Par R. K.Houdaïfa
Port au-delà des continents, pont unissant l’Europe à l’Afrique, ville trouble où les eaux se mêlent, Tanger ne cesse de relier présent et passé. Celuici se surcote comme une vieille liqueur, se conte avec gourmandise, se décrit à coup de superlatifs. Il transparaît partout, transperce le voile de la mémoire, fuse de derrière les murs, les murailles, les bouges et les palaces. Tanger est une ville du passé où les fantômes sont vivants.
Au quartier de Malabata subsiste la bâtisse que le journaliste britannique Walter Burton Harris (envoyé spécial du londonien The Times), avait imaginé et construit dans un style néo-mauresque très en vogue à la fin du XIXème siècle. Il y recevait l’élite du monde politique et intellectuel. Il en fait un lieu de discussions des grands évènements, d’alliances et de négociations... Mais suite à des dettes de jeu, il a été contraint de se séparer de son petit paradis qu’il céda au propriétaire espagnol du Casino Onofre Zapata.
De fait, la belle demeure et son parc sont transformés en Casino-Parc, jusqu’à l’occupation de Tanger par les troupes espagnoles lors de la seconde guerre mondiale. Dans les années 60, le domaine est racheté par le Club Med pour y aménager l’un de ses villages. En 1992, le Club Med quitte Tanger, laissant le domaine intact et inhabité. Jadis florissant, le bâtiment séchait du pied, patinait, avait mis la clé sous la porte… il n’était que l’ombre de son ombre, parvenant si bas qu’il devait mécaniquement remonter. Pour ce faire, une impulsion était nécessaire. Elle fut donnée, après vingt ans d’abandon, par l’Agence pour la promotion et le développement du Nord, dans le cadre du projet Tanger Métropole…
D’un vestige à un musée d’art moderne
A vrai dire, c’est grâce à une étroite collaboration entre la Fondation nationale des musées (qui est fidèle à son objectif de doter chaque ville d’un musée) avec la wilaya de Tanger et le ministère de la Culture, de la Jeunesse et des Sports que ce bijou architectural a été rénové, et surtout converti en un espace muséal.
Actuellement, le lieu abrite une exposition qui offre à voir les œuvres d’une constellation d’artistes occidentaux qui, happés par le Maroc, se sont évertués à en restituer les splendeurs. Des tableaux d’artistes majeurs du début du XXème siècle, tels que Frank Tapiro, Jacques Majorelle, Claudio Bravo ou encore Edy-Legrand se confrontent aux œuvres des premières générations d’artistes marocains qui ont façonné la modernité artistique du Royaume, de Ben Ali R’bati et Mohamed Sarghini à Jilali Gharbaoui, Fatima Hassan, Mohamed Hamri et Farid Belkahia, entre autres.
*Collection issue d’une donation offerte par El Khalil Belguench