animation et dessin sont-ils connexes ?  

Michel Ocelot : Ah oui ! Oui, oui, oui, ouiii !! Ceci dit, il existe une autre catégorie d’animation : la 3D numérique où les modeleurs sont guidés par du dessin. Il y a, maintenant, plus de marionnettistes que de dessinateurs. C’est très différent et d’une certaine manière moins gai ! Aujourd’hui, l'animation n’est plus de l'animation, mais plutôt du théâtre de marionnettes.

Florence Miailhe : Pour beaucoup, le film d'animation, c’est forcément du dessin animé. Or, c’est plus large que ça ! C’est très très ouvert : on y trouve des films aussi bien avec des objets que des personnages réels qui sont animés différemment; des films avec des marionnettes, des poupées, etc. Moi, je m’y évertue par exemple avec de la peinture animée. Oui, c’est plus proche du dessin que les marionnettes. Il existe d’énormes champs en animation.

Carlo Vogele : Oui ! C’est vrai qu’«Icare» a été fait en 3D - tous les personnages ont été modélisés -, mais honnêtement, j’ai appris l'animation moyennant le dessin avant de passer à la 3D et la stop motion. Pour moi, c’est pareil ! C’est juste que je ne dessine pas aussi bien et je n’arrive pas à trouver des gens qui dessinent très très bien; parce qu’au Luxembourg, le dessin n’est pas la spécialité. Il y a beaucoup plus de gens qui sont bons en 3D… Je suis très à l’aise en 3D.

 

F.N.H. : Certains rangent le cinéma d'animation sous l’étiquette «Pour enfants !». 

Michel Ocelot : Alors ça, c’est une petite malédiction qui nous poursuit depuis que le grand triomphateur Walt Disney eut l’idée de faire un long métrage en animation. Il l’a réussi à telle enseigne qu’il eut un succès phénoménal chez les enfants et les familles. De là, le public n'a jamais imaginé qu’on pouvait faire autre chose. C’est pourquoi on a du mal à sortir de cette sorte de condamnation. Il y a, en effet, des gens qui créent des films d'animation pour les enfants. Ce qui est une mauvaise action, je dirai. Il faut faire des films pour «les êtres humains intelligents», tout court. Dans mon cas, je n’ai jamais fait de films pour enfants; par contre cela ne me gêne pas que mon travail soit aimé par eux.

Florence Miailhe : Cela fait longtemps que nous essayons (autant les réalisateurs que les gens qui font les festivals) de montrer que l'animation n’est pas que pour les enfants, et qu’effective ment les adultes peuvent eux aussi aller voir des films de ce genre-là. Les choses se font petit à petit.

Carlo Vogele : Oui oui je trouve ! C’est vrai, parce qu’avant on parlait que de dessins animés. Et on parlait beaucoup de cartoons aussi. C’est avec «Kirikou et la princesse» de Michel Ocelot, en 1998, que le film d’animation s’est vraiment imposé comme une œuvre pas pour les enfants, mais comme une œuvre pour tout le monde. Avec tous les films qui sortent tous les ans, il serait dommage de ranger le cinéma d’animation sous l’étiquette «pour enfants !».

 

F.N.H. : Qu’est-ce qu’il faut pour mitonner un bon film d'animation ? 

Florence Miailhe : Beaucoup de passion et surtout de patience !

 

F.N.H. : Le plaisir de dessiner tient-il à une forme de transe ? 

Michel Ocelot : Oh, vous utilisez de grands termes (rires) ! Je suis très raisonnable. Je crois à la passion, à l’inspiration… mais à la transe non. Je suis conscient - et je veux le rester pour toujours. Alors, non, ce n’est pas mon genre !

 

F.N.H. : Parlez-nous de «Le pharaon, le sauvage et la princesse» que vous préparez. 

Michel Ocelot : C’est, comme d’habitude, quelque chose que j’ai eu envie de faire, mais dans un format léger. J’ai voulu revenir à des formats courts. Enfin, moins courts que les formats courts et plus courts que mes longs métrages traditionnels (rires). Ce sont trois histoires complètement différentes ayant des images complètement différentes, des tons complètement différents… La première met en «animation» un conte égyptien (fait en collaboration avec le Louvre; ce qui m'a un peu étonné). Très beau, très pur, porté par de belles couleurs. La seconde histoire est un conte collecté par Henri Pourrat. Un peu gris, car extrêmement sombre. Il l’est au début, puis devient réjouissant, mais toujours et parallèlement à une image terrible. Concernant la dernière, c'est une fantaisie pas très historique. Les deux premiers sont très exacts (on connaît l’endroit et le moment), là, je joue au conte de «Les Mille et Une Nuits» sans magie. Soit. C’est joyeux : il y a un prince et une princesse; un grand sultan et son vizir soumis; des secrets et des menaces, de mort parfois; des intérieurs renversants... c’était vraiment pour m’amuser, quoique je célèbre, ici, l’Anatolie. Toutes les civilisations y sont passées; et je l’évoque dans les scènes du marché. Pour le reste, c’est juste le plaisir de vous raconter un petit truc sympa, rigolo !

 

F.N.H. : Comment regardez-vous Kirikou aujourd’hui ? 

Michel Ocelot : Je le regarde avec beaucoup de sympathie. Vous me diriez: vous n’êtes pas lassé des questions sur Kirikou ? Je répondrai par non. Kirikou a changé ma vie, Kirikou c’est moi… Je suis content de tout ça et je peux en reparler comme si je venais de le commettre. Je n’ai jamais pensé que cela va perdurer … C’est plus que du succès, c’est de l’amour (sourire) ! 

 

 

PALMARES
Michel Ocelot consacre toute sa carrière au cinéma d’animation. C’est en 1998 que le grand public le découvre grâce au succès public et critique de «Kirikou et la Sorcière», son premier long-métrage. Viennent ensuite d’autres succès comme «Princes et Princesses», «Kirikou et les bêtes sauvages», «Azur & Asmar», «Dilili à Paris», César 2019 du Meilleur film d’animation.
Née en 1956, Florence Miailhe est diplômée de l’Ecole nationale supérieure des arts décoratifs (ENSAD). Elle réalise, en 1991, son premier court-métrage d’animation. Son style très personnel est remarqué dans différents festivals en France comme à l’international. Elle reçoit notamment, en 2002, le César du meilleur court-métrage pour «Au premier dimanche d’août» et une Mention spéciale, en 2006, au Festival de Cannes pour Contes de quartier.
Né en 1981 au Luxembourg, Carlo Vogele est lauréat de l’Ecole des Gobelins avant de s'aventurer dans un parcours multiforme, des studios Aardman à Bristol jusqu'à Pixar en Californie où il travaille pendant huit ans et prend part à la fabrication de longs métrages tels que «Toy Story 3», «Rebelle», «Monstres Académie»… Revenu en Europe en 2016 pour développer une technique d'animation hybride, «Icare» est son premier long-métrage en tant que réalisateur. 

 

 

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