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«Les acteurs du développement ne doivent pas perdre de vue l'importance de la protection du commerce intra-OCI»

«Les acteurs du développement ne doivent pas perdre de vue l'importance de la protection du commerce intra-OCI»

Par Hani Salem Sonbol, DG de la Société internationale islamique de financement du commerce (ITFC)

 

Avec la pandémie Covid-19 qui s’est développée au cours du premier trimestre 2020, les gouvernements du monde entier ont été contraints de prendre des mesures drastiques pour contrer les défis socioéconomiques posés par la crise. L'imposition de fermetures de frontières et de restrictions de mouvements à l'échelle mondiale, bien que s'atténuant au fil de l'année, a eu de graves répercussions sur les activités commerciales, limitant les chaînes d'approvisionnement mondiales et interrompant les flux commerciaux. Ces mesures ont non seulement entraîné une pénurie considérable de produits essentiels tels que les aliments de base, les médicaments et les hydrocarbures, mais elles ont également coupé les sources de revenus des micro, petites et moyennes entreprises (MPME).

Dans l'ensemble du monde en voie de développement, en particulier dans les pays les moins avancés (PMA), l'arrêt des activités commerciales a laissé bon nombre de segments les plus vulnérables de la société sans filet de protection que constitue le soutien de l'État. De plus, la confiance des investisseurs envers les PME et les start-up a généralement chuté, avec aucun signe de redressement notable au cours du premier semestre 2021. Le récent «Investment Trends Monitor» de la CNUCED a indiqué que les investissements directs étrangers au niveau mondial ont chuté de 42%, passant de 1,5 trillion de dollars US en 2019 à environ 859 milliards de dollars US en 2020.

Au fur et à mesure que la pandémie se développait, des institutions mondiales telles que l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ont averti que l'impact négatif sur la consommation, les services, la production, l'investissement, les transports, les finances publiques et d'autres activités économiques pourrait diminuer les espoirs de reprise tant pour les pays en développement que pour les pays développés en 2020 et 2021. Cependant, le Fonds monétaire international (FMI) a déclaré que l'économie mondiale devrait retrouver une croissance de 5% en 2021, marquant le début d'«une longue et difficile ascension». Si la voie de la normalisation ne sera pas facile, les efforts de relance doivent se poursuivre.

Pour les pays membres de l’Organisation de la coopération islamique (OCI), dont un grand nombre sont des PMA en Afrique, en Asie et dans le monde arabe, la continuité des échanges commerciaux est vital pour la stabilité socioéconomique sur le long terme. L’accès aux financements des PME, exacerbé par la pandémie, est nécessaire pour assurer la croissance du commerce intra-OCI. A cette fin, les acteurs internationaux, régionaux et multilatéraux de la finance et du développement ont un rôle clé à jouer pour fournir un soutien adéquat pour assurer la continuité du commerce dans ces pays.

Protéger la trajectoire ascendante de la croissance du commerce intra-OCI d’avant-pandémie

 Selon la dernière édition des Perspectives économiques de l'OCI «OIC Economic Outlook 2020» du Centre de recherches statistiques, économiques et sociales et de formation pour les pays islamiques (SESRIC), la capacité de production dans les Etats-membres de l’OCI a augmenté, entre 2010 et 2019, de 63% pour atteindre 21,5 trillions de dollars US. Le volume d’exportation intra-OCI a augmenté depuis 2016, de 254 milliards de dollars US à 331 milliards de dollars US en 2019. Malgré l'impact de la Covid-19, la capacité de production des pays de l'OCI devrait augmenter de 5%, pour atteindre 22,6 trillions de dollars US à la fin de 2021. Dans le but de maintenir cette projection, les États membres de l'OCI, leurs institutions internationales et régionales et leurs partenaires de développement ont intensifié la coopération et les efforts de pilotage pour stimuler les volumes de commerce extérieur et intra-OCI en facilitant les flux d'import-export.

Depuis de début de la pandémie de la Covid-19, la Société internationale islamique de financement du commerce (ITFC) a introduit de nouveaux programmes et des initiatives pour protéger et faciliter les exportations et importations cruciales entre pays-membres de l’OCI. Ces initiatives visent à maintenir et à développer les chaînes de valeur dans les industries clés, en particulier l'agriculture, l'agroalimentaire, l'énergie, les produits pharmaceutiques, la construction et les matériaux et équipements électriques. Devant la réalité de la pandémie, l’ITFC a réorienté ses engagements financiers pour se concentrer sur les besoins critiques des pays membres de l'OCI, avec une première initiative ‘réponse rapide’, de 300 millions de dollars pour faciliter l’achat d’équipements médicaux d’urgence, ainsi que des produits stratégiques, comme les nourritures de base et les produits énergétiques.

