La population des personnes âgées dépendantes est en hausse constante.
La capacité d’accueil est insuffisante pour répondre à la demande.
Par C. Jaidani
Le Maroc connaît une transition démographique avérée, marquée par le vieillissement progressif de la population et une baisse de la fécondité. Du coup, la pyramide des âges s’élargit vers le haut et se rétrécit vers le bas. Cette métamorphose engendre différentes problématiques, comme l’augmentation du nombre des seniors.
Le haut-commissariat au Plan (HCP) a confirmé ce constat. Il souligne que le nombre de personnes âgées de 60 ans et plus dans le Royaume a atteint, en 2021, 4,3 millions, soit 11,7% de la population totale.
En 2004, elles n’étaient que 2,4 millions, représentant 8% de la population totale. Cette population devrait augmenter pour atteindre 6 millions en 2030, soit une augmentation de 42% par rapport à 2021 et représenterait 15,4% de la population. En 2050, elle grimpera à 10 millions de personnes.
«Ce phénomène est universel. Il touche particulièrement les pays développés. Cette tendance de vieillissement de la population devrait se poursuivre au Maroc et pourrait s’accentuer avec la hausse de l’espérance de vie et la baisse des natalités. Dès lors, de nombreux défis se posent pour accompagner les seniors, qui englobent une population vulnérable, présentant plusieurs risques, particulièrement les maladies. On recense pas moins de 178.000 personnes qui sont totalement dépendantes d’autrui, que ce soit pour leur mobilité ou les autres activités quotidiennes les plus élémentaires», souligne Mohcine Belalia, professeur de démographie à l’Université Hassan II de Casablanca.
Et de poursuivre : «Même si elle n’est pas tout à fait admise socialement au Maroc, la présence de maisons pour personnes âgées se pose actuellement avec acuité. C’est une réalité qu’il faut accepter. Les familles seront de plus en plus incapables de les prendre en charge». En effet, l’idée de concevoir des lieux d’accueil pour seniors est rejetée par la société marocaine. Feu Hassan II avait affirmé, à ce sujet, que «le jour où l’on ouvrira la première maison de retraite au Maroc, notre société sera en voie de disparition».
Avec ces paroles cultes, le défunt Roi voulait mettre en valeur l’esprit fort de solidarité qui marque la famille marocaine depuis des siècles. Si dans les pays européens, le transfert d’une personne à une maison de retraite est jugé normal, au Maroc ce geste est considéré comme honteux pour la communauté, surtout pour les enfants qui optent pour cette solution. Mais la donne a beaucoup changé. La transition démographique a été accompagnée par des bouleversements économiques et sociaux qui ont modifié la physionomie de la société marocaine.
Plusieurs seniors choisissent les maisons de retraite par contrainte, car les membres de leurs familles sont pris par le travail et ne peuvent donc pas s‘occuper d’eux. En outre, ces lieux d’accueil ont le savoir-faire et sont bien dotés en ressources humaines qualifiées et matérielles pour les accompagner.
Depuis un certain temps, le Maroc se prépare à lancer un écosystème dédié aux établissements de protection sociale, qui englobent non seulement les personnes âgées, mais également les orphelins, les sans-abris et les mendiants. La loi 65-15 ouvre de nouvelles perspectives pour ce domaine. Des textes d’application sont promulgués ouvrant la possibilité au privé d’ouvrir ce genre de centres. Ces textes ont prévu également des cahiers de charges régissant leur règlement interne afin de définir les habilitations de chaque établissement pour en finir avec les mélanges des catégories.
«Selon les données du HCP, 8% des seniors marocains sont en situation de handicap. Ce chiffre devrait augmenter dans les années à venir. Les centres d’accueil pour personnes âgées sont moins de 80 et ont une capacité d’accueil de près de 6.000 personnes, ce qui est insuffisant pour assurer toutes les demandes. D’autant plus qu’il manque au dispositif juridique encadrant ce domaine un décret d’application concernant l’installation de centres médicalisés, à l’image des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Epad)», souligne un spécialiste de ce domaine.
Il note aussi que «les maisons de retraite pour étrangers installés au Maroc, ne sont pas similaires aux Epad à cause du vide juridique. De nombreux projets sont en veilleuse à cause de cette limite».