Avec l’évolution de la crise, le financement initial a été augmenté, atteignant plus de 600 millions de dollars pour les pays membres de l’OCI en Afrique, en Asie, en CIS et au Moyen-Orient. Un montant supplémentaire de 550 millions de dollars a été alloué dans la seconde phase ‘Recovery Response Initiative’ pour soutenir les secteurs stratégiques et permettre aux pays membres de bénéficier de la réorientation des chaînes d’approvisionnement sur les deux prochaines années.

La coopération publique-privée est cruciale pour soutenir le développement du commerce intra-OCI

En 2020, l'ITFC a fourni 3,68 milliards de dollars US, soit 78% de l'ensemble des opérations de financement du commerce, pour faciliter le commerce entre les pays membres de l'OCI. L'accent a été mis sur le développement du secteur privé, qui est au cœur de la stratégie de l'ITFC pour stimuler le commerce intra-OCI. Compte tenu de son importance pour la création d'emplois, la génération de revenus et la création de flux commerciaux, le secteur des PME reste une priorité essentielle. Des lignes de financement, accordées par le biais de partenariats avec des banques et des institutions financières locales dans les pays membres de l'OCI, aident les PME à accéder aux ressources de financement du commerce et contribuent à la relance du secteur suite aux effets néfastes de la pandémie.

En 2020, le soutien financier de l'ITFC aux PME s'élevait à 427 millions de dollars US. La coopération entre les parties prenantes des secteurs public et privé des pays membres fait partie intégrante de la progression du commerce intra-OCI. Il faut adopter une approche globale et concertée pour relever les défis fondamentaux qui empêchent les PME axées sur l'import-export de tirer parti du potentiel commercial existant au sein de l'OCI. Plus que jamais, ces pays doivent adopter des processus et des politiques de commerce numérique pour réduire les coûts commerciaux et améliorer l'efficacité des échanges. La collaboration est également un outil fondamental pour le transfert des connaissances et de technologies qui, à son tour, peut accroître les flux commerciaux entre les pays membres.

Le programme des Ponts du commerce arabo-africains (AATB) est l'un des programmes phares de l'ITFC lancé en 2017 pour promouvoir et accroître le commerce et l'investissement entre la région arabe et africaine, deux grandes régions de l'OCI. Aujourd'hui, l'AATB est une puissante alliance d'acteurs multilatéraux de la finance et du développement, dont Afreximbank, la Banque arabe pour le développement économique en Afrique (BADEA), la Société islamique pour l'assurance des investissements et des crédits à l'exportation (ICIEC), le Groupe de la Banque islamique de développement (BID), le Fonds de l'OPEP pour le développement international (le Fonds de l'OPEP) et les gouvernements d'Égypte, du Maroc, de la Tunisie, du Bénin, du Cameroun, du Sénégal et du Togo. Les partenariats, les structures et les initiatives du programme AATB ont grandement soutenu le commerce entre les régions arabe et africaine en réduisant les coûts commerciaux, en améliorant les capacités technologiques, en facilitant la migration des meilleures pratiques et en augmentant la préparation à faire face aux risques de la chaîne d'approvisionnement.

Un autre programme visant à stimuler le commerce intra-OCI est l'Initiative aide pour le commerce en faveur des Etats arabes (AfTIAS). Cette initiative vise à renforcer la compétitivité des entreprises par des réformes de la politique commerciale, à améliorer les capacités des institutions nationales, régionales et d'appui au commerce par des programmes de facilitation du commerce et de formation et à fournir des efforts de soutien pour intégrer les PME dans les chaînes de valeur mondiales. Il est crucial pour les acteurs du développement de ne pas perdre de vue l'importance de la protection du commerce intra-OCI. Il reste des opportunités importantes dans des secteurs qui peuvent soutenir la croissance et renforcer la participation des pays de l'OCI dans les chaînes de valeur mondiales.

Les partenariats entre les institutions multilatérales internationales et régionales de financement et de développement, les gouvernements et les parties prenantes du secteur privé offrent des possibilités de se concentrer sur les secteurs à forte valeur ajoutée, qui reposent sur une main-d'œuvre plus qualifiée et qui peuvent promouvoir un plus grand investissement et la diffusion des connaissances pour stimuler le commerce intra-OCI et créer un impact socioéconomique durable. 

 

 

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